Les dernières années de l'aviation civile.

 

Changeons le climat... ?

Pour les générations futures, l'avion est un des grands responsables du réchauffement climatique !!!

Canicules, sécheresses, tempêtes, inondations... Qu'en pensez-vous ?

Le dérèglement climatique n'est pas une fatalité.
Favoriser les transports écologiques comme les véhicules à propulsion humaine, le train électrique et les bateaux permettrait de réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
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PolluJet.htm*

(*en référence à une publicité de la compagnie EasyJet 
qui a été le partenaire de la météo sur France Info au début et à la fin de l'année 2005)

        "L'association internationale du transport aérien (Iata) estime à 5.5 milliards de dollars les pertes dues à la hausse du pétrole pour les compagnies aériennes. Leur facture de kérosène, pourtant non taxée, a doublé depuis 2003. Les compagnies les plus riches font appel à des banques pour acheter le carburant. Les plus petites risquent de mettre la clef sous le porte." Les Échos 5 avril 2005.

        "Je crois que nous allons connaître une dizaine d'années au cours desquelles la courbe de la production pétrolière va ressembler à un plateau bosselé, avant qu'elle ne commence irrémédiablement à chuter" Jean Laherrère, ancien directeur d'exploitation de Total, membre de l'ASPO.

        La banque d'investissement Ixis-CIB a publié le 18 avril 2005 une étude selon laquelle le baril de pétrole pourrait coûter 380 dollars en 2015. Les auteurs du rapport jugent "totalement déraisonnable" l'hypothèse selon laquelle le prix du baril pourrait revenir entre 30 et 40 dollars. Une question se pose : à 380 dollars, l'A380 vole-t-il encore ?  Reuters.

        "Un avion supersonique est souhaitable pour que les hommes d'affaire puissent arriver frais à leur destination et pouvoir travailler dans des conditions convenables." André Turcat, le pilote d'essai du Concorde. France Info 16 juin 2005. Ces propos relayaient une information concernant un partenariat entre le Japon et d'autres pays industrialisés, européens notamment, pour lancer le projet d'un avion de ligne supersonique.

        "Célébrée avec tous les honneurs de la République, l'arrivée de l'A380 irrite les experts du réchauffement climatique. Car au-delà des efforts des motoristes pour diminuer la pollution et la consommation des réacteurs, l'avion européen symbolise la croissance permanente du trafic aérien. Or, si l'avion ne rejette que 2,5 % du total du gaz carbonique anthropique, il pourrait représenter plusieurs dizaines de pourcentage d'ici 40 ans, suivant la prolongation tendancielle. C'est d'autant plus inquiétant que le transport aérien échappe jusqu'alors aux dispositions du protocole de Kyoto et qu'aucune solution technologique n'existe, contrairement à d'autres secteurs comme l'automobile qui prépare déjà sa « révolution verte ». Airbus n'entretient qu'un vague alibi écologique avec une petite étude sur les avions à hydrogène. Les climatologues rappellent aussi qu'à consommation égale un avion a un impact climatique qui vaut 1 à 5 fois celle d'un transport routier, en raison d'émissions à haute altitude." "les Echos" du 27 avril 2005 - Page 13. 

Chers lecteurs, chères lectrices, bonjour. 

Toutes ces nouvelles semblent présager un avenir incertain à l'aviation civile... pourtant le rêve d'Icare perdure.

Écrire cette page n'est pas pour moi une partie de plaisir.

Jusqu'à l'âge de 15 ans, je voulais devenir pilote de chasse. Piloter le Rafale ou le Mirage 2000 était mon rêve. Je suis un ancien passionné de l'aviation comme peut l'attester cette photo où vous pouvez me voir plus jeune à bord d'un Mirage 2000 D. Du Concorde, au B17 Flying Fortress, en passant par le Mig 29 Fulcrum ou encore le SR71 Black Bird, les caractéristiques des avions civils et militaires ont peu de secrets pour moi. Il me faut aujourd'hui renier cette passion car j'ai pris conscience de son impact considérable sur notre belle planète : la Terre.

        C'est une certitude : l'aviation civile accessible aux masses ne durera pas. Son temps est maintenant compté pour deux raisons simples : d'une part le prix du pétrole crèvera les plafonds dans la décennie qui se profile et d'autre part la lutte pour la préservation du climat va nous obliger à prendre des mesures radicales pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre. 

A travers cette page, j'ai plusieurs objectifs :
- Vous montrer que l'aviation civile de masse vit ses dernières années sans la moindre chance de redressement, simplement parce que la flambée inévitable des prix du pétrole la rendra superflue.
- Vous montrer pourquoi il faut boycotter l'aviation civile dès aujourd'hui pour des raisons environnementales.
- Vous démontrer à contre courant de la plupart des médias, que le lancement commercial de l'A380 n'est absolument pas une bonne nouvelle pour nos enfants.
- Montrer aux élus de la région nantaise qu'ils doivent renoncer définitivement à la construction d'un aéroport sur le site de Notre Dame des Landes.
- Montrer aux voyageurs les alternatives crédibles à l'aviation civile.
- Et enfin prévenir tous les salariés de l'aéronautique pour qu'ils pensent dès maintenant à une reconversion dans un autre secteur économique.

Le pétrole : une énergie épuisable et totalement indispensable à l'aviation.

L'épuisement des réserves pétrolières : une fatalité.

        Le pétrole est une énergie fossile, elle résulte de l'accumulation d'algues dans des sédiments qui se sont peu à peu transformés au cours de millions d'années. Le pétrole est une réserve de lumière solaire ancestrale. Les stocks sont limités et comme nous en avons déjà consommé beaucoup, le fond du réservoir approche inexorablement.

        Après avoir consommé 900 Gb (Giga barils) de brut, nous aurions encore 1000 Gb de réserves prouvées de pétrole, auxquelles nous pourrions ajouter 300 Gb de réserves probables et 700 Gb de ressources conventionnelles (des ressources hypothétiques qui sont encore à découvrir notamment sous la mer, mais qui dans un contexte de renchérissement de l'énergie deviendraient économiquement exploitables, mais non démocratisables !). Je choisis d'ignorer les ressources non conventionnelles (huile lourde, sables bitumineux...) qui s'élèverait à 1000 Gb supplémentaires, car leur extraction en tant que combustible me semble difficilement imaginable dans un contexte final de rareté extrême et de péril climatique. Notre consommation mondiale annuelle est approximativement de 27 Gb (75 millions de barils par jour). Nous épuiserions donc tout le combustible pétrole dont nous disposerions raisonnablement en seulement 74 ans. 
        Prenez conscience que si nous allons jusque là, les périls climatiques risquent de prendre une ampleur que personne n'est aujourd'hui capable de prévoir. Il serait plus prudent d'ignorer l'existence des ressources et de se dire que nous avons seulement une dizaine d'années de pétrole devant nous. 10 ans, c'est très peu de temps pour construire une civilisation dépendante uniquement des énergies renouvelables et dans une moindre mesure de l'énergie nucléaire. Si nos parents, les baby boomers, avaient pris acte de l'avertissement de 1973, nous n'en serions pas à constater une telle urgence aujourd'hui. Si en 1973, il fallait diminuer sa consommation de pétrole de 3% par an, aujourd'hui nous sommes dans le devoir de diminuer notre gaspillage de cet or noir de 10% par an... Une paille !

        Quel sera l'impact de la déplétion du pétrole sur son prix ? Aujourd'hui le monde produit autant de pétrole qu'il en consomme et surtout le monde consomme environ trois à quatre fois plus de pétrole qu'il n'en découvre dans le sol. La marge de progression est minime, pas plus de 1 millions de barils par jour, essentiellement en Arabie Saoudite, et encore c'est ce qu'on veut bien nous dire dans les médias pour nous rassurer. La vérité est probablement qu'il n'y a plus de marge de progression de la production. L'ensemble de l'économie mondiale est à la merci de la moindre crise dans les pays exportateurs de pétrole. Que la production d'un seul de ses pays soit stoppée et en quelques semaines le prix du baril flambera à plus de 100 dollars. Structurellement, à plus long terme, disons à l'horizon 2015, il est tout à fait possible que le prix du baril atteigne les 380 dollars et même bien plus haut si on envisage carrément la possibilité de pénuries.

