Faudrait pas me prendre pour un pigeon ! 

Quelques définitions satiriques pour poursuivre. Satirique, cela veut dire que tout ce qui est écrit ci-dessous n'est pas forcément à prendre au pied de la lettre. Il s'agit juste de vous faire réagir, de vous mettre en garde, de vous aider à faire les bons choix dans une période qui s'annonce réellement noire.  

Je vous préviens, tout le monde en prend un peu pour son grade. Même les gagnants de l'éclatement de la bulle immobilière pourraient être les perdants de la théorie Olduvai, cette théorie qui nous met en garde sur le fait que l'humanité pourrait bien revenir à l'âge des cavernes par manque d'énergies concentrées.

Un pigeon : Il s'agit d'un individu qui achète un premier bien immobilier en s'endettant lourdement sur 20 à 30 ans. Il s'agit donc d'un primoaccédant. Il a entre 25 et 40 ans, une situation professionnelle et familiale stable. Il pense qu'il fait une excellente affaire car les loyers sont trop chers et comme il n'y a pas marqué pigeon sur son front, il est content de ne pas jeter son argent par la fenêtre en étant locataire. Le pigeon est d'autant plus heureux qu'il adore le bricolage et qu'il a acheté un bien avec des défauts, mais comme le pigeon est un as de la décoration et qu'il a beaucoup d'imagination, il est certain que la valeur de son acquisition augmentera avec le temps. Le pigeon est un croyant de l'éternel augmentation des prix de l'immobilier. Croyance qui justifie hélas son sacrifice. L'avenir d'un pigeon après l'éclatement de la bulle est loin d'être rose. Il devra faire face à des remboursements d'emprunts bancaires toujours plus important au regard des loyers et la simple idée d'imaginer que l'immobilier est une valeur refuge le fera déprimer. Connaissant leur avenir, les pigeons se rebelleront-ils contre le milieu politico-médiatique qui a entretenu la bulle jusqu'ici ?
Pour leur bonheur, je le souhaite... 

Et c'est pour éviter que des pigeons potentiels le deviennent que j'ai écris cette page. Pigeons en puissance, vous êtes maintenant avertis ! 

Vendredi 8 juillet 2005, 20h26 : Des centaines de moutons turcs victimes du "réflexe de Panurge".
ISTANBUL (Reuters) - Des centaines de moutons sont tombés d'une falaise, cette semaine, en suivant le premier du troupeau. Quatre cents moutons ont succombé à leur chute dans un ravin d'une quinzaine de mètres dans la province de Van, à la frontière iranienne, mais, en comblant la faille, ont contribué à sauver la vie d'un millier de leurs congénères qui les avaient imités, rapporte la presse turque. Les bergers du village d'Ikizler avaient laissé le troupeau sans surveillance à l'heure du déjeuner, précise le quotidien Radikal. La perte est estimée à près de 74.000 dollars.

Comme ces moutons turcs sacrifiés pour sauver la vie de leurs congénères, combien de moutons de la bulle immobilière seront sacrifiés pour sauver ce qui peut l'être ?

Le réflexe des moutons de Panurge étant la fuite en avant, on peut penser qu'on assistera à un massacre important lorsque ces moutons rencontreront la falaise Olduvai... 


Le mouton
: Il s'agit d'un individu qui suit le troupeau. Troupeau atteint par l'hypnose collective. Il ne se pose pas beaucoup de question, il a la foi dans le milieu politico-médiatique et il fait confiance au progrès techniques lorsque le pétrole viendra à manquer dans nos réservoirs. Les problèmes environnementaux sont dix mètres d'eau au-dessus de ses préoccupations très terre à terre, comme le football, le tennis, la star de tes conneries et la sortie Mac Donald du Samedi soir. La plupart des pigeons sont des moutons et vice versa. Heureusement, il y a quelques exceptions... Et je suis sur que vous en faites partie !

Un principe de base pour éviter les ennuis : Ne jamais aller là où tout le monde s'engouffre.

