Le «syndrome du Titanic», SOS planète en Danger !
Le paquebot avance dans la nuit noire, l'orchestre joue, les hommes et les femmes rient. L'iceberg approche...
Le syndrome du Titanic, c'est notre maladie à
tous,
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Rappel historique :
Le Titanic était un paquebot de la White Star Line construit à Belfast et lancé le 31 mai 1911. Avec 268.99 m de longueur hors tout, il était le plus grand navire du monde. Il avait également deux jumeaux l'Olympic (désarmé en 1935) et le Gigantic (coulé en 1916). La coque du Titanic était constituée d'une coque à double épaisseur avec des plaques d'acier de 2.5 cm d'épaisseur. Le paquebot était divisé en 16 compartiments étanches, ce qui lui avait donné la réputation d'être insubmersible. En fait, il avait une coque en acier peu adapté aux basses températures.
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Quelques données techniques : |
Le Titanic était considéré
comme insubmersible du fait de ses 16 compartiments étanches. La conséquence
de cette invulnérabilité a été une grande négligence dans la capacité
d'évacuation du navire, au regard du nombre de passagers transportés. La capacité
totale des embarcations de sauvetage était de 1178 personnes. ( 14 canots de
sauvetage * 65 personnes / 2 embarcations secours * 40 personnes / 4 canots
pliants * 47 personnes )
Ce qui est dramatique pour l'époque, c'est que cette inadéquation entre la
capacité du navire et la capacité des embarcations était légale ! Le Titanic
n'était pas hors la loi car un décret du ministère du Commerce Anglais,
stipulait que tout navire de 10000 tonnes ou plus devait comporter au moins 16
canots de sauvetage.
Le voyage inaugural a commencé le 1 avril 1912 avec à son bord le capitaine Smith.
Dans la soirée du 14 avril 1912, 5 messages radios de navires différents
signalent la présence de glace. Le dimanche 14 avril 1912 à 23h30, la vigie signale un Iceberg à moins de 500
mètres. A 23h40, il heurte l'Iceberg qui racle le côté droit sur 100 mètres.
6 compartiments étanches sont touchés. Le paquebot se remplit d'eau progressivement.
A 2h20, le navire disparaît dans l'océan. L'évacuation des passagers n'avait
commencé qu'à 0h45. L'orchestre jouait tout au long du naufrage.
Personnes à bord : 2201 dont 885 d'équipage |
Explication de cette métaphore reposant sur plusieurs analogies.
La première est que le Titanic, à l'époque, était le fleuron de notre technologie. Ceux qui l'avaient conçu comme ceux qui le pilotaient ne se posaient pas la question de sa vulnérabilité. Le Titanic était le plus beau paquebot du monde, le fleuron de la technique, l'oeuvre parfaite en laquelle se conjuguaient beauté, confort et sécurité. Au point qu'on l'avait qualifié, avant même sa mise à l'eau, d'insubmersible. C'est symptomatique de notre époque qui a une confiance outrancière dans notre technologie et notre science. La foi que nous avons dans le progrès technique nous aveugle et nous éloigne de notre responsabilité vis-à-vis de la nature. Notre civilisation croit en la toute puissance du progrès et se passe de réflexion sur le sens qu'elle lui donne. Il n'y a qu'à voir aujourd'hui comment la société se glorifie de l'Airbus A380, du Viaduc de Millau ou encore plus simplement des performances de croissance des entreprises ou des économies de marché, alors que nous savons que tous ces progrès sont extrêmement préjudiciables pour notre environnement.
La seconde analogie entre le Titanic et notre civilisation est l'absence totale de mesures de précaution au cas où... La confiance que l'on pouvait avoir dans la technologie nous a empêcher de mettre au point un plan B au cas où cela ne marcherait pas. Le manque criant et légal de canots de sauvetage à bord du Titanic est symptomatique de notre époque qui n'a que faire du principe de précaution. Je ne peux résister à la comparaison entre le naufrage du Titanic et l'éclatement actuel de la bulle immobilière. A force de se persuader que le Titanic ne pouvait pas couler, ou que les prix de l'immobilier ne pouvaient pas baisser, notre civilisation a supprimé ses gardes fous, ce qui a aboutit à un drame : le naufrage du Titanic, et ce qui aboutira à la faillite de millions de familles dans le monde, simplement parce que notre civilisation toxico-dépendante au progrès n'a et n'aura jamais envisagé que ce genre de catastrophes était possible.