        Il ne faut jamais perdre de vue qu'en matière de pétrole, un écart de 3% entre la production et la consommation provoquera au minimum un doublement du prix de l'or noir. Si cet écart passe à seulement 5%, le prix du baril quadruplera comme il a quadruplé en 1973 pour le même type d'écart provoqué artificiellement. Compte tenu de notre dépendance extrême vis-à-vis du pétrole, qui peut dire qu'un déficit de 5% entre la production et la consommation ne multipliera QUE par QUATRE les prix du pétrole ? Aujourd'hui (16 juillet 2006), la production semble encore suivre la consommation toujours croissante. Cela signifie que le prix d'équilibre du pétrole dans le cas où disparaissent les marges de manoeuvres au niveau de la production se situe entre 80 et 100 dollars (de 2006) le baril. Un déficit de 3% entre consommation et production propulserait donc le baril entre 160 et 200 dollars (vers 2010 - 2012). Un déficit un peu plus significatif de l'ordre de 5% entraînerait un baril dans le sillage des 320 à 400 dollars (vers 2015). Vous comprenez peut être mieux pourquoi l'hypothèse d'un baril de pétrole à 380 dollars en 2015 est plausible. 380 dollars, cela fait 2.4 dollars pour un litre de pétrole brut. Si on tient compte du raffinage (qui consomme lui aussi beaucoup d'énergie) on peut estimer le prix du litre de kérosène ou de gasoil à presque 3 dollars le litre. Si on ajoute les taxes pour payer les routes, les automobilistes de l'an de grâce 2015 devront débourser 3.7 dollars pour chaque litre de carburant acheté. Pensez donc ! Un plein de votre voiture pour 150 euros et pour seulement parcourir 650 km. Concernant l'aviation, le coût carburant représente 20 à 30% du prix du billet. Si le carburant voit son prix multiplié par quatre, le prix du billet va mécaniquement augmenter de plus de 50 %. C'est probablement pas assez pour décourager les hommes d'affaires des grandes entreprises, mais c'est suffisant pour vider la classe économique des touristes et des voyageurs occasionnels qui constituent pourtant la majorité des passagers de l'aviation civile. Il faut bien le dire, la classe affaire ne voyage que parce que la classe économique est pleine, ce qui permet des économies d'échelle avec des avions plus gros comme l'Airbus A380. Videz la classe économique et l'aviation civile dans son ensemble va piquer du nez.  

        Ce qu'il faut comprendre quand on parle de la déplétion du pétrole, c'est qu'en fait ce que j'ai écris plus haut est inexacte, nous n'épuiserons pas en 74 ans les réserves de pétrole dont nous disposons et dont nous pourrions raisonnablement disposer. La production du pétrole suit une courbe en forme de cloche. Elle passe par un pic que nous avons probablement déjà dépassé ou que nous sommes en train d'atteindre dans les années à venir. Il y a une bataille d'experts sur ce sujet. Ce qui est certain pour moi, c'est qu'on sera sur de la date du pic lorsqu'on l'aura largement dépassé, et alors il sera trop tard. Ce qui se passe après le pic est simple. La production pétrolière déclinera. Cela veut dire que nous ne pourrons plus consommer nos 27 Gb par an pendant 74 ans. Il faudra s'adapter à une baisse de la production qui finalement fera reculer la date de la dernière goutte de pétrole de plusieurs décennies, voire même plusieurs siècles. Ce qui est évident, c'est que dans un contexte de rareté, les dernières gouttes de pétrole seront réservées à une élite et que ceci est totalement incompatible avec la survie du transport aérien démocratique.

        Il faut maintenant envisager l'inéluctable décroissance de tout ce qui consomme du pétrole.

Les avions civils ne volent que parce qu'ils consomment un carburant bon marché et détaxé.

        Au sortir de la seconde guerre mondial, un accord international stipula que les carburants aériens ne seraient pas taxés. Cette convention signé en 1949 à Chicago était censé favoriser le développement du transport aérien et les échanges entre les pays. Le carburant des avions n'est pas taxé, il est donc directement indexé sur le prix du baril en sortie de raffinerie.

        Aujourd'hui, en 2005, la facture pétrolière représente environ le tiers du prix du billet d'avion. Et on peut dire que le secteur du transport aérien n'est pas vraiment adapté à un baril de pétrole au-dessus de 50 dollars.

A ce sujet voici un extrait d'un article de Catherine MAUSSION, paru dans le journal Libération du jeudi 7 juillet 2005 :

Titre : Voyage. Les compagnies aériennes ont encore augmenté la taxe carburant liée au prix du pétrole.
Le kérosène plombe les billets d'avion.

On connaissait la taxe pour excédent de bagages, il va falloir se faire à sa petite soeur, la surcharge carburant. Elle se niche sur la ligne YQ du billet d'avion. Une taxe qui grimpe, qui grimpe, depuis que le baril s'envole, c'est-à-dire depuis un peu plus d'un an. Les compagnies aériennes sont sacrément réactives. A chaque poussée de fièvre du pétrole, elles donnent un coup de pouce à la taxe. Air France a annoncé lundi 1 euro de relèvement sur chaque vol domestique, 2 euros sur un moyen-courrier et 4 euros sur un long-courrier. La compagnie a été suivie le lendemain par Lufthansa et Aeroflot. Pas de quoi vraiment s'emporter. Sauf que la hausse, chez Air France, est la cinquième du genre en quatorze mois. Si bien que le petit chiffre calé sur la ligne YQ atteint 76 euros pour un aller-retour Paris New York, 20 euros sur le Paris-Athènes et 14 euros sur le Paris-Toulouse. La compagnie se veut rassurante : «Dès que le baril repassera sous la barre des 50 dollars (il est à plus de 60 dollars aujourd'hui, ndlr), on supprimera le dernier cran.» Mais pour gommer définitivement la taxe, il faudra que le pétrole «descende sous les 30 euros». On en est loin.

(...) Reste que l'accumulation des taxes carburant commence à drôlement charger le prix de certains billets. «Un billet Paris-New York à 200 euros, hors taxes, peut revenir à 400 euros, une fois comptées les taxes aéroport et kérosène», dénonce Voyageurs du monde.

Il n'y a pas d'alternatives technologiques au pétrole pour l'aviation actuelle.

        Bon voilà, vous êtes au courant, la flambée du pétrole est inévitable, elle entraînera vraisemblablement la chute du transport aérien. Se pose maintenant la question des alternatives au pétrole pour faire voler les avions.

        Durant la 2ème guerre mondiale, l’Allemagne riche de chimistes talentueux a su fabriquer son carburant aviation à partir du charbon. On sait et l’on saura toujours fabriquer ce genre d’hydrocarbures synthétiques ; mais le problème des gaz à effet de serre subsistera. A ce propos, savez-vous que l'Afrique du Sud produit une partie du pétrole qu'elle consomme à partir de son charbon ? La recette allemande est en fait d'actualité. Cependant, plus le pétrole conventionnel sera cher, plus le pétrole synthétique sera cher également car à notre époque, le charbon est extrait des mines avec des machines dépendantes du pétrole. La flambée des prix des carburants liquides se poursuivra donc encore longtemps même si on décidait de liquéfier le charbon. Et d'un point de vue climatique le charbon est ce qu'il y a de pire.

Les agro-carburants ? Pourrait-on mettre de la betterave dans le réservoir des avions ?

        Les agro-carburants, injustement appelés bio-carburants, sont aujourd'hui très dépendants des énergies fossiles comme le pétrole et le gaz. Il faut en effet produire des engrais et il faut 3 tonnes d'équivalent pétrole pour produire 1 tonne d'engrais. Il faut consommer de l'énergie au moment du labour,  de la récolte et de la transformation. Au final pour produire 1 litre d’agro-carburant, on est obligé de dépenser de 0.3 à 0.9 litre de pétrole. Dès lors, à quoi bon faire travailler des agriculteurs pour si peu de résultats ? Comme pour la liquéfaction du charbon, cette solution n'évitera pas l'inexorable flambée des prix des carburants qu'il faut mettre dans les ailes des avions.

Les chiffres à connaître pour savoir quelle quantité d’agro-carburants on pourrait produire en France :
- On peut produire une Tonne équivalent pétrole d’agro-carburant par hectare.
- Nous avons 55 millions d ’hectares de surface métropolitaine
- Dont 30 millions d ’hectares de SAU (Surface Agricole Utilisée) et dont 18 millions de terres arables (pour les grandes cultures)
- Il y a aussi 15 millions d ’hectares couverts par les forêts
- Notre consommation annuelle : 95 millions de tonnes de pétrole, dont 50 dans le seul secteur des transports.

        Bilan : Il ressort que satisfaire seulement 10% de la consommation actuelle des transports (5 MTep) avec les biocarburants nécessiterait la mobilisation de 30 à 40% des terres agricoles actuelles ! Sachant que l’agriculture consomme 4 Mtep par an. Ne devrait-on pas laisser les carburants verts pour les tracteurs, les engins de terrassement et les bus fonctionnant à l ’huile végétale pure ? plutôt que de réserver ce combustible à la promenade trans-océanique de nos ministres ?

        Enfin, il faudra ajouter des additifs pour que le carburant ne se fige pas dans les réservoirs à cause de la température très basse que l'on rencontre en haute altitude. Les moteurs d'avions ne fonctionnent pas au diesel pour cette raison.

        Il y aurait cependant peut être un petit espoir de pouvoir produire du biocarburant en masse en cultivant les algues, mais les recherches sont en cours et il ne s'agit pour moi que d'une piste que je vous laisse le soin d'explorer si vous souhaitez en savoir davantage. 

L'hydrogène ?

        Entre 1956 et 1958, l'US Air Force développa dans le plus grand secret un avion espion destiné à remplacer le U2. Cet avion connu sous le nom de code Suntan devait être propulsé par des moteurs alimentés par de l'hydrogène liquide. Cet avion n'a jamais volé car le projet fut abandonné alors même que l'avion devait être assemblé. L'hydrogène posait trop de problèmes et il semble qu'il représente une véritable impasse pour propulser des machines volantes. Kelly Johnson, le génial concepteur d'avion, proposa ce concept avec enthousiasme et sur la fin c'est lui même qui participa à la décision d'abandonner. Kelly Johnson se rattrapa par la suite en menant à bien des projets comme celui du SR-71 Black bird

        L'hydrogène est au mieux un vecteur énergétique au coût décourageant, certainement pas une source d'énergie pour faire voler des avions de ligne comme l'avait imaginé Airbus avec ce cryoplane.