Un super pigeon (ou aussi le super héros avec ses supers pouvoirs) : C'est un pigeon très intelligent à qui la vie offre une chance particulière d'enrichissement. Il peut avoir gagner au loto, avoir reçu un héritage ou être pistonné par les parents à un poste à haut revenu dans l'entreprise familiale. Cette source d'enrichissement spectaculaire lui attribue des supers pouvoirs magiques, dont celui de maintenir le rêve de la bulle immobilière. Grâce à eux, les fonctions magiques de l'immobilier sont sauvegardées : l'immobilier ne perd jamais de valeur, est inaltérable et est placement refuge. Le super pigeon croit facilement que le prix des biens qu'ils pourraient acheter ne peut pas baisser. Le super pigeon ne pose aucune question dérangeante du style "mais il est exposé au nord cet appartement ?" ou "vous êtes sur que les voisins sont calmes ? parce que le plancher...". Le super pigeon entretient une relation très particulière avec le pigeon. L'existence des supers pigeons calme les pigeons lorsqu'un baissier vient leur prouver que la baisse est réelle. Les rêves des pigeons sont hantés par les supers pigeons. A terme les supers pigeons ouvriront des cabinets où les pigeons consulteront pour soigner leur névrose. Les super pigeons ouvriront leur cabinet de 7h à 23h, avec une pause d'une heure le midi pour manger des nouilles. Même avec une aide de la sécurité sociale, les supers pigeons seront condamnés à une dure vie de labeur car ils devront rembourser une dette abyssale. Eux aussi, se rebelleront-ils contre les vrais responsables de la bulle ?  Encore une fois, je le souhaite !

Un éleveur de pigeons ou un éleveur de moutons : Il s'agit de l'agent immobilier. En période de bulle montante, en pleine bagarre commerciale avec d'autres agents, il inonde nos boîtes aux lettres avec des prospectus contenant des annonces délirantes. Exemple pour la région nantaise : Un T3 de 80 m² pour 225 000 euros, ou un T2 de 42 m² pour 130 000 euros. L'objectif : persuader tout le monde que les prix de l'immobilier ne baisseront pas, malgré le manque évident de transactions puisqu'ils ont le temps de déposer eux-mêmes leurs prospectus. 

Au sommet de la bulle, c'est la panique chez les éleveurs de pigeons. Les pigeons en puissance commencent à s'informer grâce notamment à internet mais aussi le bouche à oreille, ils sont de plus en plus méfiants et refusent de payer le prix fort. Ils préfèrent louer qu'acheter. Le problème pour les éleveurs de pigeons lorsque vient le retournement du marché, c'est qu'ils n'ont plus grand chose à se mettre sous la dent. Plus de commissions juteuses, pour chercher les clients, il faut faire du porte à porte. Tous ne survivront pas dans ce secteur d'activité. Beaucoup sont déjà au bord de la crise de nerf et réclament de la part des vendeurs de la modération. Certains franchissent même la ligne rouge, résignés, ils affichent directement la baisse des prix en vitrine. 


Éleveur au coeur de la bulle, un métier difficile...

Normalement les agences vivent avec les commissions prises sur les ventes (5%) et sur les loyer (1 mois de loyer pour faire la recherche du locataire et le bail). Il y a énormément d'agences immobilières. La bulle a attiré les spéculateurs en tout genre. Les volumes de ventes baissent, la concurrence est attisée, des agences affichent directement 2% de commission. Elles peuvent tenir à ce rythme là un an maximum. Les premières faillites vont bientôt avoir lieu. Avant cela les agents immobiliers vont être remerciés en pagaille. A terme le métier d'agent immobilier risque de disparaître dans cette vaste friche immobilière où les biens seront vendus aux enchères. Sale temps pour les éleveurs de moutons !  

Comment aborder un éleveur ?  Les acheteurs (les ex-moutons) ont repris le dessus pour des années maintenant. Lors du premier contact avec l'éleveur, attendez vous à en avoir plein la vue. L'éleveur vous impressionnera avec les prix qui montent, qui montent... des maisons qui se vendent en trois jours, en quelques heures même. L'éleveur justifiera l'impossibilité de freiner l'escalade des prix parce qu'avec tous les acheteurs qu'il y a partout, beaucoup de vendeurs vendent sans passer par une agence. Répondez alors calmement : "Oui mais ça c'était avant." Donnez des exemples de maisons que vous avez visitées et qui ne sont pas vendues, ça les désarme. "Vous ne vendez presque plus, beaucoup de biens sont invendus, alors votre discours ne m'impressionne pas." Ensuite porter le coup fatal : "Comprenez que je ne veux pas être le dernier à acheter cher !!". Là l'éleveur s'écroule et il vous avouera tout ce que vous vouliez savoir sur l'effondrement du marché.

Le haussier : Il s'agit d'un individu qui croit que les prix qui entretiennent la bulle ne peuvent qu'augmenter, qui a toujours une bonne raison pour justifier cette croyance (le tramway, le TGV, les Jeux Olympiques, les étudiants, le lycée, le collège, les crèches, le bois pour les enfants, les étrangers qui achètent tout, les riches de plus en plus riches ...)  et qui éprouve un profond mal de tête lorsqu'il rencontre un baissier avec qui il a engagé la conversation. Non loin du sommet de la bulle, le haussier évite de s'informer auprès des forums pour connaître la réalité du terrain. Il se sent minoritaire et préfère se raccrocher à cette croyance de la hausse continue. Remarquez qu'il n'y a peu de blogs ou de sites internets parlant de la hausse des prix. Le haussier est un pigeon et un mouton notoire, il est la cible des agents immobiliers. Pour connaître son avenir, consultez les autres définitions.

