Les impressions de mon premier passage à la télévision dans l'émission de Rachid Arhab, "J'ai rendez-vous avec vous" à l'occasion du Salon du Bourget 2005.

Dimanche 19 juin 2005 : Mon premier passage en direct dans l'émission de Rachid Arhab "J'ai rendez-vous avec vous." sur le thème du salon du Bourget.

Quelques conseils pour passer dans la petite lucarne :

- soyez souriant et JAMAIS agressif (vous pouvez être incisif, mais éviter le "vous dites n'importe quoi" si vous êtes opposé à quelqu'un de sympathique, etc)
- restez modeste ("voilà ce que je fais, mais je sais que tout le monde ne peut pas", ou encore "voilà ce que je sais, mais je ne sais pas tout", etc),
- n'hésitez jamais à donner des exemples dans lesquels tout le monde peut se reconnaître,
- n'hésitez JAMAIS à reconnaître les bons points de ce que vous "combattez", ou à reconnaître la difficulté qu'il y a à changer les choses.

Voici la fiche "synthèse" rédigée par son assistante qu'a pu lire Rachid :

Eric  26 ans – Prof de Karaté – Auteur du site www.generationsfutures.net – NANTES

        J'ai grandi avec les progrès techniques, j'ai passé 60 heures à bord d'avions civils et je ne sais par quel miracle, j'ai été guidé par la raison et la sagesse sur une autre manière de voir le monde. Depuis deux ans et demi, je suis entré en résistance contre cette société du gaspillage et du mépris des générations futures.

Je boycotte l’aviation !

        Passionné d'aviation depuis tout petit, jusqu’à l’âge de 15 ans je voulais être pilote de chasse. Je boycotte l'aviation car maintenant que je connais les conséquences, je me considérerai comme un coupable d'homicide volontaire envers les générations futures si d'aventure, je franchissais à nouveau la porte d'embarquement d'un avion de ligne.

Je boycotte l’aviation, on approche les dernières années de l’aviation, cela devient évident :

1/- PÉTROLE- la fin du pétrole, on n’anticipe pas la décroissance du pétrole et c’est grave. : l’aviation est condamné au déclin ! Comme d'ailleurs l'ensemble de notre civilisation industrielle et tertiaire ! On ne peut pas laisser croire que l’A380 va fonctionner pendant 50 ans pour transporter des passagers en masse : le prix du pétrole sera tel, que les gens ne pourront plus acheter leur billet d’avion. Aujourd’hui le tiers du prix du billet d’avion passe dans le pétrole et celui-ci est totalement détaxé, il est directement indexé sur les cours mondiaux. Quand on va annoncer que l’on aura dépassé le pic de production du pétrole, il y aura une vraie crise, la production du pétrole ne peut pas être indéfiniment constante, cela va aller forcément vers la décroissance. Or les plans commerciaux d'Airbus prévoit une multiplication par deux du trafic aérien mondial. Les dirigeants d’Airbus…sont dans un monde imaginaire et la réalité physique (les géologues) ils n’en tiennent pas compte, c’est grave !

2/- RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : Aujourd’hui on dit que l’A380 est un géant vert car plus économe (10 à 12%) que les autres avions en terme de carburant. C’est vrai. Mais, la Terre se contrefiche d’une réduction de carburant par passager. Ce qui intéresse la planète Terre, c’est la réduction globale de la consommation de carburant. On ne peut pas se satisfaire d’une réduction unitaire, Airbus prévoit que le trafic aérien double, or ce qu’il faut faire c’est réduire la consommation globale en divisant le trafic par 4 ou 5. Les avions ont en outre un impact considérable sur le climat. Les gaz à effet de serre émis en altitude sont 2 à 4 fois plus efficaces pour réchauffer l’atmosphère que les mêmes gaz émis au niveau du sol.

        Tout le monde s’en fou royalement. On est atteint par le syndrome du Titanic et on s’injecte la dernière dose de technologie avant de rencontrer l'iceberg. L'A380 est bien le dernier exploit du genre humain ! Alors que tout le monde se félicite du lancement de cet avion, j'éprouve une profonde tristesse. Une honte ! La société croit en la toute puissance du progrès et se passe de réflexion sur le sens qu'elle lui donne ! Avant d’envisager les progrès techniques on a des progrès de sagesse à faire. Aujourd’hui je n’irai plus dans un avion…On peut réajuster notre mode de vie différemment, étendre nos vacances sur 3 mois et faire 1 mois de voyage ! Ou faire des vidéo conférences pour les patrons sans qu’ils voyagent toujours…en avion.

        Je veux que les gens comprennent que plus ils se féliciteront des progrès de l'aéronautique, moins ils pourront venir se plaindre du changement climatique plus tard. Les médias devraient se mobiliser massivement pour prévenir les gens que la décroissance est inévitable et qu'il faudra l'organiser pour y survivre. Je suis disposer à les aider. Ma vie est maintenant un combat quotidien contre le fatalisme ambiant. Je serai fier de mon pays, La France, si elle choisissait avant les autres de réduire d'un facteur 4 ses émissions de gaz à effet de serre. Le monde a besoin d'exemplarité. Pourquoi pas nous ? Ce n'est pas une mince affaire, l'aventure spatiale est une plaisanterie à côté. Les efforts qui nous attendent et qui sont à fournir dans l'urgence sont des efforts comparables à la mobilisation d'un peuple qui se prépare à la guerre. 

