Possesseurs de 4x4 : Je vous comprends, je vous envie !

        Cette page va faire sourire, hurler ou pleurer. Comment peut-on arriver à concilier la lutte contre les changements climatiques et la possession d'une automobile et qui plus est d'un 4x4 ?

        C'est dans cet exercice périlleux que je me lance.

        Possesseurs de 4x4, vous savez que votre 4x4 n'est pas un objet que je vénère. Je l'ai largement démontré dans cette page sur le scandale du 4x4. Et pourtant je commence à vous comprendre et j'en viens même à pouvoir justifier votre choix de posséder un tel char d'assaut. Et plus triste encore, j'en viens même à vous envier ! Je vais profiter de cette page pour expliquer pourquoi je n'ai jamais cherché à dégonfler les pneus de vos engins comme c'est parfois la mode dans certaines villes. Je vais aussi vous encourager à adopter des comportements différents au volant pour en quelque sorte vous racheter. J'espère que vous apprécierez mon effort d'ouverture et que vous prendrez en compte mes remarques pour m'aider à ralentir cette civilisation qui fonce dans le mur.

        La première idée que je vais développer, c'est que le 4x4 est ma foi une réaction logique à un climat d'insécurité routière quasi permanent. Je me souviens de mails de gens outrés par mes propos sur les 4x4 qui avaient acheté à leur femme un 4x4 car ils les sentaient en sécurité à bord. Même si on peut toujours dire que la sécurité procurée par les 4x4 est prioritairement pour ceux qui se trouvent à bord et pas ceux qui sont dehors, je comprends ce choix sécuritaire car effectivement plus le temps passe et plus je ressens de l'agressivité sur la route. La route est devenue un champ de bataille où chacun a une bonne raison pour justifier sa précipitation et mettre en danger le vie des autres, et particulièrement lorsque les autres roulent lentement ou se déplacent à vélo.

        La mode "char d'assaut" est favorisée par l'extrême danger qui nous guette sur la route. Je suis de plus en plus convaincu que ce n'est pas le poids des véhicules qu'il faut remettre en cause, mais leur vitesse. Une association, l'APIVIR (Association Pour l'Interdiction des Véhicules Inutilement Rapides) se bat pour obliger les constructeurs à un bridage des voitures. Elle a peu de chance d'aboutir dans son combat mais elle a le mérite d'exister et de pointer le vrai problème de notre époque : la vitesse.  

        Si je viens à vous envier, c'est que depuis deux ans je me frotte à la circulation automobile en utilisant le vélo et au fil des kilomètres je finis par accumuler l'agressivité des autres usagers quand ce n'est pas en plus la pollution. J'en viens à me dire qu'il faut être complètement suicidaire pour vouloir se déplacer en vélo pour ne pas polluer. Un jour j'ai écris au journal Ouest France un texte sur ce que je ressentais sur la route et cela vaut le coup d'oeil pour s'assurer que la cohabitation auto-vélo est difficile. Il y a peu de temps, le 11 septembre 2006 (triste anniversaire...), alors que j'allais en vélo donner mon premier cours de karaté de la saison, j'ai failli me faire écraser par un poids lourd de chez point P. Le type s'était simplement trompé de pédale, il avait accéléré au lieu de freiner et il considérait que je n'avais rien à faire là car selon lui je ne travaillais pas alors que lui oui ! Après avoir éviter la mort à cause d'un abruti, c'était logique de klaxonner et même de tendre un doigt. Le camionneur s'arrêta et plutôt que des excuses, il me présenta des insultes. On a failli en venir aux mains et ce qu'il ne savait pas, c'est que s'il avait fallu frappé, j'aurai tué ! Je me suis calmé pendant le reste du trajet mais cette expérience m'a laissé un goût amer. Je me dis que cela ne sert à rien de risquer sa vie sur la route tant que nous devrons cohabiter avec des gens qui ne respectent pas les cyclistes. Je me suis alors dit que rouler dans une voiture avec un gros gabarit n'était pas illogique compte tenu de ce climat d'insécurité. 