Pour se sauver un haussier n'a qu'une seule question à se poser : Vais-je être le dernier à acheter cher ?

Le baissier : Il s'agit d'un individu qui croit que les prix qui entretiennent la bulle ne peuvent que baisser et qui est souvent capable de prouver ce qu'il dit. Il est souvent euphorique car il pense qu'il ne suit pas le troupeau et qu'il va pouvoir vivre des jours heureux en louant maintenant et en achetant un bien dans quatre ans à la moitié de sa valeur actuelle. Le rabais qu'il exigera des vendeurs sera de 50% et il jubile à l'idée d'imaginer la pression psychologique qu'il exercera sur un pigeon de la première heure. On trouve une foule de baissiers sur les forums des sites consacrés au krach, ils sont tous excités à l'idée de ne pas finir écraser sous des dettes colossales. Cependant, le problème du baissier "standard", c'est qu'il ne sait pas, ou ne mesure pas, que nous sommes à l'aube du déclin irréversible de la production pétrolière, que les enjeux climatiques vont nous demander à tous des choix de vie totalement différents de gré ou de force et que malheureusement nous ne pouvons pas attendre grand chose des progrès techniques pour que survive l'organisation actuelle de notre société. Le devenir des baissiers est effectivement de vivre dans un bel appartement ou une belle maison dans 4 ans. Propriété dont ils pourront profiter pleinement entre 5 et 10 ans, alors que leurs collègues haussiers en seront à découvrir les joies de la cuisson des pâtes. Passé ce délai, notre civilisation sera confrontée au mur de la déplétion des ressources, toutes les ressources (minières, énergétiques et alimentaires). Les emplois du tertiaires deviendront inutiles dans une société en pleine débâcle. Les baissiers percevront alors qu'ils se sont endettés moins que les haussiers, mais suffisamment pour qu'eux aussi connaissent les joies de la cuisson des nouilles lorsqu'ils perdront leur travail faute de moyens de transport adaptés, lorsque la voiture deviendra inabordable. Baissiers et haussiers en seront alors au même point. Ils consulteront chez les supers pigeons pour soigner leur névrose.


Une solution transitoire intéressante pour le décroissant : le mobil-home installé à côté d'une habitation en auto-construction.

Le décroissant : Il s'agit d'un baissier "averti" qui prend davantage de recul que le baissier "standard". Il connaît la réalité physique du monde et s'est beaucoup informé des progrès techniques envisageables. Pour lui, les carottes sont cuites, la fin de notre civilisation, de la globalisation, du libre échange et du gaspillage généralisé est programmée, inéluctable. Le décroissant est quelqu'un d'extrêmement marginal. On lui colle facilement l'étiquette d'écologiste pessimiste alors qu'il est en fait quelqu'un d'extrêmement optimiste et volontaire. Il expérimente avant les autres la perspective de la décroissance et en est d'autant plus heureux qu'il arrive à vivre dans un certain confort. Il est déjà un adepte de la cuisine plus ou moins végétarienne, des nouilles, mais attention des nouilles bio. Ses drogues : le café étiqueté commerce équitable et les liens multiples avec les autres décroissants. Il loue un petit appartement, voire possède un mobil home qu'il habite à l'année et fait quotidiennement la chasse au gaspillage. Il a compris que le meilleur moyen d'assurer sa survie dans la société post-industrielle à venir était de se passer en priorité de la voiture. Le décroissant n'est pas un adepte des crédits longues durées. Maximum : 4 ans. Il roule en vélo couché, pour développer sa capacité d'endurance et pour mettre de l'argent de côté avec lequel il achètera en plein crack immobilier avec un rabais de 80% une petite résidence secondaire avec un grand terrain autour, dans un coin paumé de la campagne. Lorsque viendront les évènements dramatiques de la fin de notre civilisation, le décroissant ne perdra pas tout de suite son travail, car pour lui cela n'est plus un problème de se passer de sa voiture. Les autres pleureront des aides auprès de leurs élus et vont à la messe du progrès quotidiennement. Le décroissant se paiera même le luxe de démissionner pour rejoindre définitivement sa maison secondaire où il vivra heureux en cultivant simplement sa terre. Il regardera alors le monde s'écrouler autour de lui. Si l'humanité survit à la théorie du krach sociétal, nul doute qu'il s'agira de descendants de ces décroissants actuels.  

Et je compte bien en faire partie !

Eric Souffleux

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Dernière mise à jour : 5 mars 2006
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