Qu'est ce qu'une bulle ? Quelles sont ses conséquences dans le monde de l'immobilier ?
"Une bulle est un état du marché dans lequel la seule raison pour laquelle le prix est élevé aujourd'hui est que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain, alors que les facteurs fondamentaux ne semblent pas justifier un tel prix." définition de Joseph Stiglitz (Prix Nobel d'économie) Ci-contre, une photo amusante où une femme prend conscience de l'ampleur de la bulle immobilière (photo fnaim) |
Quelle soit immobilière ou boursière, la bulle est basée sur un même phénomène : la croyance collective en une augmentation infinie de la valeur d'un bien (ou d'une entreprise pour la bourse) sans aucun lien avec la réalité physique et finie du monde.
Une bulle est d'autant plus possible que les gens pensent que leur capital peut leur rapporter plus que leur travail, qu'ils peuvent emprunter facilement de l'argent (avec des taux d'intérêt historiquement bas) et que le milieu politico-médiatique ne croit que dans la sainte croissance pour limiter les problèmes de société. L'âpreté aux gains de la population sans limites est largement responsable de la formation des bulles. Une bulle est pratiquement une maladie psychiatrique collective. La croyance dans la croissance et dans la bulle est entretenue collectivement car elle arrange tout le monde. Il s'agit d'un rêve dont nous sommes tous toxico-dépendants. Le devenir de la bulle est son éclatement. Et chacun doit avoir en tête que plus la bulle gonfle, plus l'explosion finale est violente.
Selon moi, la bulle actuelle pourrait mener à l'éclatement de la civilisation industrielle, car elle est couplée avec une impossibilité physique de redémarrage de l'économie actuelle (du fait de la déplétion des ressources énergétiques, minières et alimentaires). J'avais même fait le rapprochement entre la bulle immobilière et la théorie d'Olduvai : la bulle immobilière d'Olduvai. Le phénomène de la bulle immobilière n'est en réalité qu'une bulle parmi d'autres. D'autres bulles vont éclater ou sont déjà en train d'éclater. Les rêves dans lesquels se complaisait notre civilisation commencent à se confronter à la réalité physique et finie de notre monde. Parmi les autres bulles je vous cite :
La bulle pétrolière, gazière et énergétique : Il s'agit d'un rêve où le progrès scientifique nous sortira de l'ornière de l'épuisement des réserves fossiles. Du fait de l'inexistence physique d'alternatives aussi démocratisables que le pétrole ou le gaz, cette bulle énergétique sera probablement la plus sévère à notre égard. La chute de l'Empire romain est largement due à l'éclatement d'une bulle énergétique. Le résultat en a été une période de trouble et de régression de l'humanité qui dura plus de 1000 ans et que l'on appelle le Moyen Âge. Ce qui nous attend avec la bulle pétrolière et gazière pourrait bien être dix fois pire. Pour jeter un oeil sur ce qui nous attend probablement dans trente ans, visitez cette page : Le monde de Simon du Fleuve.
La bulle climatique : il s'agit d'un rêve où notre planète réussirait à absorber tous les gaz à effet de serre que nous émettons sans aucune conséquence pour nous mêmes. Le réchauffement climatique est certainement la plus grande menace qui pèse sur l'avenir de nos enfants. Il s'agit d'une véritable épée de Damoclès qui menace simplement les conditions de la vie sur notre planète. Une température moyenne de 5 à 10°C supplémentaire à aujourd'hui en 2100, ce n'est pas anodin, c'est synonyme d'extinctions massives. Il n'y a qu'à regarder dans le passé pour s'assurer du drame qui nous attend. Face à cette bulle climatique nous sommes atteints collectivement par le syndrome du Titanic. Nous n'ignorons pas la présence des icebergs, mais notre foi dans le progrès nous aveugle totalement. Nous sommes comme un toxicomane qui s'injecte sa dernière dose, qui sait qu'il va mourir mais qui est incapable de faire autrement.