Menace d'une déflation mondiale à l'horizon.

        La flambée du pétrole, mais aussi plus largement des matières premières et des denrées agricoles, menace notre économie mondiale. Notre économie n'est conçue pour bien fonctionner que dans un contexte de croissance. La flambée des prix des matières nobles quelles soient énergétiques, minières ou alimentaires, est structurelle. Il ne s'agit pas d'un cycle comme nous l'avons connu dans les années 1950 ou 1970. Nous avons bel et bien dépassé les limites de notre planète. Nous avons largement dépassé sa capacité de charge. La décroissance économique est inévitable et le plus difficile pour nous tous sera de gérer cette décroissance, et donc toutes les frustrations qui vont l'accompagner, sans qu'éclatent des conflits armés dus à de vieilles rancoeurs. 

        La décroissance implique une déflation, une baisse du pouvoir d'achat. Les ménages vont recentrer leurs dépenses sur l'essentiel : manger, se loger, se soigner, se vêtir... Ils vont réduire leurs dépenses dans les loisirs et notamment dans les voyages. La classe économique va se vider. L'aviation sera le premier secteur à pâtir de la crise économique à venir.

        Les crises pétrolières antérieures dans les années 73 et 79 ont permis de réduire notre dépendance vis-à-vis du pétrole dans les domaines de l'industrie, du chauffage de l'habitat (avec une meilleure isolation) et de la production d'électricité (diversification avec le nucléaire, le gaz et le charbon). Cela a permis de limiter la demande et donc de maintenir des prix suffisamment bas pour que d'autres secteurs se passent d'efforts importants. Ces crises ont eu peu d'impact pour limiter la dépendance pétrolière au niveau des transports. Le transport cher est quelque chose que n'avons encore jamais réellement connu. C'est pourtant notre avenir à tous et malheureusement pour nous, notre civilisation s'est construite autour de la voiture individuelle, nous rendant encore plus vulnérable à une augmentation de l'énergie.

Des signes inquiétants pour l'aviation civile :

        En 2005, la plupart des compagnies aériennes américaines sont déficitaires et malgré une hausse du trafic mondial de passagers, les avions sont déjà moins remplis qu'ils ne l'étaient. Les sociétés d'investissements américaines commencent à conseiller à leurs clients qu'il faut sortir du capital des compagnies aériennes. Tout cela pour dire que des signes inquiétants pour l'aviation civile apparaissent un peu partout.

Extrait d'un article paru dans la Tribune le 4 mai 2004 : Le trafic aérien renoue avec la croissance. Remarquez bien ce que j'ai mis en gras à la fin de l'article.

Au premier trimestre 2004, le trafic mondial de passagers a enregistré une hausse de 9,6 %. En France, la progression est cependant trois fois moins rapide.
Malgré les risques de résurgence du Sras en Asie, les tensions au Moyen-Orient ou la crainte des attentats en Europe, le transport aérien connaît un regain inespéré d'activité. Sur les trois premiers mois de l'année, le trafic mondial de passagers a enregistré une hausse record de 9,6 %, et même de 10,1 % pour le fret, par rapport au premier trimestre 2003.
Sur l'ensemble du trimestre, toutes les zones de la planète ont profité de l'embellie, de l'Asie (+ 6,3 %) à l'Europe (+ 8,5 %) en passant par l'Amérique du Nord (+ 9,6 %). Quant aux transporteurs aériens du Moyen-Orient, leur trafic a fait un bond de 30,7 % mais l'activité s'était fortement repliée dans cette zone l'an dernier à la même époque à l'approche de l'offensive américaine en Irak.
En France, la croissance du trafic est plus modeste : + 3,2 % seulement au premier trimestre (+ 3,8 % en mars, + 4,8 % en février, + 0,8 % en janvier). Selon les statistiques de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), cette progression s'explique par la bonne tenue des vols internationaux (+ 5,5 %) quand le trafic métropolitain reste "éprouvé" (- 3,4 %), notamment en raison de l'effondrement des lignes province-province (- 14 %) après la disparition d'Air Littoral.

Inquiétudes. Au total, si le trafic aérien a renoué avec ses niveaux d'avant 2001, des signes d'inquiétudes persistent. Ainsi, le coefficient d'occupation des avions s'est réduit à 72,8 %, au lieu de 74 % en décembre 2003 pour une hausse de 5,5 % des capacités. Mais pour doper leur trafic, de nombreuses compagnies aériennes auraient choisi de sacrifier en partie leurs recettes unitaires.

        Avec ce genre d'article, il faut savoir lire entre les lignes, le trafic aérien est le siège de profonde mutation. Seules les grandes compagnies aériennes peuvent survivre et malgré leur restructuration, elles ont beaucoup de mal à remplir leurs avions. Le fait que le taux d'occupation des avions diminue est un signe très inquiétant pour l'avenir du transport aérien.

Quelles seront les conséquences de la fin de l'aviation civile ?

Vers la fin de la globalisation des échanges.

        Un pétrole plus cher renchérira le coût de tous les transports. Cela signifie que les produits fabriqués localement deviendront concurrentiels des produits importés de pays où la main d'oeuvre est sous payée. C'est donc la fin programmée de la mondialisation. Les distances vont s'allonger et on assistera dans un premier temps à un recentrage des économies à l'échelle continentale, puis à l'échelle régionale. De ce fait, les besoins en transports très longues distances seront moindres. Plus besoin de prendre l'avion pour passer des contrats de l'autre côté de l'océan.

Le déclin du tourisme lointain

        Il est probable que sans l'avion, les candidats aux destinations lointaines seront moins nombreux qu'aujourd'hui. Il faudra que les économies de nombreux pays se détournent du tourisme pour se recentrer sur l'agriculture, la pêche et l'artisanat. Cela ne sera pas une mince affaire étant donné l'importance du tourisme à l'échelle mondiale. 

        Ces derniers temps, j'ai été frappé de voir la dépendance à l'égard des touristes des pays asiatiques qui ont été ravagés par le Tsunami en décembre 2004. J'ai pu voir des habitants implorer le retour des charters d'étrangers en vacances. Dommage qu'ils n'aient pas su profiter du Tsunami pour reconstruire une économie moins dépendante du tourisme.

Vivra-t-on mal la fin de l'aviation civile ?

        Il faut relativiser, l'humanité a fait l'essentiel de son chemin sans transport aérien. La traversée de l'Atlantique en moins d'une demi journée n'est absolument pas une nécessité, c'est un luxe ! Un luxe qui était il y a seulement 40 ans réservé à nos ministres et quelques privilégiés parmi lesquels on pouvait trouver les stars du cinéma et quelques riches industriels. Dans les années 30, on promenait nos ministres et nos stars du cinéma et c'est tout. Nos grands parents ont parfaitement pu vivre sans le transport aérien. Pourquoi pas nous ?

Qui prend l'avion aujourd'hui ?

        Le trafic aérien mondial, c'est 700 millions de passagers par an. Des passagers qui sont à la fois des hommes d'affaire pouvant avoir pris 400 fois l'avion (comme s'était le cas pour un passager du Concorde) et aussi des touristes qui prendront une fois dans leur vie l'avion. Il y a donc une grande hétérogénéité dans les passagers entre ceux qui utilisent l'avion régulièrement pour travailler et ceux qui l'utilisent pour quelques balades occasionnelles. Il y a aussi une grande hétérogénéité au niveau mondial. Les citoyens américains prennent l'avion en moyenne 3 fois par an. Les indiens ont statistiquement mis les pieds dans un avion une fois tous les 100 ans ! 

        Tout cela pour dire que le trafic aérien mondial est concentré dans les pays riches et dans un petit nombre de ces pays riches. Partant de ce constat, je ne comprends pas pourquoi les partis politiques de gauche ont laissé faire, en limitant les taxes sur le carburant, le développement d'un mode de transport qui reste réservé à une minorité de la planète. 

Les alternatives au transport aérien 

        Avant même de se poser la question des alternatives au transport aérien, posons nous la question de l'utilité du transport rapide tout court. Le transport aérien doit-il être utilisé pour que des gens "riches" puissent se permettre des balades trans-océaniques le week end ? Simplement pour qu'ils puissent dire à leurs semblables "moi, j'ai fait le Pérou, la Tanzanie et la Polynésie" ? Il s'agit bien là d'une grave dérive de notre société de consommation. Sous prétexte qu'on a amassé plus d'argent que les autres, a-t-on le droit de consommer du voyage comme on consommerait de la nourriture ? Certainement que non mais pourtant la réalité procède d'une autre logique.

        Mais bon, admettons qu'il y ait toujours des masses de globe trotteurs prêts à prendre le départ pour consommer du voyage. Comme vont-ils faire sans l'avion et sans le pétrole ? 

