Les patates de Philippe Manière entendues sur BFM le 20 mai 2005. 

"Les gens disent que je dis que des conneries. Alors là j'ai noté. Maintenant je vais dire les leurs." Coluche (extrait de son sketch intitulé "Et puis il y a la télévision...") 

Sur cette page, j'ai choisi de décortiquer les propos tenus par un journaliste, Philippe Manière, d'une radio à priori sérieuse. J'ai été scandalisé par les propos de ce journaliste. Il a enchaîné patates sur patates et je me demande comment aujourd'hui on peut prendre BFM pour radio sérieuse. A travers cette page, vous comprendrez pourquoi nous sommes si peu préparés à l'épuisement des réserves de pétrole, les journalistes sont totalement incultes dans ce domaine. Tous mes propos sont en noirs, les propos de Philippe Manière sont en rouges (carton rouge), parfois en gras pour souligner les patates. Les propos introductifs de l'émission et des invités de l'émission sont en bleus.   

En 2004, les prix de toutes les matières premières se sont envolés. (25% en 2004, 10% en 2003 selon le rapport Cyclope 2005) Le court du brut a augmenté de plus de 30%. Plusieurs fois, la barre des 50 dollars le baril a été franchie. Les prix du Nickel ont progressé de 40% et les prix du fer ou de l'étain de 70%.
Il y a le problème de la Chine et aussi l'éventualité de phénomènes cycliques car en 1950 et 1970, nous avions déjà connu une poussée de fièvre du côté des matières premières.

Au cours de son introduction Philippe Manière prévient qu'un de ses invités est en retard à cause du Tram way qui gène la circulation. Voici ce qu'il ajoute sur le ton de l'ironie : "Le Tram way ne facilite pas totalement la circulation dans le sud de Paris depuis la bagatelle de 18 mois. Vive le Tramway !"

Dès ces premiers mots, j'ai senti que Philippe Manière était à l'opposé de mes idées. 

(...)

Philippe Chabin (dirige le rapport Cyclope) : "Il n'y aura plus de pétrole à la fin de ce siècle."

Philippe Manière : "Oh aller aller ! Attendez ! On reviendra la dessus plus longtemps mais moi depuis que je suis tout petit, on me dit que les réserves pétrolières s'épuisent. Et il y en a jamais eu autant. Il y en a vachement plus maintenant (passez moi expression) que quand j'étais gamin."

Philippe Chabin : "Vous avez raison."

Philippe Manière : "Donc cela suffit ! L'idée y en a plus et on en retrouve six ans après, moi on me l'a fait plus."

Philippe Chabin : "Vous avez raison de vous souvenir qu'en 1974 lors du choc précédent, on avait halte à la croissance. Halte à la croissance nous disait..."

Philippe Manière : "Cela ne va pas tarder à revenir ! Croyez moi !"

Philippe Chabin : "Mes frères, mes frères, on aura plus de pétrole à la fin du XXème siècle."

Outre l'expression tout à fait familière de ce journaliste, la première patate est évidente, ce journaliste se fait le relais de cette croyance populaire : cela fait trente ans qu'on nous dit qu'il y a encore quarante ans de pétrole. Comment un journaliste peut-il se faire le relais d'une pareille idée alors qu'actuellement on trouve toujours de nouveaux gisements de pétrole, mais en même temps on en consomme trois à quatre fois plus ? Il est donc évident qu'on arrive vers la fin du pétrole.

Pour illustrer cette idée voici un graphique montrant l'évolution de la demande de pétrole en milliard de barils par an et aussi en parallèle l'évolution des découvertes de nouveaux gisements. Un constat s'impose : la demande pétrolière est totalement déconnectée des découvertes. La raréfaction qui s'annonce entraînera obligatoirement un effondrement de la demande via une flambée des prix du pétrole.

(source : EXXON)

(...)

Philippe Chabin : "Il faudra que la production agricole triple d'ici la fin du siècle."

Philippe Manière : "Ah Bah voilà une bonne nouvelle. Les paysans qui disent qui gagnent pas leur vie, bah là ils vont enfin la gagner."

Un ton familier et des idées creuses, comment de tels propos ont-ils pu être tenus sur une radio qui devrait être sérieuse ?

