Aéroport, TGV et protocole de Kyoto

 

        Je réagis à ce que je viens de lire ce mardi 14 octobre 2003 dans le Ouest France : le gouvernement donne son feu vert à un futur aéroport nantais.

        Je ne m’étais jamais exprimé sur ce sujet et cet événement m’en donne l’occasion.

        Jean-Pierre Raffarin déclarait qu’il n’est pas normal qu’un chef d’entreprise ne puisse pas aller en Asie à partir de Nantes ou de Lyon. En disant cela il avait déjà accepté l’idée de la nécessité de la construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes, et l’arrêté ministériel paru dernièrement n’est pas une surprise.
        Je reste malgré tout septique, notamment sur le financement des travaux. Sur le Ouest France de Lundi, je lis que l'extension de la ligne 2 du Tram Nantais ne sera pas payée par l'état et que ce sera à la communauté urbaine de joindre le bout. S'il manque de l'argent pour une malheureuse ligne de tram, où trouvera-t-on l'argent pour financer un aéroport à vocation internationale ?
        Tous les élus nous disent que l’aéroport va permettre aux petites et moyennes entreprises de l’Ouest de se développer grâce à la mondialisation. Nos hommes d’affaire sont-ils à ce point pressés qu’ils n’acceptent pas de passer quelques heures dans un TGV pour regagner Paris, ou même Amsterdam, et prendre un avion qui les emmènera 10 000 km plus loin ? S’ils sont à ce point pressés, il existe aujourd’hui un moyen de communication instantané : internet. Alors arrêtons de dire que le futur aéroport de Nantes est essentiel au développement économique de l’Ouest. Il faut privilégier le train à grande vitesse qui aujourd’hui emmène les voyageurs directement à l’aéroport de Roissy. Créer un deuxième aéroport dans la région nantaise représente un énorme gaspillage d’argent et aussi de carburant. Les compagnies aériennes essaient aujourd’hui de rentabiliser les lignes. Cela signifie qu’il faut remplir les avions et éviter de disperser les passagers sur plusieurs avions qui vont au même endroit. Croyez-vous vraiment qu’il y ait dans l’ouest assez de voyageurs pour remplir tous les jours des avions long courrier de plus de 300 passagers ? Déjà que sur Paris les grandes compagnies redoublent d’effort pour remplir ces gros avions, je ne vois vraiment pas comment on pourrait les remplir sur le grand Ouest. Et si on ne remplit pas des gros avions à Nantes, alors on va me dire qu’on va remplir des plus petits pour alimenter les gros aéroports que sont Roissy et Amsterdam. Le TGV fera aussi bien et pour moins cher. Donc si le grand Ouest veut se développer sur le plan international il vaudrait mieux investir dans le ferroviaire plutôt que dans l’aérien. Quand est-ce que nos élus verront un petit peu plus loin que la durée de leur mandat ?
        Je suis également opposé à ce projet pour une autre raison. La France a ratifié le protocole de Kyoto. Elle s’est engagée avec de nombreux autres pays à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Notre président de la république s’est exprimé au dernier sommet de la Terre en disant que " Notre maison brûle ". J’aimerai qu’on m’explique comment on peut à la fois réduire nos émissions de gaz carbonique (le principal gaz à effet de serre émis par l’homme) et faire passer la fréquentation d’un aéroport de deux millions de passagers par an à neuf. L’équation est tout simplement impossible. La lutte contre l’effet de serre et l’anticipation d’une crise pétrolière inéluctable doivent être les priorités politiques du moment et vu le peu d’écho que nous pouvons avoir de la classe politique sur ces sujets, je pense que j’ai mille fois raison de vous écrire. L’avenir de l’aviation est compromis d’une façon inéluctable par les limites de nos réserves de pétrole, et aujourd’hui le pétrole est le seul carburant capable de faire voler un avion gros porteur. Les ingénieurs de chez Airbus ont peut être dans leurs cartons les plans d’une hypothétique aviation propulsée avec de l’hydrogène. Il ne faut cependant pas oublier de dire que l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, c’est un vecteur énergétique. L’hydrogène n’est pas natif sur Terre, il faudra donc le produire à partir d’une grosse source d’énergie, cela pourrait être l’énergie solaire, mais cela risque surtout d’être l’énergie nucléaire et personne ne souhaite une multiplication des centrales pour des besoins aussi futiles qu’aller se dorer la pilule aux antipodes.

        Bon j’ai encore des choses à dire, mais si je continue le message ne passera pas et ce n’est pas mon objectif.

        Ami journaliste, voilà ce que j’aurai aimé ajouter et que je vous laisse en lecture.
Pour la suite des arguments que je pensais développer, en voici plusieurs qui me viennent à l'esprit.
L'aéroport est conçu pour 9 millions de passagers par an, l'aéroport actuel accueille deux millions de passagers. Comment peut-on espérer remplir une telle infrastructure ?

        Par la même occasion, Airbus a-t-il un avenir ? Airbus s'est en effet lancé dans la production d'un très gros porteur destiné à démocratiser le transport aérien. Si le marasme économique continue (et structurellement il a toutes les chances de continuer à cause des risques qui pèsent sur la fourniture énergétique), quelle compagnie aérienne espèrera remplir un tel avion ? et avec quels passagers ?
        Et ce n'est pas en taxant le travail, en le limitant et en favorisant un certain assistanat qu'on encouragera les gens à accumuler assez d'argent pour se payer un billet d'avion qui s'annonce cher.
        Tout me laisse penser que la crise que traverse le transport aérien est durable et que Notre Dame des Landes et Airbus (probablement dans une moindre mesure) sont condamnés à moyen terme.
        La seule chose qui pourrait sauver l'aviation, c'est le développement d'une hypothétique propulsion à l'hydrogène avec en amont des centrales nucléaires car la puissance requise est énorme. Les politiques n'envisagent jamais l'avenir d'un point de vue énergétique et technique. Ils ont tord et nous aurons bien le temps de le regretter.
        C'est sur ces points qu'il faut travailler. Si les écologistes n'ouvrent pas les yeux des gens sur les limites physiques de notre développement, qui le fera ?

Eric Souffleux

Voici maintenant l'article tel qu'il a été publié dans le Ouest France :

 

Retour à la page d'introduction du site generationsfutures.net

Dernière mise à jour : 29 janvier 2006
Cliquez ici pour contacter l'auteur du site, Eric Souffleux.

Retour à la page précédente