        Pour traverser les continents le transport ferroviaire est de loin le moins gourmand en énergie. Son intérêt environnemental est cependant à moduler. Plus le train va vite, plus il consomme d'énergie et plus il faut adapter le relief de manière à limiter l'angle des courbes. Donc le TGV est moins écologique que le Train de grande ligne classique, d'autant plus si celui-ci est doté du système pendulaire. Ensuite, il faut voir qu'elle est l'énergie utilisée pour propulser le train. Les machines diesel type CC 72000 consomment plus de 10 litres au kilomètre pour propulser un train de voyageurs à 160 km/h. Une telle consommation d'un carburant fossile non renouvelable ne peut se justifier que si le train est plein ou si les marchandises à transporter ont une grande valeur. Je préfère nettement défendre le train électrique dont l'électricité peut être issue des barrages hydrauliques de montage associés à des champs d'éoliennes ou encore de quelques centrales nucléaires à neutrons rapides. Donc, l'alternative à l'aviation pour les trajets transcontinentaux est bien le train électrique

          

       Et pour traverser les océans ? Les hydroptères géants pourraient voir le jour. Actuellement ces bateaux de course montés sur des hydrofoils emportent une équipe de 10 personnes, pourquoi pas quelques passagers ? Sinon la fin de l'aviation civile pourrait bien revoir l'avènement des paquebots transocéaniques. Comme pour les trains, il faudra s'interroger sur l'énergie utilisée pour propulser ces poids lourds des océans. La fin du pétrole pas cher le sera pour tout le monde et il sera peut être plus économique de traverser les océans à l'aide de voile et assisté éventuellement d'un moteur brûlant du charbon, du bois ou du fioul lourd. Il serait aussi imaginable de nucléariser les plus gros navires. Nous sommes capables de propulser des portes avions, des brises glaces (comme le Sevmorput ci-dessus, cargo brise glace nucléaire russe) et des sous marins avec l'énergie nucléaire. Pourquoi pas des navires transportant passagers et marchandises ?

        Et pour les voyages d'affaires ? Il vrai qu'une bonne part du trafic aérien mondial est due à des voyages d'affaires. La fin du transport pas cher, qu'il soit aérien, terrestre ou maritime signifie la fin de la globalisation des échanges. Les prises de décisions n'auront pas lieu à l'échelle planétaire, mais à l'échelle régionale. Le train sera alors très compétitif en terme de temps et on peut imaginer que les télécommunications utilisant le réseau internet permettront de supprimer le besoin de se voir en direct pour prendre les bonnes décisions concernant les échanges plus lointains. En matière de vitesse, internet et le téléphone n'ont aucun rival en ce qui concerne la vitesse des télécommunications.

L'impact de l'aviation civile sur le réchauffement climatique.

        Pour éviter un emballement climatique, les scientifiques considèrent qu'il faut avant 2050 ramener nos émissions de CO2 à 3 milliards de tonnes d'équivalent carbone par an, soit la quantité que notre planète peut absorber naturellement. Or, les émissions s'élèvent actuellement à 7 milliards de tonnes et sont en augmentation constante. Il faut donc diviser par plus de deux les émissions à l'échelle du globe, et par quatre en moyenne pour les pays développés, par souci d'équité avec les pays du Sud. L'objectif est donc de réduire les émissions progressivement chaque année jusqu'en 2050. Une perspective préoccupante pour un transport aérien en pleine croissance.

        D'autant plus que l'impact de l'aviation civile est loin d'être négligeable. Selon l'Institut français de l'environnement (Ifen), les émissions moyennes des avions s'élèvent à 140 g par kilomètre et par passager, contre 100 g pour la voiture (en tenant compte d'un taux de remplissage moyen de 1.6 passagers par voiture). Ceci est normal car un avion vole vite (900 km/h) et en altitude (entre 10 000 et 12 000 m), ce qui coûte cher en énergie. A eux seuls, ces deux paramètres (vitesse et altitude) font déjà de l'avion le moyen de transport le plus énergivore et donc le plus réchauffant pour la planète.

        Le transport aérien mondial représente 2.5% des émissions mondiales de CO2 liées à la consommation d'énergies fossiles (on parle aussi du CO2 anthropique). Cela représente 600 millions de tonnes de CO2, soit plus que ce qu'émet la France toutes émissions confondues. (La combustion d'1 kilogramme de kérosène conduit à l'émission de 3.1 kg de CO2.) 

        Le CO2 n'est cependant pas le seul gaz émis par les avions. Les moteurs des avions sont conçus pour tourner pendant 20 000 heures (8 ans) avec des pièces qui chauffent à 1000°C. La haute température de combustion du carburant conduit les molécules d'oxygène et d'azote de l'air à former des oxydes d'azote (NOx). Plus le moteur a un haut rendement, plus grande est sa température de fonctionnement et plus il y a d'émissions de NOx. Ces NOx ont un effet positif, ils détruisent le méthane, un gaz à effet de serre 20 fois plus efficace que le CO2. Mais ils sont aussi des gaz à effet de serre et le bilan global est plutôt en faveur d'un réchauffement. Les émissions de NOx aggrave de 60% l'impact du CO2 émis par les avions. 


Une photo du ciel lézardé par des contrails prise fin août 2005 dans la région nantaise.

        Et la liste des gaz rejetés par les réacteurs ne s'arrête pas là. S'ajoutent la vapeur d'eau, les suies et les sulfates. Ces composés agissent tardivement et conduisent à la formation de nuages, dont les plus visibles sont ces traînées blanches, appelées "contrails" (pour "condensation trails"). Ces contrails forment des nuages analogues aux cirrus, ils laissent passer la lumière mais bloque les infrarouges provenant du sol, c'est donc l'effet de serre. Il est difficile de quantifier l'effet réchauffant des contrails car elles sont émises dans des conditions particulières : il faut un air froid et humide. Conditions que l'on retrouve davantage en hiver qu'en été, en altitude qu'au ras du sol, aux hautes latitudes que sous les tropiques... Néanmoins suite à des observations avec des moyens optiques pour mesurer l'épaisseur des contrails, les scientifiques s'accordent sur le fait que les contrails aggravent l'effet de serre dû au CO2 de 40% ! De plus on soupçonne que les avions sont responsables de la formation d'un certain nombre de cirrus simplement par l'ensemencement du ciel par les suies et les sulfates. Ces poussières déclenchent la formation de cristaux de glace dont sont composés les cirrus. Par l'observation, on a pu montrer que l'étendue des cirrus s'était accrue de 1 à 2% par décennies depuis les années 1970. Finalement l'effet cirrus se situe très vraisemblablement quelque part entre zéro et deux fois l'effet du CO2.

        Bilan : les émissions des avions parce qu'elles ont lieu en haute altitude sont deux à quatre fois plus échauffantes que si elles avaient lieu au niveau de la mer. L'aviation civile est donc le moyen de transport le plus réchauffant qu'il nous soit possible d'emprunter.

Voici maintenant la traduction (merci Thierry) d'un texte écrit par un journaliste anglais (George Monbiot) et publié dans The Guardian, le 28 février 2006 :

Nous sommes tous des assassins jusqu'à ce que nous arrêtions de prendre l'avion.