        Je tiens maintenant à écrire autour d'une idée qui est que les possesseurs de 4x4 seraient plus prudents et plus calmes sur la route que les autres usagers. Cette idée est selon moi globalement vraie. Il y a toujours des exceptions bien sur mais globalement lors de mes périples à vélo, j'ai constaté que les 4x4 étaient toujours très diligents à l'égard de ma personne et de mon vélo. Est-ce parce que tous ces possesseurs de 4x4 m'ont lu et veulent ainsi me prouver qu'ils ne sont pas plus que les autres dans une certaine forme d'excès ? Est-ce parce que les possesseurs de 4x4 sont souvent des amoureux de la nature qui apprécient aussi le vélo ou reconnaissent le courage et la vertu de rouler en vélo ? Je n'en sais rien ! Peut être que certains d'entre vous m'éclaireront sur cette énigmatique question "Pourquoi les possesseurs de 4x4 sont-ils si sages lorsqu'ils me doublent en vélo ?"

        Les 4x4 sont largement critiqués parce qu'ils consomment beaucoup à cause de leur poids et de leur aérodynamisme. Parlons justement de leur consommation et comparons la avec celle des autres véhicules. Les 4x4 et d'une façon générale les gros véhicules sont-ils les pires en terme de consommation ? J'ai fait une découverte récente qui m'a surpris. Au cours de l'été 2006, pour des besoins de déménagement, j'ai pu conduire un Renault Espace (série 2 essence) sur des longs trajets. Le propriétaire habituel de ce gros véhicule (1 tonne 400) consommait entre 9 et 11 litres d'essence aux 100 km sur des trajets variés et en utilisant parfois la climatisation (1 litre aux 100 km en plus). En terme de vitesse habituelle, il roulait normalement c'est-à-dire qu'il roulait 10 à 20 km/h au-dessus des vitesses autorisées comme la plupart des automobilistes en France. J'étais donc prévenu, un Renault Espace consomme bien plus que ma moto (5.5 litres aux 100 km). Mais je n'aurais pas pu déplacer notre caravane avec la moto ou même l'AX. L'Espace étant un passage obligé, je me suis dit que j'allais voir combien elle consomme quand elle roule à ma vitesse habituelle, c'est-à-dire 10 à 20 km/h en-dessous des vitesses autorisées, avec un plafond de 85 km/h que je ne dépasse pratiquement jamais. Au cours de ce périple à vitesse escargot, j'ai fait le plein au bout de 400 km et j'ai constaté une consommation de 7.6 litres d'essence aux 100 km. Dans ces 400 km, il y avait plus de 120 km avec la caravane de 1400 kg. Le propriétaire de l'Espace estimait que je consommerais entre 10 et 12 litres d'essence aux 100 km avec un tel poids à l'arrière. Comment expliquer alors que la consommation globale sur 400 km ne soit que de 7.6 litres d'essence ? La réponse viendra du trajet retour où j'ai établi une seconde consommation à 5.7 litres aux 100 km sur près de 200 km. Cette consommation extrêmement basse m'a vraiment surpris. Ayant eu l'occasion de réutiliser l'Espace sur un trajet similaire, j'ai pu confirmer une consommation de l'ordre de 6 litres aux 100 km. Que faut-il en conclure ? Une Twingo, une Renault 11, une Triumph Thunderbird et un Espace consomment à peu près la même quantité d'essence si on roule à vitesse réduite. La découverte (qui n'en est pas une) de cette expérience est que le poids d'un véhicule joue très peu sur sa consommation dès lors qu'on adopte une vitesse très modérée. En fait une formule de physique très connue, celle de l'énergie cinétique d'un corps en mouvement, Ec = 0.5 * Poids * Vitesse * Vitesse, explique parfaitement que le poids d'un véhicule influe peu sur son énergie cinétique. Pour économiser l'énergie avec nos moyens de transports actuels, l'essentiel n'est pas de réduire le poids des véhicules, mais de réduire leur vitesse ! Ma moto est l'illustration parfaite de ce qu'il ne faut pas faire. Un engin de 250 kg, capable de rouler à 180 km/h, avec des accélérations digne d'une Ferrari (Je peux le dire car j'ai déjà pu comparer de visu...) et qui consomme autour de 5 litres d'essence aux 100 km en roulant vraiment cool (comme un poireau diront les lecteurs du Joe Bar Team) et en transportant au maximum deux personnes avec quelques bagages. A l'opposé, même s'il ne s'agit pas d'un 4x4, les véhicules ressemblant à l'Espace sont des véhicules d'une efficacité remarquable. Attelé avec une remorque pour transporter les bagages et les vélos, ce type de véhicule est capable d'emmener sept personnes en se contentant de moins de 7 litres de carburant aux 100 km (à condition de rouler comme une tortue). Le rapport consommation par passagers est nettement en faveur des gros véhicules.