Il y a aussi de nombreuses autres bulles que je cite ici : la bulle touristique (720 millions de touristes en 2004, 1 milliard en 2010, il s'agit bien d'une bulle si on admet que le baril de pétrole pourrait atteindre les 380 dollars en 2015.), la bulle automobile (il faut construire toujours plus de routes car le trafic automobile doublera dans 20 ans, en fait pour la même raison que pour la bulle touristique, le trafic automobile pourrait être diviser par cinq voire dix dans les 20 prochaines années, les routes goudronnées deviendront alors un vaste réseau de pistes cyclables où nos enfants pédaleront sur des vélos couchés très efficaces.), la bulle des rendements agricoles (il faudra tripler les rendements agricoles d'ici 2050 pour nourrir les 9 milliards de terriens, compte tenu de la flambée des prix du pétrole l'agriculture intensive qui dépend de la chimie sera progressivement dépassée économiquement par l'agriculture biologique, les rendements seront moindres et la seule solution pour nourrir une très hypothétique population de 9 milliards d'individus sera qu'ils deviennent tous végétariens...)... etc etc. La bulle immobilière est bien une bulle parmi les autres, elle a juste l'avantage d'éclater avant les autres.
Revenons maintenant à la bulle immobilière. Quelles sont les conséquences de cette bulle ? Conséquences qui expliquent qu'elle ait pu naître et perdurer autant de temps.
La première des choses est de voir que tout le monde y gagne sur le moment car les vrais perdants sont les jeunes ménages et leurs enfants à qui on ne demande pas leurs avis. La bulle est souhaitée par les gens qui en vivent directement, à savoir :
Hélas, la bulle a quelques inconvénients dont on parle peu et qui présagent de biens mauvais augures. Tout d'abord elle entraîne une pression insupportable sur le foncier (le prix des terrains pour y construire des maisons neuves) car quitte à payer cher son logement, autant que ce soit une maison avec garage et pelouse pour le barbecue l'été. La bulle a entraîné un développement des lotissements à l'américaine. De nombreuses villes ont du investir dans de nouvelles stations d'épuration, de nouvelles rocades. Il y a davantage de voitures sur les routes car les jeunes actifs (moins de 40 ans) n'ont pas tous les moyens ou l'envie d'habiter près de leur lieu de travail qui reste majoritairement urbain. Du fait d'un prix des terrains élevés, les maisons neuves sont construites au rabais, relativement bien isolées, mais chauffées à l'électricité et mal conçues pour vivre correctement dans l'après pétrole. Généralement les terrains qui entourent ces maisons font moins de 700 m² ce qui rend illusoire de disposer d'un potager conséquent. La bulle a rendu les jeunes actifs extrêmement dépendants de la voiture, d'EDF et des autres pour produire de la nourriture. La bulle a formaté idéalement les consommateurs, les empêchant ainsi de se rebeller et accélérant leur déconnexion de la nature. Dans certaines régions, la course à l'argent, au gros profits, est devenue la seule activité des gens. Ils en deviennent hystériques et agressifs sur la route. Ils ne veulent pas perdre leur temps et sont méprisants à l'égard de ceux qui voudraient les ralentir en se déplaçant à vélo. La bulle a entraîné davantage d'insécurité routière et de cela, personne n'en parle. Pourtant c'est bien l'évidence...
Au final, la bulle immobilière est un formidable levier pour la croissance économique. Les politiques, les médias et les banques ne se sont pas trompés en la soutenant sans réserves. Cette croissance n'a duré qu'un temps et aujourd'hui d'autres lendemains moins roses sont notre seule perspective. La bulle a accentué l'inter-dépendance des gens dans un système bientôt à bout de souffle énergétique. Nous allons tous regretter que la bulle ait empêché notre civilisation de ne pas nous avoir mieux préparée à une perspective douloureuse que représente un baril de pétrole à 300 dollars et plus.
Eric Souffleux
Une idée partagée par tous est forcément mauvaise.
Dernière mise à jour : 7 mars 2006 |