        Enfin la ligne de front est tracée et le premier grand combat sur le changement de climat est sur le point de commencer. Dans tout le pays, une coalition de propriétaires et d'anarchistes, NIMBYs et de mondialistes rassemble pour combattre la plus importante cause du réchauffement climatique du futur : la croissance de l'aviation.
        Parmi ces gens, peu se soucient de la biosphère. Certains sont concernés seulement parce que leurs maisons sont vouées au bulldozer, ou que, vivant sous les nouvelles voies aériennes, ils ne retrouveront jamais le bon sommeil d'antant. Mais celui qui s'est joint à une large coalition comprend la puissance de ce mélange d'idéalisme et d'intérêt personnel tenace.
        L'industrie l'a vu et obtient d'abord sa vengeance. La semaine dernière the Guardian a obtenu une copie sauvage d'un projet du traité entre l'Union Européenne et les Etats-Unis qui nous empêcheraient de prendre des mesures pour réduire l'impact environnemental des lignes aériennes sans l'approbation du gouvernement américain. Ceci, quoique pouvant être une " large interprétation ", n'est pas le premier accord de ce genre. La Convention de Chicago de 1944, maintenant déclinée par 4,000 traités bilatéraux, fixe qu'aucun gouvernement ne peut prélever d'impôt sur le kérosène. Les lignes aériennes ont été allaitées au biberon pour leurs vies.
        Le gouvernement britannique admet que le seul secteur dans lequel il est "libre de faire la politique indépendamment des autres pays" est le développement des aéroports : il pourrait suivre ou renverser complètement la croissance des vols en limitant la capacité des aéroports. Au lieu de cela il nous propose gentiment une troisième piste de décollage et d'atterrissage à Heathrow et des extensions semblables à Stansted, Birmingham, Edimbourg et Glasgow. Douze autres aéroports ont déjà annoncé des plans d'expansion. Selon le Comité d'Audit Environnemental de la Chambre des communes, la croissance que le gouvernement prévoit exigera "l'équivalent d'un autre Heathrow tous les 5 ans". La prédiction la plus précise d'Orwell en 1984 était la mutation de la Grande-Bretagne en Piste d'atterrissage N°1.
        Déjà, un cinquième de tous les passagers aériens internationaux du monde volent vers ou depuis un aéroport du Royaume Uni. Les chiffres ont quintuplés dans les 30 ans passés et le gouvernement prévoit qu'ils doubleront avant 2030, à 476 millions par an. Peut-être "prévoit" n'est-il pas le mot juste. En fournissant la capacité, le gouvernement assure que la croissance aura lieu.
        Du point de vue du changement climatique, c'est un désastre total, inégalé. Ce n'est pas seulement que l'aviation représente la source en croissance la plus rapide du monde d'émissions de CO2. La combustion de carburant d'avion a "un rapport de puissance radiative " d'environ 2.7. Cela signifie que l'effet global sur le réchauffement des émissions d'avion est 2.7 fois aussi grand que l'effet du CO2 seul. La vapeur d'eau qu'elles produisent forme des cristaux de glace dans la troposphère supérieure (des traînées de vapeur et des nuages de type cirrus) qui piègent la chaleur de la terre. Selon des calculs du Centre de Recherche sur le Changement climatique de Tyndall, si vous ajoutez ces deux effets (avec prudence car ils ne sont pas directement comparables), les seules émissions de l'aviation excéderaient la cible du gouvernement pour la production entière du pays en gaz à effet de serre en 2050 d'environ 134 %. Le gouvernement dispose d'un moyen efficace pour traiter cela. Il exclut les émissions d'avions internationaux de sa cible.
        Il ne s'engagera pas dans un débat honnête parce qu'il n'y a simplement aucun moyen de concilier ses plans et ses contraintes de développement durable. En effectuant des recherches pour mon livre sur la façon dont nous pourrions réaliser une réduction de 90 % de nos émissions de CO2 avant 2030, j'ai découvert, à ma grande surprise, que chaque autre source du réchauffement climatique peut être réduite ou remplacée dans cette proportion sans réduire nos libertés de façon exagérée. Mais il n'y a aucun moyen de soutenir le voyage longue distance et ultra-rapide.
        L'industrie prétend qu'il peut réduire ses émissions au moyen des nouvelles technologies. Mais comme le précise la Commission Royale sur la Pollution de l' Environnement, ses cibles "sont clairement des souhaits plutôt que des projections". Il y a des contraintes technologiques fondamentales incompatibles avec les principales améliorations nécessaires.
        Le premier problème est que nos avions ont une durée de vie remarquable. Le Boeing 747 est toujours en service 36 ans après sa fin de conception. Le Centre de Tyndall prévoit que le nouvel Airbus A380 volera, "dans une forme progressivement modifiée", en 2070. La transition vers des modèles plus efficaces signifierait l'abandon de la flotte existante.
        Quelques designers ont joué avec l'idée "de corps d'aile hybrides" : des avions avec des ailes creuses dans lesquelles les passagers sont assis. En principe ils pourraient réduire l'utilisation de carburant jusqu'à 30 %. Mais l'idée, du point de vue de la sécurité et de la stabilité, est loin d'être prouvée. Comme l'a dit le Conseil Consultatif pour la Recherche d'Aéronautique en Europe, "le consensus est que le taux de progrès des moteurs conventionnels ralentira significativement dans les 10 prochaines années." Et si l'efficacité de moteurs d'avion s'améliore, cela ne résout pas nécessairement le problème. Des moteurs plus efficaces ont tendance à être plus bruyants (donc moins acceptables pour les riverains) et à produire plus de vapeur d'eau (ce qui signifie que leur impact global sur le climat pourrait être plus important). Même si la promesse la plus optimiste d'une réduction de 30 % pourrait être tenue, cela compenserait seulement une fraction de la consommation supplémentaire de carburant causée par l'augmentation de la demande.
        Les compagnies aériennes continuent de parler d'avions à hydrogène, mais même si les problèmes technologiques étaient surmontés, ils provoqueraient un désastre encore plus grand que les modèles actuels. "Passer du pétrole à l'hydrogène," selon la Commission Royale, "remplacerait le CO2 des l'avion par le triplement des émissions de vapeur d'eau." Les biocarburants pour avions auraient besoin de plus de terre arable que la planète n'en possède. Le gouvernement britannique admet que "il n'y a aucune alternative viable actuellement connue au kérosène comme combustible d'aviation."
        Les nouvelles courbes de consommation de carburant tant pour les navires rapides de transport de voyageurs que pour les trains à grande vitesse suggèrent que leurs émissions de CO2 sont comparables avec celles des avions. Tout cela signifie que si nous voulons arrêter le réchauffement de la planète, nous devrons simplement arrêter de voyager aux vitesses permises par les avions.
        Cela est maintenant largement compris par les personnes qui m'entourent. Mais cela il n'a eu aucun impact sur leur comportement. Quand je défie mes amis à propos de leur week-end prévu à Rome ou leurs vacances en Floride, ils répondent par un sourire étrange et distant et détournent leur regard. Ils veulent juste s'amuser. Qui suis-je pour leur gâcher leur plaisir ? La dissonance morale est évidente.
        Malgré les efforts des compagnies aériennes pour démocratiser les voyages, 75 % de ceux qui utilisent des lignes aériennes à bas prix font partie des classes sociales A, B et C. Les propriétaires de résidences secondaires à l'étranger prennent en moyenne six vols aller-retour par an, tandis que les gens des classes D et E n'utilisent pratiquement pas l'avion : parce qu'ils ne peuvent pas se payer des vacances, ils participent à moins de 6 % des vols. L'essentiel de la croissance, d'après le gouvernement, sera apportée par les 10 % plus riches de la population. Mais les gens qui sont frappés en premier et qui seront frappés le plus fort par le changement de climat sont parmi les plus pauvres sur la planète. Déjà les sécheresses en Éthiopie, mettant des millions de personnes en danger de famine, sont visées par les climatologues avec le réchauffage de l'océan Indien. Environ 92 millions de Bangladais pourraient être chassés de leurs maisons durant ce siècle, afin que nous puissions toujours faire nos courses à New York.
        Prendre l'avion tue. Nous le savons tous et nous le faisons tous. Et nous n'arrêterons pas de le faire jusqu'à ce que le gouvernement change complètement sa politique et commence à fermer les pistes.

 

L'impact du transport aérien en Suisse :

        Selon une étude du PNR (Programme national de recherche, Suisse), 13% des émissions de C02 sont imputables au trafic aérien. Les résultats de l'étude démontrent que les Suisses parcourent 135 milliards de kilomètres-passagers aériens par année. La pollution engendrée représente près d'une tonne de C02 par année par habitant. 
        La comparaison entre le transport par rail et par voie aérienne est éloquente: faire transiter un passager depuis la Suisse (point de départ non précisé dans l'étude) jusqu'à Milan nécessite 9 litres d'énergie (en diesel) par train contre 26 en avion; les émissions de C02 se chiffrent à 10 kg alors que par avion elles grimpent jusqu'à 68 kg. L'étude révèle en outre que plus les trajets sont courts, plus l'avion est polluant puisqu'une forte proportion du carburant est consommé au moment du décollage des appareils.

Le cas du transport aérien en France :

Voici un article intéressant pour le cas de la France :

L'inexorable croissance du trafic aérien  article paru sur Novethic, le 2 avril 2003

Après une "pause" liée à la conjoncture internationale, les spécialistes prévoient une reprise de la croissance du trafic aérien dans les prochaines années. Faute de contrôle des pouvoirs publics, les associations redoutent que cette tendance n'entraîne de graves conséquences pour la santé et l'environnement.

" Techniquement, le trafic aérien peut encore se développer. Mais quel trafic peut-on accepter d'un point de vue social ? " L'interrogation n'émane pas d'un riverain des aéroports de Paris, mais de Franck Le Gall, le coordinateur du management environnemental d'ADP. L'établissement public gère 14 aéroports ou aérodromes en région parisienne, dont les plates-formes de Roissy et d'Orly. Ces dernières accueillent respectivement 49 et 21 millions de passagers par an, soit un total de 70 millions. Le tassement observé depuis 2001, ne remet pas en cause une forte tendance au développement. Après +6,1% par an de 1995 à 2000, plusieurs études dont celles de l'organisme Eurocontrol estiment celle-ci à +4% par an dans les dix à quinze prochaines années.

Cette croissance était jusqu'ici encadrée. Orly dispose d'un contingent annuel de 250000 créneaux horaires, ces fenêtres de décollage ou d'atterrissage. Si ce chiffre ne semble pas devoir être mis en cause, le ministre des transports Gilles de Robien a prévenu qu'il n'en est pas de même à Roissy, où une quatrième piste doit être ouverte. Selon plusieurs spécialistes, le plafond actuel de 55 millions de passagers par an ne tiendra pas, d'autant que l'établissement ADP devrait être privatisé dans les prochains mois. L'enjeu, c'est le développement d'Air France, qui génère la moitié du trafic de Roissy et s'apprête à ouvrir une nouvelle aérogare. Et, plus généralement celui d'un secteur représentant 9% du PIB d'Ile de France, 70000 emplois directs à Roissy et Orly, et 170 millions d'euros de recettes publiques locales. La Cour des comptes écrit elle-même que, compte tenu des investissements consentis par ADP, le maintien sous la barre de 55 millions de passagers à Roissy constituerait un " important gaspillage ". Elle estime la capacité de Roissy entre 750000 et 9000000 mouvements par an, soit 85 à 100 millions de passagers. " En théorie, la construction de deux pistes supplémentaires pourrait même porter ce chiffre à 120 ou 130 millions, estime Christian Roger, président du bureau d'études ONA (Observatoire des nuisances aériennes). Mais ça c'est la théorie ". Car, souligne la Cour des comptes, " les contraintes environnementales pourraient cependant conduire à limiter beaucoup plus tôt " le développement des aéroports parisiens.