        Je serai fier que les français boycottent l'aviation et je serai fier de ma ville, Nantes, si ses élus abandonnaient définitivement le projet d'aéroport sur le site de Notre Dame des Landes. 

        Malgré tout les efforts que je déploie pour garder l'espoir, il y a des catastrophes auxquelles il faut s'attendre : un baril de pétrole dont le prix dépasse les 300 dollars (avant 2015), atteint les 2000 dollars (avant 2030), la chute d'Air France (avant 2015), les derniers jeux olympiques (en 2012), un conflit armé d'une grande ampleur dans la région du Golfe Persique (dès 2020), deux milliards de mort à cause de l'émergence d'une maladie nouvelle due au changement climatique (dès maintenant ?).

                   

Ca y est ! Il est 13h20 environ, l'émission démarre, Rachid commence par les présentations. Nous sommes tous réunis au sommet du point presse du Bourget. On a quelques minutes pour rejoindre le lieu de l'interview le temps d'un peu de publicité. Je suis posté derrière un vieux coucou avec un militant pour la non-violence. 


Le soleil tape dure et nous profitons des décibels de cet hélicoptère. Un bien triste spectacle quand on se rend compte de la seule vocation guerrière de cette machine volante.

 

 

Bon là, c'est parti pour nous. Mon voisin explique pourquoi il réprouve cette foire aux armes qu'est le salon du Bourget. Puis Rachid me pose la question "Et vous Eric, vous boycottez l'aviation ! Mais pourquoi donc ?" Moi : "Et bien c'est simple, le boycott de l'aviation n'est pour nous qu'une facette de notre combat désormais quotidien contre le fatalisme ambiant. Nous réprouvons le gaspillage actuel et l'aviation ne peut plus être glorifiée comme elle l'est aujourd'hui. Il y a deux raisons qui explique cette prise de position : le réchauffement climatique et l'impact considérable de l'aviation et aussi l'épuisement des réserves pétrolières qui oblige à envisager une seule perspective : la décroissance..." (J'ai pas dit cela exactement, mais c'est la teneur du message.)

Rachid s'en va accompagné par la caméra. Voilà pour cette émission dans laquelle je suis intervenu moins de deux minutes.

Ce qu'il ressort de cette journée :

J'éprouve un sentiment mitigé :

        Ma première impression est positive : j'ai réussi à parler en direct, sans trop bafouiller devant la caméra, à part une petite répétition au début. J'ai vaincu une grande peur personnelle car je me faisais toute une montagne d'un passage à la télévision. L'essentiel est de rester naturel et les journalistes n'ont pas cessé de nous le rappeler lors de la préparation de l'émission. Donc pour la prochaine fois, si prochaine fois il y a, je serai certainement moins stressé que j'ai pu l'être.

        J'ai trouvé que le personnel de l'émission faisait preuve d'un grand professionnalisme. C'est rassurant de se sentir entouré de gens sérieux. Nos frais de déplacement ont été pris en charge comme convenu et malgré le soleil de plomb de ce dimanche et le bruit infernal des avions de combat, nous avons pu profiter de ce déplacement parisien. Nous avons bien reçu la cassette de l'émission au bout d'une petite semaine et globalement, même si je ne suis pas sorti de l'anonymat (car ils n'ont mentionné que mon prénom et que je n'ai pas mentionner le nom de mon site par manque de temps de parole.) je suis plutôt content de cette première expérience télévisuelle.

        Mais les aspects positifs s'arrêtent là car j'ai maintenant un certain nombre de reproches à formuler. Même si l'émission de Rachid Arhab n'est pas particulièrement visée, les reproches que je formule ont un caractère récurrent à la télévision et ils constituent un avertissement pour les prochains journalistes qui voudraient me faire intervenir à la télévision.

        Le premier aspect négatif concerne quand même l'émission. Après l'avoir visionnée, je trouve qu'on a privilégié la quantité à la qualité. Tout le monde, Rachid compris, parlait rapidement et je trouve que suivre l'émission relève davantage du marathon que de la discussion de salon de thé. J'ai trouvé que même si je parlais distinctement, les mots que j'employai étaient trop forts pour pouvoir être assimilés par le téléspectateur en si peu de temps. Heureusement que je n'étais pas le seul a exprimé un opinion négatif à l'égard de l'aviation. Il y avait notamment ce pilote de ligne devenu agriculteur biologique qu'on a fait intervenir par téléphone et dont je salue sa démarche. Il a donné des informations complémentaires des miennes et même si j'en parle dans les aspects négatifs, c'est bien un point positif de l'émission. Un ami qui a visionné l'émission, mais avec un regard un peu moins critique que le mien, me dit qu'il a trouvé l'émission très correcte car le présentateur a fait intervenir les gens passionnés par l'aviation en premier et que les opinions négatifs sont arrivés sur la fin. On reste donc sur un opinion négatif et en ce sens l'émission est une petite réussite. Il a peut être raison mais j'ai du mal à me satisfaire de cela.

