L'action du mois
Pédaler à l'horizontale pour rendre le vélo plus efficace face à la voiture
Le vélo est souvent présenté dans le journal "La décroissance" comme étant un symbole de la lutte contre l'automobile. Nous sommes étonnés de constater que l'image du vélo véhiculée est celle d'une bicyclette archaïque et inconfortable. En roulant sur des vieux vélos droits, les cyclistes décroissants jouent le jeu du lobby automobile en entretenant dans la tête des gens deux mythes terribles qui sont que le vélo est le symbole du pauvre et qu'il fait forcément souffrir. Et c'est malheureusement vrai ! Qui n'a pas eu mal aux poignets, à la nuque, au dos, à l'aine (des études médicales parlent même de décroissance érectile !) à pédaler debout ?
Même si "La décroissance" fustige avec raison de nombreux "progrès" techniques, n'y a-t-il pas une place pour le progrès dans le domaine de la propulsion humaine ? Le refuser reviendrait à cautionner les moyens de transport hétérogènes (voiture, bus, tram...), parfaitement inadaptés à nos villes et responsables d'une grosse part de la pollution globale, sans s'ouvrir à une innovation technique majeure... bien que décroissante.
Le progrès dont nous vous parlons est le vélo couché, dit encore vélo horizontal ou bent. Cette formule est interdite dans les compétitions organisées par l'UCI (Union Cycliste Internationale) depuis 1934, bien que ces vélos soient très confortables et efficaces.
Nous avons acquis nos
premiers vélos couchés en juin 2005 chez "Cycleszen" (à La Bohalle, dans
le 49) et nous pouvons aujourd'hui vous faire part de plus de 10 000 km
d'expérience de pédalage allongé. 10 000 km pendant lesquels nous avons
(presque totalement) laissé la
voiture au garage. Les principaux avantages du vélo couché sont les suivants :
confort, efficacité, originalité et sensations.
Le confort est
extraordinaire car le corps est totalement soutenu des pieds à la tête. Il n'y
a aucune tension musculaire ou articulaire et cette position permet de longs
trajets sans souffrir comme sur les vélos réglementaires UCI. De plus, cette
position invite naturellement à regarder au loin, ce qui permet de profiter
pleinement du paysage et de
mieux anticiper les obstacles.
Ces vélos sont
très efficaces pour diverses raisons : l'aérodynamisme est meilleur (mais il faut
rouler assez vite pour s'en rendre compte), la position favorise le retour veineux
des jambes (ce qui économise le coeur) et le bassin trouve dans le siège un appui solide
(ce qui augmente
la force que peuvent développer les cuisses, notamment en côte). D'ailleurs,
les vélocouchistes entraînés rivalisent sans problème en côte avec les
adeptes de la "danseuse".
L'originalité provient de la rareté de ces machines. On nous dit souvent qu'on
ne doit pas nous voir sur la route du fait qu'on est plus bas. En fait, on ne
voit que nous et souvent les voitures nous abordent avec bien plus de diligence
que si nous étions en vélo droit.
Enfin, n'oublions pas de citer les sensations de glisse que procure ce type
d'engin. Même un motard ou un skieur y trouverait son compte !
Il y a bien sûr quelques précautions à prendre pendant les 200 premiers kilomètres pour bien se familiariser avec le vélo. Il faut aussi compter entre 2500 et 5000 km pour adapter sa musculature et devenir réellement efficace.
Reste une chose à évoquer : le prix. Il est certain que nous payons le prix fort de la petite série artisanale européenne, mais pour ce prix là (1500 à 3000 euros), nous roulons sur du haut de gamme, sur des montures qui devraient servir à nos descendants pendant des siècles. Ce n'est absolument pas comparable avec les vélos vendus en grandes surfaces dont les roulements, voire même les cadres, lâchent au bout de quelques mois d'utilisation. Acheter un vélo couché à son juste prix, ce n'est rien de moins que du commerce équitable local, ce n'est rien de moins que donner une chance à nos enfants de travailler dans autre chose que sur des chaînes de montage pour des automobiles ou des airbus. Il faut souhaiter que les vélos couchés n'aillent pas vers la production industrielle. Nous n'avons pas envie de voir arriver par milliers des vélos construits en Chine avec un acier de mauvaise qualité et à des prix qui interdisent à nos artisans d'y survivre. Et puis la question du prix se balaye d'un revers de main si l'on fait la comparaison avec la bagnole. Au lieu de dépenser 4500 à 7000 euros par an dans leurs voitures, les français feraient mieux de dépenser une bonne fois pour toutes 2000 euros dans un véhicule autogène réellement efficace et si peu polluant.
On nous demande souvent en quoi le vélo couché est plus écolo ou plus décroissant que le vélo droit ordinaire. La réponse est simple : nous y sommes si bien installés que nous pouvons l'utiliser tous les jours ainsi que pour nos vacances... sans douleurs. En bref, nous roulons beaucoup plus que lorsque nous étions en vélos droits.
Nous vous invitons à quelques réflexions simples : Pouvons nous encore susciter le rêve et la griserie dans une société décroissante ? Jusqu'où doit-on décroître dans le domaine des transports ? N'y a-t-il pas des progrès techniques acceptables que le mouvement décroissant pourrait mettre en avant ?
Nous espérons que le vélo couché deviendra le nouveau symbole de la lutte contre la société automobile; un symbole de résistance qui a tout de même le mérite de susciter le rêve.
Pour nous, c'est déjà une réalité...
Eric Souffleux et Eva Sagasti le 6 février 2006 en prévision d'une publication dans l'édition d'Avril Mai.
PS : Vous pouvez mentionner notre site internet http://www.generationsfutures.net
ou nos coordonnées (voir plus bas), ainsi que le site de Jean-Jacques Duprat http://www.cycleszen.com
(le vendeur de vélo couché qui a bien besoin d'un petit coup de pouce
publicitaire :-) ).
Nous vous avons joint deux photos, la première nous présente sur nos vélos
couchés individuels et la seconde sur notre tricycle tandem couché (pédaler
à deux, c'est mieux !).
Pour terminer, voici ci-dessous un barème de décroissance dans les transports
comme vous avez l'habitude de le faire.
Limiter son impact dans les transports :
Etape n°1 : Conserver sa voiture, éliminer les trajets inutiles, grouper ses déplacements, réduire sa vitesse maximum à 80 km/h.
Etape n°2 : Partager son temps de déplacement entre sa petite voiture, le co-voiturage, les transports en commun et le vélo traditionnel.
Etape n°3 : Augmenter la part du vélo dans ses besoins de transports et déménager au besoin pour limiter ses besoins. Bannir l'avion et la voiture pour partir en vacances.
Etape n°4 : Se mettre au vélo couché pour tous les trajets inférieurs à 20 km. Utiliser le train + vélo pour les trajets supérieurs, vendre sa voiture et éventuellement en louer une pour les déplacements exceptionnels.
Une question que je me pose après coup : le vélo couché est-il
décroissant ?
Probablement que non...