Pollution atmosphérique

La pollution atmosphérique, l'une de ces contraintes, rarement évoquée, est désormais l'objet de plusieurs études. " Il ne faut pas avoir l'idée d'une cheminée qui fume, Roissy c'est un tiers de la surface de la ville de Paris. Orly et Roissy génèrent 3 à 5% des polluants atmosphériques sur des zones très ventées ", assure Franck Le Gall à ADP. " Selon nous l'impact des activités de Roissy représente 25% de la pollution dans une zone située de 3 à 4 kilomètres de l'aéroport, précise Chris Roth, responsable d'études à Airparif. Elles seraient à l'origine de 4 à 5% du total des émissions franciliennes de dioxyde d'azote, l'équivalent de la pollution automobile générée par le périphérique parisien ". D'autres études sont en cours à Orly. De son côté l'organisme Eurocontrol affirme que la pollution atmosphérique due au trafic aérien pourrait croître de 57% entre 1999 et 2015 en Europe.

Les aéroports parisiens génèrent en outre un important trafic routier. 80 à 90% des passagers s'y rendent en voiture ce qui, ajouté aux salariés de l'aéroport, aux cars et aux camions, porte à 80000 le nombre de véhicules comptabilisé chaque jour. " Roissy figure parmi les plates-formes de villes majeures les moins bien desservies avec un taux de desserte routière parmi les plus élevés au monde ", reconnaît la direction d'ADP qui affirme travailler sur un plan global de déplacements urbains. Une liaison ferroviaire dédiée doit être ouverte en 2007 entre Paris et Roissy. Au sud, une ligne de tramway est à l'étude entre la ville de Villejuif et Orly. Enfin, il est prévu de privilégier les connexions par TGV avec les grandes métropoles françaises.
Autre souci majeur, le bruit. " Les nuisances sonores ne sont pas les seules atteintes des aéroports à leur environnement mais ce sont sans doute les principales (...). C'est l'essentielle contrainte au développement des aéroports parisiens ", écrit la Cour des comptes. " On ne devient pas sourd du bruit, on n'en meurt pas, mais cela exacerbe les pathologies existantes. Pourtant, la prise en compte de nos recommandations par les pouvoirs publics est très lente ", déplore le président de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa), organisme indépendant créé en 1999. Un programme d'insonorisation de logements - 180000 sur toute la France - est en cours, doté d'un budget de 1,1 milliard d'euros.

Pas d'étude épidémiologique

Ces mesures ne tempèrent en rien la combativité des médecins, associations et élus locaux. Eux dénoncent un développement aéroportuaire dicté par des impératifs économiques " au mépris de la santé publique ". " Il est incroyable qu'aucune étude épidémiologique sur l'impact sanitaire de la circulation aérienne n'ait jamais eu lieu ", s'étonne Jean-Pierre Enjalbert, médecin, président du Collectif santé contre les nuisances aériennes (CSNA) et maire de Saint-Prix (Val d'Oise). Le CSNA a collecté les travaux menés à l'étranger et élaboré un questionnaire adressé à 1000 médecins et pharmaciens du Val d'Oise. 200 ont répondu. " Ils expriment un réel souci et nous demandent d'obtenir des pouvoirs publics cette enquête épidémiologique d'envergure. Nous voulons notamment étudier la corrélation entre les nuisances, notamment sonores, et la consommation de médicaments psychotropes ". " Lors des épisodes de pollution la préfecture demande aux automobilistes de lever le pied, mais rien n'est jamais dit sur le trafic aérien ", déplore Sébastien Trollé, de l'association de riverains ADVOCNAR. Celle-ci dénonce l'absence de transparence et " un manque d'éthique flagrant " dans les prises de décision. " Le gouvernement a confié une mission d'information sur le trafic aéroportuaire francilien à une commission parlementaire. Celle-ci est censée remettre ses conclusions en juin prochain. Or nous apprenons que le passage à 90 millions de passagers est déjà acté ", poursuit-il, évoquant une note interne d'ADP citée par le journal Le Parisien. " Nous ne sommes pas opposés au transport aérien, mais nous avons parfois le sentiment d'être face à un cartel placé dans une logique de maximisation des profits et non d'aménagement du territoire ", conclut-il.

W. B.
Mis en ligne le : 02/04/2003

Et l'armée ?

        Quand on voit les émissions des avions civils, on peut légitimement se demander ce qu'il en est de l'aviation militaire.

Extrait de la loi de finance 2003 disponible sur le site de l'assemblée nationale http://www.assemblee-nationale.fr :
 "       En 2002, l'armée de l'air a effectué 259 000 heures de vol au lieu des 298 000 prévues. L'aviation de combat a volé 92 000 heures (165 heures par pilote), l'aviation de transport près de 91 000 (315 heures par pilote), les écoles 68 000 et les avions de complément 8 800. Ce déficit de 39 000 heures est principalement dû à la faible disponibilité des appareils de combat et de transport. 
        Pour maintenir le niveau opérationnel de ses équipages, l'armée de l'air a fixé, pour 2003 et 2004, les objectifs d'heures de vol annuels suivants : 180 heures pour un pilote de combat, 400 heures pour un pilote de transport et 200 heures pour un pilote d'hélicoptère."

        Les avions de combat genre Mirage 2000 avalent autour de 3000 litres de kérosène à l'heure. Pour un pays comme la France qui compte environ 400 avions de combat et autant (probablement davantage) de pilotes à entraîner environ 130 heures par an, cela fait une consommation de carburant de l'ordre de 156 millions de litres par an, ce qui revient à dire que chaque français dépense 2.5 litres de carburant par an pour sa protection aérienne. Même si à priori cette page n'est pas censé légitimer l'aviation militaire, il faut reconnaître que 2.5 litres par an, c'est une paille. Peut être pourrait-on facilement diviser par deux le nombre d'heures de vol des pilotes grâce au simulateur de vol ? Les russes sont par exemple limités à moins de 30 heures de vol par an. La question qu'il faut se poser est toujours une question de hiérarchisation des menaces. La menace climatique est certes une très grosse menace, mais que penser d'une menace militaire venant de l'extérieur ? Nul doute qu'il faut prendre cette question au sérieux. 

        Le climat nous imposerait de limiter la consommation annuelle de pétrole de chaque français à 650 litres. Sur ces 650 litres, sommes nous capables pour assurer notre sécurité de dépenser une dizaine de litres par an ? Probablement que oui...  

        Même s'il s'agit d'un rêve auquel j'aspire, je ne crois pas que nous allions vers la non-violence avec toutes les bombes à retardement que nous avons posées ici ou là. Mais je pense que comme tous les autres secteurs l'armée doit apprendre à économiser l'énergie, d'autant plus en temps de paix.

La bataille du ciel entre Airbus et Boeing.

        Les deux constructeurs ont une vision différente du marché aéronautique dans les décennies à venir, mais ces deux visions n'envisagent pas une décroissance du trafic aérien.

        Boeing ne croit pas à l'avenir d'un très gros porteur. Il pari sur une segmentation du marché avec le développement de vol direct entre agglomérations de taille moyenne. Boeing continuera de toute façon à vendre ses 747 pendant quelques temps.

        Airbus voit aussi cette segmentation et reste présent en offrant une gamme d'avions très variée. Il croit cependant davantage aux grandes autoroutes aériennes reliant les énormes Hubs des grandes mégalopoles américaines, européennes et asiatiques. Le plan commercial d'Airbus est basé sur l'hypothèse que le nombre de passagers va être multiplié par trois dans les 20 ans qui viennent.

        Airbus prend probablement plus de risques que Boeing en se lançant dans le développement du très gros porteur, l'A380. Mais Boeing sera lui aussi confronté à un problème de taille pour vendre des avions d'une capacité moyenne, il s'agit de la saturation des aéroports actuels. Les aéroports peuvent difficilement accueillir davantage d'avions. Peut être que l'A380 est une meilleure réponse. Mais quelque soit les stratégies des constructeurs, aucun n'envisage un contexte de décroissance du trafic aérien. Le rêve d'un monde sans limite perdure. 

L'A380 : un symbole de la croissance permanente du trafic aérien, probablement le dernier exploit de l'espèce humaine !

        Ce qui me révolte le plus avec l'A380, c'est le fait qu'on se félicite que cet avion consomme environ 10% de carburant en moins que son concurrent : le Boeing 747-400. Progrès qui incite les journalistes à le qualifier de "géant vert", la honte !
        Il faut pourtant regarder de plus près les chiffres car en fait cet avion n'est pas si économique qu'on veut bien nous le faire croire. Ce que j'ai lu dans la presse lors de la présentation de l'avion : il consommerait par passager 3 litre de kérosène pour 100 km, contre 3.4 pour l'actuel Boeing 747-400. Cet avion devrait pouvoir transporter entre 550 et 800 passagers. Chiffres impressionnants, mais non représentatifs de la capacité des avions vendus réellement par Airbus. Je donne trois exemples de compagnies intéressées par cet avion :

        Ceci montre que les compagnies aériennes ne sont pas intéressées par des avions de grande capacité. Elles voient juste dans l'A380 la possibilité de séduire une clientèle riche qui a perdu le confort de la vitesse depuis la fin de concorde, et qui est désireuse d'un nouveau type de progrès : celui de voyager dans un siège offrant quelques centimètres de plus que dans les autres avions, et celui de pouvoir se dégourdir les jambes dans un avion dont la principale caractéristique est l'espace. L'A380 ne sera probablement pas la bétaillère où s'entasseront des passagers aux revenus modestes. Cet avion est avant tout un paquebot du ciel qui aura pour principale vocation de conquérir une clientèle riche qui prendra davantage de plaisir à voyager en avion. L'A380 n'est finalement pas l'outil qui démocratisera le ciel, il sera juste un des derniers jouets qu'utiliseront les nantis de ce monde avant le déclin de notre civilisation.  