        La conclusion de tout cela est que quitte à rouler avec un moteur, autant rouler gros (pour assurer sa sécurité dans cette jungle qu'est devenue la route), plein (pour diminuer la consommation par passagers) et lentement (pour réduire vraiment la consommation) !   


Les dégonflés ont fait parler d'eux dans quelques grandes villes.

        Pourquoi je n'irai pas dégonfler les pneus des 4x4 ? Pour moi, la réponse est simple. Si j'avais à dégonfler des pneus, je dégonflerais tous les pneus que je croiserai ! En conséquence de quoi je n'irai pas bien loin... Non, sérieusement, pourquoi ne faut-il pas s'attaquer qu'aux seuls 4x4 ? Et bien, c'est parce que la planète se contrefiche de savoir combien consomme un véhicule. L'important, c'est la consommation globale de chaque individu ! Cela signifie qu'une personne peut polluer davantage avec une Twingo (ou une Prius pour ceux qui préfèrent les japonaises) en roulant 20000 km par an avec une consommation moyenne de l'ordre de 6.5 litres, qu'une autre possédant un 4x4 glouton dévorant ses 12 litres aux 100 km mais sur seulement 6000 km. Quand les petits loubards de la décroissance s'attaquent à des 4x4, prennent-ils la précaution de savoir si le véhicule qu'ils vont mettre à plat parcourt 2000 ou 20000 km ? Savent-ils que pour être écologiquement acceptable, la voiture d'aujourd'hui devrait se contenter de 70 litres d'essence pour parcourir les 14000 km que parcourt annuellement l'automobiliste français ? Avec de tels objectifs, on voit bien que c'est l'ensemble du parc automobile mondial qu'il faut dégonfler !

        Si j'avais le pouvoir de connaître la vie des gens et leurs habitudes énergétiques, je dégonflerais volontiers les 4x4 de ceux qui s'en servent seulement pour le loisir ou comme voiture de tous les jours car le 4x4 utilisé dans ce genre de conditions reste un scandale. Je dégonflerais volontiers les pneus des motos car objectivement les motos sont d'une inefficacité énergétique affligeante ! Je dégonflerais volontiers les pneus des Scénics ou autres Picassos que les jeunes parents achètent avec la climatisation dès qu'arrive leur premier bébé, histoire d'avoir de la place pour ranger la belle poussette avec frein à disque et toutes les affaires pour aller à la plage le week end. Le monospace remplace ainsi la Twingo sur tous les trajets habituels et cela représente une consommation supplémentaire de 5 à 25% que la planète finira par payer très cher. Je dégonflerais volontiers toutes ces camionnettes que des jeunes gens, souvent un peu écolo, s'achètent pour se promener le week end en pratiquant des sports de pleine nature. Des camionnettes utilisées tous les jours avec une surconsommation énorme qui n'a plus rien d'écolo et qui fait passer le 4x4 urbain pour un véhicule propre. Alors non ! Je ne dégonflerais pas les pneus des autres tant que je ne serais pas certain des intentions et surtout tant que moi même je n'aurais pas fini de faire le ménage devant ma propre porte. Dégonfleur en puissance, avant de vous attaquer aux super pollueurs, attaquez vous à votre propre boulimie énergétique en dégonflant votre propre véhicule.