La troisième analogie est que quand l'équipage a vu l'iceberg, il a tourné trop tard le gouvernail. Nous, nous faisons semblant d'avoir vu l'iceberg mais, dans le meilleur des cas, on se prépare à diminuer un peu l'allure, et pas du tout à modifier la trajectoire. Le syndrome du Titanic, c'est l'histoire d'une civilisation devenue toxico-dépendante (au progrès technique) qui se jette dans le mur en gardant les yeux grands ouverts, comme le ferait un drogué en s'injectant une dose létale. Le toxicomane est incapable de se contrôler, il subit la dépendance au toxique, il ne peut éviter l'overdose fatale et il s'injectera cette dose en se persuadant que ce ne sera pas la dernière alors qu'on fond de lui, il sait bien qu'il va mourir. Nous sommes dans ce paradoxe, nous savons de part les nombreux cris d'alarmes des scientifiques que l'iceberg approche, mais nous gardons les doigts sur la seringue pour nous injecter nos derniers exploits technologiques avant ce qui pourrait bien être une véritable descente aux enfers.
Dernière analogie : quand le bateau coula, que l'on fût en première classe ou dans les soutes, chacun en prit pour son grade. C'est cela le syndrome du Titanic, le monde de demain sera radicalement différent de celui d'aujourd'hui. Tout le monde sera dans l'obligation de s'adapter à un monde au climat perturbé, une biodiversité réduite et une planète couverte de déchets toxiques. Tout le monde devrait dès aujourd'hui accomplir de grands progrès spirituels pour éviter le drame car personne ne sera épargné.
Conclusion
Quatre courbes s'alimentent les unes les autres. La
première, c'est la courbe démographique : la population mondiale devrait dépasser
les 9 milliards d'individus à la fin du siècle. Parallèlement, la deuxième
courbe, celle de la consommation de ressources et de la pollution, augmente. On pèse chacun,
chaque jour, de plus en plus sur la planète. La troisième, celle de l'émission
de gaz à effet de serre, et la quatrième, celle de l'érosion de la
biodiversité, augmentent elles aussi. Pour employer une image, on voit bien que
les trajectoires de l'humanité et de la nature sont en train de converger et
qu'il va y avoir une collision.
Dans les modélisations prudentes du réchauffement planétaire présentées par
le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la
fourchette basse est tout simplement alarmante. En termes de désordres
écologiques, de conséquences
sanitaires, de pénuries de ressources, d'érosion de la biodiversité, le
tableau est dramatique. On ne nous parle pas d'une échéance de 200 ans.
On nous dit qu'il va y avoir un effet d'emballement dans le siècle. Ainsi, les
océans ont une capacité de stockage du CO2 qui diminue lorsque la température
de l'eau augmente. Ainsi, quand le permafrost repasse régulièrement à des
températures positives, la fermentation des matériaux organiques reprend et le
méthane, qui est un gaz à effet de serre beaucoup plus efficace que le CO2,
est libéré dans l'atmosphère. Ainsi, à plus long terme quand la température
des océans augmentera jusqu'à un seuil situé entre 2 et 5°C, les grandes
quantités d'hydrates de méthane que comptent les océans se dissoudront, conduisant
à une libération massive de méthane dans l'atmosphère. Le réchauffement que
l'on peut attendre de ce prédateur des océans pourrait aboutir à une
extinction de masse considérable, un recul de l'évolution de la vie de plus de
un milliard d'année. Voilà trois effets d'emballement qui vont nous faire changer
d'échelle.
On va changer d'échelle dans le siècle, bouleversement climatique, pénurie de ressource et problème écologique seront notre quotidien. Sortons du siècle des vanités, de la civilisation du gâchis, et entrons dans le siècle de l'humilité. Donnons un sens au progrès. Nous avons probablement encore les cartes de notre destin en mains, mais probablement que nous ne les auront plus pour longtemps. Chaque jour que nous cédons au scepticisme ou à l'immobilisme nous rapproche un peu plus de l'impasse planétaire.
Eric Souffleux