        Le véritable progrès de cet avion : disposer d'un siège plus large de quelques centimètres. Un progrès qui se paye cher et qui mérite un débat sur sa nécessité. Lors de la présentation de cet avion, j'ai pu être publier dans le courrier des lecteurs du Ouest France. Voici les deux publications les plus intéressantes : L'A380 s'envole vers un avenir bien sombre ! (21 janvier 2005) et L'A380 : le dernier exploit de l'espèce humaine ! (3 mai 2005)


Voici toutes les notes que j'avais assemblées avant de passer à la télévision à l'occasion du Salon du Bourget 2005 :

L'A380 : le dernier exploit de l'espèce humaine !

Deux choses :

        1 : L'A380 va se confronter au mur de la déplétion du pétrole, dans 10 ans, il ne volera plus !
Le pétrole va devenir de plus en plus cher parce que la production va inévitablement décliner. Lorsqu'on dit que nous avons 40 pétrole devant nous avec une consommation constante de pétrole, c'est faux car la production de pétrole ne peut pas être indéfiniment constante. Lorsque nous aurons passé le pic de production du pétrole, il n'y aura donc aucune possibilité de soutenir la consommation actuelle. La question du pétrole ne peut être abordée que sous l'angle de la décroissance.
L'aviation civile est en train de vivre ses dernières années car elle n'est absolument pas une nécessité, l'humanité s'en est très bien sorti jusqu'ici, il s'agit bien d'un luxe. On ne peut s'offrir du superflu que si on arrive à subvenir à ses besoins vitaux. La flambée inévitable du prix du pétrole va pénaliser l'ensemble de nos économies. Il faudra plus d'argent pour se chauffer l'hiver, plus d'argent pour se nourrir car malheureusement nous mangeons littéralement du pétrole avec notre agriculture ou notre pêche intensive. Il faudra plus d'argent pour se déplacer, et si ce n'est pas une question d'argent, cela sera une question de temps. Il faudra davantage de temps pour se déplacer que ce soit du temps pour réellement voyager ou que ce soit du temps pour travailler et pouvoir se payer le droit de voyager. Tout coûtant plus cher, c'est tous nos acquis liés à la société de consommation que nous perdront. Il me semble totalement incompatible d'envisager une croissance du trafic aérien, dont l'A380 est bien le symbole, et une décroissance constante de notre pouvoir d'achat à cause du renchérissement du coût des combustibles fossiles.

        Il semble que face au mur de la déplétion du pétrole, l'industrie aéronautique n'a pas mis au point de remplaçant au kérosène. Nous verrions déjà quelques prototypes volés or ce n'est nullement le cas. Ce qui nous menace n'est rien d'autre que l'effondrement de notre civilisation industrielle et tertiaire. 

        Ce qui est surprenant, c'est que je suis convaincu que nous sommes de plus en plus à savoir qu'il y aura un problème avec le pétrole dans les années à venir. Pourtant, aucun programme industriel n'envisage de faire face à pareille situation.

        Il est pourtant facile de se passer de l'avion. Les hommes d'affaire pourraient utiliser davantage internet (un moyen de transport instantané). La fin de la mondialisation limitera les besoins en voyages d'affaires longs courriers. Pour le tourisme, il faudra que les salariés puissent concentrer davantage leurs jours de congés pour qu'ils puissent partir en voyage sur des périodes beaucoup plus longues qu'aujourd'hui (plus de 6 semaines). 

        2 : Pour lutter contre les changements climatiques, nous devrons collectivement refuser l'A380 et d'une façon générale le transport aérien démocratique, car l'impact de l'aviation sur notre planète est excessif.
Pour moi, c'est une évidence, le réchauffement de la planète est le plus grand défi que nous devons relever. La conquête spatiale est à côté une aimable plaisanterie. Les efforts qui nous attendent et qui sont à fournir dans l'urgence sont des efforts comparables à la mobilisation d'un peuple qui se prépare à la guerre. 

        Pour donner la dimension du problème, il faut donner quelques chiffres :
        La Terre est aujourd'hui capable d'absorber 3 milliards de tonne d'équivalent carbone. L'humanité en émet actuellement 7. Donc il a un excédent énorme. Il faudra fixer un plafond d'émission qui devra être équitable entre tous les humains. Nous sommes un peu plus de 6 milliards et nous devrions limiter nos émissions globales à 3 milliards de tonne d'équivalent carbone. Un rapide calcul amène à se dire que notre plafond individuel est de 0.5 tonne d'équivalent carbone. C'est à peu près le niveau d'un indien et d'un chinois pour fixer le niveau de vie que l'on ne doit pas dépasser. A quoi cela correspond-il en baril de pétrole ? Et bien c'est simple, cela fait environ 4 barils de pétrole que nous devrions avoir le droit de brûler par individu et par an. Les transports sont responsables d'un quart des émissions, soit 1 baril de pétrole, avec lequel il faut transporter les marchandise et aussi les personnes. J'en arrive à la conclusion simple que nous devrions limiter notre consommation de pétrole pour nous transporter individuellement à 70 litres par an, soit un seul plein de nos voitures actuelles.

        Alors évidemment, si on se dit qu'on a le droit qu'à 70 litre pour une année, est-ce qu'on va consacrer ce quota au transport aérien ? Évidemment que non, mais quand bien même on déciderai de prendre l'avion, combien de kilomètre pourrait-on faire avec 70 litres ?  Réponse : 1400 km en prenant en compte une consommation de 5 l/100/passagers, consommation qui sera effective compte tenu du taux de remplissage des avions oscillant entre 70 et 80%.

        Autrement dit, le transport aérien devra être sacrifié si nous décidons de prendre les mesures qui s'imposent pour limiter l'emballement du climat.

        Les avions ont en outre une énorme responsabilité car les gaz qu'ils émettent sont émis en altitude, ce qui a un impact réchauffant 2 à 4 fois supérieur au même gaz s'ils avaient été émis au niveau de la mer.

        Quand est-ce que les routiers, les industriels et les particuliers se rebelleront contre ce privilège qu'à l'aviation qui est qu'elle ne paie pas de taxe sur le carburant qu'elle brûle ? Ne doit-on pas appliquer le principe du pollueur payeur ?

        Et pour tordre le cou à cette idée qu'on nous ressasse à longueur de journée, l'A380 serait un géant vert, je tiens à dire à tout le monde que la planète se contre fiche que l'A380 est réduit sa consommation par passager de 10% à 12%, ce qui intéresse notre planète et l'avenir de nos enfants, c'est la consommation globale, ce qui veut dire qu'aucun avion aussi économique soit-il ne peut être écologiquement acceptable dans un contexte de croissance ou de stabilisation du trafic aérien.  

        Bilan, alors que tout le monde se félicite de cet avion, moi, du haut de mes 26 ans, j'éprouve une profonde tristesse, une honte même. La société qui m'entoure semble atteinte du syndrome du Titanic. Elle croit en la toute puissance du progrès et se passe de réflexion sur le sens qu'elle lui donne. J'ai l'impression que nous sommes dans la situation d'un toxicomane qui fonce dans le mur les yeux grands ouverts et qui ne peut empêcher l'injection de la dernière dose. Cette civilisation, elle vit dans un rêve, une bulle totalement déconnectée de réalité finie de notre monde. Le rêve de l'aviation civile n'est qu'une bulle imaginaire parmi d'autres, d'autres bulles vont éclater, je crois d'ailleurs que cela commence avec l'éclatement dans les mois à venir de la bulle immobilière. Dans quelques années, ce sera le tour de la bulle énergétique. Puis viendra la bulle de l'immunité face au réchauffement climatique. 

        Je considère qu'il faut agir dès maintenant, les médias devraient se mobiliser pour prévenir les gens que la décroissance est inévitable et qu'il faudra l'organiser pour y survivre. C'est comme cela qu'on luttera contre le fatalisme ambiant. J'invite dès maintenant les gens qui entendent mon message à boycotter l'aviation civile car aujourd'hui prendre l'avion, c'est déclarer la guerre à nos enfants. J'invite les élus de la région de Nantes à réfléchir sérieusement à l'abandon définitif du projet d'aéroport sur le site de Notre Dame des Landes et aussi d'envisager dès maintenant une reconversion des salariés d'Airbus. 

        Plus nous nous félicitons de l'augmentation des moyens affectés au transport aérien aujourd'hui, moins nous pourrons venir nous plaindre du changement climatique plus tard.