        Donc, pour la prochaine fois, si cela vous intéresse d'entendre mes propos, faites moi intervenir plus que 2 minutes. Je n'accepterai plus un déplacement de 1000 km pour intervenir dans l'anonymat et seulement pour quelques secondes histoire de montrer un opinion divergent dans une émission qui privilégie la quantité à la qualité. Si j'avais à faire un tel déplacement, cela serait pour avoir au minimum 15 minutes de temps de parole. En dessous, c'est évident que je n'aurai pas le temps de creuser certaines de mes idées et cela ne m'intéresse pas. 15 minutes, vous allez me dire que c'est beaucoup, mais quand je vois qu'après l'émission de Rachid, il y avait Drucker installé pendant deux heures et demi dans un canapé à discuter de cul et de musique avec quelques personnalités, je pense que vous pouvez faire un peu de place pour que s'exprime des idées beaucoup plus nobles à l'approche du pic de la production mondiale de pétrole.

Qui était invité lors de cette émission ?

- un ancien pilote d'Air Lib qui ne trouve plus de travail dans un secteur désormais bouché.
- un pilote d'Air France qui pourrait dans quelques années piloter l'A380.
- un étudiant qui se destine à une carrière aéronautique.
- une restauratrice d'avion du musée du Bourget issue d'une banlieue.
- un passager qui a vaincu son problème de "mal de l'air" et qui est en train de devenir pilote amateur.
- un militant de la non-violence qui venait pour dire tout le mal qu'il pensait de cette foire aux armements qu'est le salon.
- un jeune révolté qu'on se fasse autant d'éloge des progrès de l'aéronautique (à votre avis, de qui s'agit-il ?)

Il y avait aussi deux personnes que je n'ai pas pu rencontrer et qui sont intervenues par téléphone :

- un riverain du salon du Bourget qui parlait des nuisances insupportables des avions de guerre.
- un ancien pilote de ligne devenu agriculteur bio et qui évoquait le gâchis que représentait un voyage en avion en terme de consommation de pétrole. (Une personne que j'aurai bien aimé rencontré.)

Remarques et impressions diverses liées à cette journée :

        Nous avons pu discuter avec les autres invités de l'émission, ils comprenaient notre inquiétude mais n'étaient pas prêts à remettre en cause l'utilité de l'aviation. Ils nous donnaient l'impression de refuser d'ouvrir les yeux sur la finitude de notre planète et c'est quelque chose de vraiment désolant. Le rêve de l'aviation est plus fort que tout et il est mêlé à un sentiment de frime, un sentiment de faire parti de l'élite et c'est navrant de voir que des gens si intelligents (la plupart sont des super matheux) se passent totalement de réflexion sur le sens de leur vie et des technologies qu'ils aspirent à maîtriser.

        Le militant de la non-violence qui a été interviewé à mes côtés n'était pas d'accord avec ma critique de l'aviation civile. Je lui ai en effet dit que pour moi il n'y avait pas de différence entre les avions militaires et les avions civiles, les deux allaient nous mener à la guerre. Les premiers sont certes construits pour tuer volontairement, mais les seconds sont aussi construits pour tuer mais involontairement à cause du réchauffement climatique et à cause de leur dépendance vis-à-vis du flux pétrolier, un puissant générateur de violence dans notre monde. Pour justifier son désaccord, il me demande "comment il ferait pour se rendre à une conférence sur la non-violence en Colombie s'il n'y avait pas l'avion ?" Ma réponse a été immédiate et naturelle : "Parce qu'il n'y a aucun Colombier qui puisse parler de la non-violence à votre place ?". C'est la même chose lorsqu'on fait venir Huber Reeves du Canada en avion pour qu'il fasse une conférence sur le climat à Paris. Il y a bien des intervenants parfois plus compétents qui habitent la France et qui peuvent faire ce travail.

        J'ai trouvé que Rachid faisait preuve d'un grand professionnalisme en conservant une grande distance avec nous. Mais c'est quelque chose qui m'a gêné car j'aurai bien aimé connaître son point de vue, savoir ce qu'il en pense pour éventuellement qu'il appuie davantage notre action. L'émission était pour lui un marathon et nous avons eu le sentiment d'être un peu jeté dans la salon une fois l'émission terminée. Nous n'avons pas pu approfondir le sujet et c'est en partie ce qui me motive aujourd'hui pour dire aux prochains journalistes que je n'accepterai plus de faire autant de kilomètres (même en TGV) pour simplement m'exprimer deux minutes dans une émission marathon.

  L'aviation fait toujours rêvé les enfants pourtant...

  ... on commence à construire des avions sans pilote.

  Celui là, un F18, il en faisait du bordel !

  

        Avec la flambée du prix de l'or noir, voilà ce qui attend l'essentiel de ces machines volantes : elles vont finir dans un musée de l'air et de l'espace comme ce Boeing 747 avec en arrière plan la maquette d'une fusée Ariane.

Eric Souffleux

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Dernière mise à jour : 6 février 2006
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