        Pourquoi j'en viens à envier les possesseurs de 4x4 ? Le problème de l'insécurité sur la route, ce n'est pas le poids des véhicules mais leur vitesse donc pour que les gens aient moins peur de prendre la route avec des vélos, il faut ralentir les automobilistes. Pour y arriver, il faut qu'un maximum de personnes de bonne volonté se passent le mot et fassent l'effort de rouler avec une vitesse maximum de l'ordre de 80 km/h sur les routes limitées à 90 et de 90 km/h sur les voies rapides et autoroutes limitées respectivement à 110 et 130 km/h. 90 km/h sur l'autoroute, ce n'est pas une ineptie, c'est la vitesse à laquelle roulent les camions donc je ne vois pas où il y aurait un problème d'intégration dans le trafic. En roulant à 90 km/h au maximum, on optimise sa consommation et en plus on ralentit ceux qui vous suivent, ce qui limite également leur consommation. Quel est le rapport avec les 4x4 ? Au fur et à mesure de la montée en puissance de ma conscience environnementale, j'ai de plus en plus adopté la conduite de la tortue. Avec mon ancienne Ax 14 trd, cela allait de paire car il s'agissait d'une voiture peu puissance qui vibrait comme une machine à laver dès qu'on dépassait le 100 km/h. J'étais cependant peu rassuré car la piètre sécurité passive de l'Ax m'aurait assurer la mort dès le moindre choc. En moto, cela ne collait pas de rouler à 80 km/h. Les gens ne comprenaient pas qu'une grosse cylindrée n'aille pas plus vite et comme avec le vélo, je me suis fait quelques frayeurs parce que j'avais derrière moi un allumé du compteur. J'en viens donc à m'imaginer au volant d'un 4x4, roulant à 70 km/h, en prenant toute la largeur de ma voie, l'air tranquille, serein, le pouce levé au premier cycliste que je croise, prêt à attendre sagement à 20 km/h derrière le cycliste qui me précède et que je doublerai sans franchir de ligne continue, et en respectant une distance latérale de sécurité d'un bon mètre cinquante. Je rêve de rouler en 4x4 pour ralentir les automodébilistes et pour protéger les plus faibles. J'imagine la tête des énervés qui me doubleront en prenant soin d'éviter mes gros pneus. Encore un con qui a vu trop gros et qui est obligé de rouler comme un escargot ! Abruti de 4x4, mou de la pédale ! J'adorerai !!!

        Alors oui, possesseur de 4x4, je vous envie ! Je ne crois pas que je franchirai un jour le pas d'acheter un 4x4 mais si vous en possédez un, essayez de vous mettre dans la peau de ce héro que j'imagine, qui obligerait les autres à sérieusement envisager une baisse de leur vitesse moyenne pour qu'ils se rendent compte un jour qu'ils iraient plus vite en vélo...

        C'est ainsi que s'achève cette page pleine de contradictions. J'ai presque honte d'avoir écrit certains paragraphes tellement ils remettent en cause le reste du site generationsfutures. Cette page traduit mon évolution récente vers davantage de fatalisme. Est-ce la lecture du livre d'Yves Paccalet, L'humanité disparaîtra, bon débarras !, qui me laisse dériver ainsi ? Probablement un peu mais je crois que l'essentiel est que ma hiérarchisation des problèmes a changé. Mes préoccupations du moment ne sont plus seulement d'ordre écologique, je veux aussi assurer ma sécurité. Après avoir essayé de sauver l'humanité, je me dois bien cela. 

        Cette évolution personnelle ne m'empêche pas de continuer à rouler en vélo couché car j'y trouve beaucoup de plaisir. Je suis cependant beaucoup plus enclin à prendre la voiture quand je dois passer par des routes dangereuses du fait des camions. Je comprends mieux pourquoi les gens ne prennent pas plus le vélo et privilégient les gros véhicules. Il est difficile de lutter contre l'insécurité ambiante.

        J'aimerai cependant que le message de cette page ne soit pas faussé. Les voitures d'aujourd'hui telles que nous les connaissons ne seront jamais écologiquement acceptables. Il faudrait tout faire pour apprendre à s'en passer, en privilégiant le vélo, le train, à la rigueur le co-voiturage, et aussi en limitant ses besoins de transports en habitant à proximité de son lieu de travail.  

Eric Souffleux

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Dernière mise à jour : 24 septembre 2006
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