        Les catastrophes auxquelles il faut s'attendre : un baril de pétrole dont le prix dépasse les 300 dollars (avant 2015), atteint les 2000 dollars (avant 2030), la chute d'Air France (avant 2015), les derniers jeux olympiques (en 2012), un conflit armé d'une grande ampleur dans la région du Golfe Persique dès 2020. 


Non, il ne faut pas construire un deuxième aéroport à Nantes !

        Sous l'impulsion de la majorité politique actuelle, le projet de nouvel aéroport nantais sur le site de Notre Dame des Landes a refait surface et il semble être durablement engagé. Ce projet résulte d'une Mégalomanie des autorités locales. Il est urgent que notre mobilisation contre cet aéroport soit forte car ce projet est totalement inutile et en plus néfaste. Je ne m'étendrai pas sur l'aspect néfaste car d'autres parties de cette page le montrent bien. Il s'agit pour moi d'approfondir son caractère inutile. Nantes dispose déjà d'un aéroport dont la capacité a été récemment augmentée. Il pourrait recevoir 4.5 millions de passagers par an. Or et c'est vraiment là qu'il faut se mobiliser, la fréquentation de cet aéroport stagne autour de 2 millions de passagers (1.8 million en 2004). 

        Comment peut-on envisager une seule seconde la construction d'un nouvel aéroport (pour 8 à 10 millions de passagers) alors que celui existant est à moitié vide ? Il n'y a qu'une seule explication : la mégalomanie. Alors pour cette seule raison, cessons ce gaspillage d'argent public et refusons massivement ce projet inutile et néfaste.

J'ai pu écrire dans les journaux locaux sur ce sujet. Ouest France   Presse Océan

        Nous avons participé à la grande fresque humaine du dimanche 25 juin 2006 organisée par l'ACIPA.

        Dominique Voynet et Yves Cochet étaient présents ce dimanche à Notre Dame des Landes pour dire NON à ce projet d'aéroport. Notez bien cet engin bizarre au premier plan... Vous avez devinez !? C'est bien notre Greenspeed Tandem et nous y étions nous aussi. J'ai proposé aux deux candidats une petite pause assis sur le tandem. Madame Voynet a refusé à cause du dernier baril de pétrole qui pourrait prêter à certaines interprétations. Je vous laisse juge... 

Sylvain (Oléocène), Vincent (porteur de la Décroissance) et Yves Cochet en pleine discussion sur la fin du pétrole et sur la décroissance.

A gauche, voici l'hélico qui nous (3500 personnes) a photographié en train d'écrire la fresque NON à l'Aéroport !

Notez bien cet ULM qui aurait tout aussi bien pu faire le travail ! 
L'hélico a bien grillé ses 200 litres de kérosène pour stationner presque 7 minutes au dessus de la foule. L'ULM a du se contenter de 5 litres à l'heure.

C'est pas un peu contradictoire un hélico pour dire non à un aéroport ?


Alors, quel avenir pour l'aviation ?  

        Pour quels usages peut-on considérer que l'aviation est utile et nécessaire ? Il y a matière à discussion mais globalement l'aviation telle que nous la connaissons ne doit pas perdurée. Sa démocratisation aux touristes et à toutes sortes d'hommes d'affaires pendant les quarante dernières années est un crime envers le climat que nous laissons à nos enfants. Ce crime est d'autant plus grave que les passagers de l'aviation ont bénéficié jusqu'ici d'un carburant quasi-gratuit. Ils ont seulement payé son coût d'extraction jusqu'à ces temps nouveaux où tout le monde va se rendre compte qu'il a de plus en plus besoin du pétrole et que dans le même temps la production va baisser régulièrement. Les passagers de l'aviation n'ont jamais payé le juste prix de la ponction de ce capital planétaire : le pétrole. Comme dans beaucoup de domaine, ce sont les jeunes générations actuelles et les générations futures qui paieront seules le prix fort.

        A l'image de ce Canadair qui arrose nos forêts françaises, l'aviation pourrait demain restée cantonnée aux domaines de l'urgence. Éteindre les incendies, transporter les grandes urgences médicales dans les services spécialisés, essayer par le dialogue des chefs d'états d'éviter des conflits et probablement empêcher des offensives militaires au moyen de quelques avions de combat. Tels pourraient être les domaines réservés de l'aviation telle que nous la connaissons aujourd'hui. Évidemment, il ne s'agit plus de faire voler des A380 pour transporter quelques représentants de nos collectivités dans l'urgence. Il ne s'agit plus d'envisager d'immenses aéroports aux abords des villes (comme ce projet d'aéroport nantais à Notre Dame des Landes). De simples pistes longues de moins d'un kilomètre avec un ou deux jets pouvant transporter dix personnes seraient suffisantes. Les besoins civils pourraient rejoindre les besoins de défenses militaires.

         Je me demande même si les pilotes civiles et militaires auront la possibilité de s'entraîner à voler tellement l'énergie sera chère. Ils devront probablement se contenter de centaines d'heures de simulateur de vol électronique. Ils seront à la fois pilote et mécanicien d'avions qu'ils seront chargés de maintenir en état de voler. Chaque vol sera comme le décollage d'une fusée spatiale, un évènement rare où quelques personnes pourront encore voler pour des missions d'urgence qui justifient vraiment l'emploi d'une telle technologie.

        A la rigueur, pour les passionnés du ciel qui feraient le choix de tout dépenser dans leur rêve d'évasion aérienne, il restera la possibilité de l'ultra léger motorisé, le fameux ULM. Ce sont en effet des avions de moins de 400 kg qui peuvent emmener au maximum 4 personnes et qui consomment l'équivalent d'une voiture d'aujourd'hui, avec une autonomie similaire et à une vitesse de l'ordre de 150 km/h. Pas de quoi envisager sereinement un voyage trans-océanique, mais c'est suffisant pour des vols permettant des photographies aériennes et à la rigueur des vols d'affaire dans des zones isolées (Pour les zones denses, le TGV sera toujours plus efficace que ce type d'aéronefs.). Mais attention ! L'ULM ne doit pas être démocratisé. Son usage doit être réservé à ceux qui acceptent d'en payer le prix fort fusse-t-il pour signer des contrats commerciaux.

        Voici donc comment je vois l'avenir de l'aviation motorisée. Cela n'a rien à voir avec l'aviation que nous connaissons. Voler deviendra un évènement rare auquel les pilotes s'entraîneront pendant des mois. Ils devraient passer plus de temps à entretenir leurs avions pour les maintenir en état de vol qu'à voler réellement. Que penseront les futurs jeunes écoliers lorsqu'on leur présentera leur métier : 1600 heures de travail par an payées à peine plus du Salaire Minimum dont 250 heures de simulateur vidéo, 1000 heures d'entretien des avions (démontage, remontage, astiquage), 320 heures d'entretien des pistes et des bâtiments et seulement 30 heures de vol réelles. L'énergie inéluctablement chère risque de briser un bon nombre de vocation de pilote. 

A commencer par la mienne...

Et pour mon propre rêve (celui de voler) ?

         

        Nous pourrons peut être un jour voler avec des machines volantes à propulsion humaine... Des machines ultra-légères ou il faudrait pédaler pour élancer une machine à la vitesse de 30 km/h, puis tout en pédalant, une simple action d'une manette nous permettrait de battre des ailes à l'image des insectes. Et alors nous pourrions tous voler de nos propres ailes...

        Quitte à voler à bord d'un ultra léger, autant qu'il soit carrément moins lourd que l'air ! L'avenir de l'aviation démocratique est probablement le dirigeable gonflé à l'hélium. En cherchant sur internet, j'ai trouvé des sites intéressants qui présentent des projets de dirigeables originaux. Le premier (ci-dessus à gauche) est celui de la compagnie des dirigeables ( http://www.lacompagniedesdirigeables.com ). Il s'agit d'un dirigeable avec une propulsion électrique. Il reste le problème récurrent du stockage de l'électricité mais ce concept peut servir de base à notre imaginaire pour aller vers une aviation très peu polluante. La seconde photo présente l'aéroplume, un engin volant à propulsion humaine conçue pour Nicolas Hulot par Jean Pierre David ( http://www.aeroplume.com ) , dans le cadre de ses émissions Ushuaia afin d'explorer les chauves-souris dans les grottes de Bornéo. Avec l'aéroplume, je touche du doigt mon propre rêve décrit succinctement dans le paragraphe précédent. Enfin, la troisième photo montre une application aérienne du pédalage à l'horizontale. 

        La conclusion de cette page est que l'épuisement des énergies fossiles signifie que nous sommes bien en train d'assister aux dernières années de l'aviation civile et probablement même militaire telle que nous les connaissons. La fin de l'aviation motorisée signifie la fin du tourisme lointain, la reconversion de tout un secteur aérien qui va des salariés d'Airbus aux taxis d'aéroport en passant par les hôtesses de l'air, et aussi au démantèlement des gros aéroports vidés de leurs passagers. L'aviation motorisée se cantonnera aux domaines de l'urgence et les besoins sont très faibles. L'espace aérien pourrait pourtant ne pas être interdit au plus grand nombre si quelques hommes de génie se décident à construire des aéronefs fiables mus par la propulsion humaine. Ainsi les dernières années de l'aviation civile ne seront peut être pas les dernières années de l'homme volant.

Eric Souffleux

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Dernière mise à jour : 13 janvier 2007
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