(...)

Philippe Manière : "Si je comprends bien, on a une poussée de fièvre, mais cette poussée de fièvre quand elle retombera ne nous mettra pas dans la situation de quelqu'un en bonne santé, on aura quand même des déséquilibres parce qu'il y a des évolutions structurelles."

Philippe Chabin : "On est à 40 de fièvre, est-ce qu'on redescendra à 37 ou est-ce qu'on restera entre 38 et 39 ?"

Philippe Manière : "38 - 39, c'est bien parce que normalement on survit mais enfin quand même c'est grave car il faut prendre un peu d'antibiotiques ou de l'aspirine comme pour aller au boulot."

(...)

Philippe Manière : "Christian Chavagneux, alors je voudrais vous donner la parole car j'ai lu que vous avez fait un gros dossier dans le numéro de mai d'alternative économique qui est intéressant, très riche comme toujours dans ce journal. Alors quand même avec moi, il y a quelque chose qui m'a parue comme un élément de parti pris, vous avez une appréhension totalement eschatologique. En gros, c'est la fin du monde. Vous nous dites, il y a une petite exception que j'ai relevé, c'est les palmiers, les hommes sont quand même à peu près capables de faire des écosystèmes complexes productifs sans ponction excessive sur leur environnement. C'est les palmeraies, tout le reste ou presque, c'est terrible. On est en train de faire tout ce qu'il ne faut pas faire. On est méchant. Nos enfants auront plus rien à se mettre sous la dent, plus rien pour se chauffer. Est-ce qu'on n'est pas, là encore je trouve que c'est un problème français, on voit toujours le mauvais côté des choses. Est-ce que c'est pas un peu exagéré, est-ce qu'il n'y a pas quand même de bonnes raisons de penser que, comme d'ailleurs Philippe Chabin nous le dit on est dans une période de hausse du coût des matières premières, mais pas forcément dans une période de fin du monde avec épuisement général des ressources. Encore une fois, j'insiste sur un point, chaque fois qu'on dit qu'il n'y a plus de ressources pétrolières, on retrouve du pétrole.

Incroyable !  De la part de BFM, c'est incroyable que de tels propos aient été tenus sur cette radio !

Christian Chavagneux (rédacteur en chef d'alternative économique) continue sur la spéculation due au fonds d'investissement.

(...)

Maurice  (ADEME) : "Nous allons nous retrouver devant le défi de la fin de la bouteille. Est-ce que ce sera dans 50 ans ou dans 100 ans ?"

Philippe Manière : "Non franchement, si c'est dans 2000 ans, moi je m'en fiche."

En gros, c'est après nous le déluge ! Ce journaliste se passe de toute réflexion de fond sur le destin de l'humanité. Le plus grave dans ces propos, c'est que le journaliste se met en avant en disant ce qu'il pense lui. Il méprise totalement les gens qui pensent différemment. J'espère que cette page lui sera le juste retour de pédale pour son manque d'humilité lorsqu'il parle sur les ondes.

Maurice : "C'est pas dans 2000 ans."

Philippe Manière : "Mais comment vous savez cela ? La question est bien de savoir le rythme de la boisson par rapport à la taille de la bouteille."

Maurice : "Posez la question aux pétroliers. Demandez ce qu'ils ne vous avouaient jamais il y a quelques années, ce qu'ils pensent, les gens qui font de la prospective chez les pétroliers. Ils vont vous dire, cette fois-ci c'est inquiétant. Et bien, on voit la fin. Et c'est dans cette perspective qu'il faut se placer."

(...)

Philippe manière s'étonne ensuite des prévisions alarmistes d'un baril à 380 dollars en 2015 et qui ont pour seul but selon lui de faire peur.

(...)

Invité : "Le gaz"

Philippe Manière : "Il y a beaucoup de gaz, tous les jours on trouve du gaz."

Moi, je suis scandalisé par de tels propos. Après le pétrole, pas de problèmes, il y a le gaz... C'est une fuite en avant désespérée et totalement scandaleuse compte tenu de la réalité géologique des réserves gazières.  

(...)

Invité : "Agriculture, il y a des limites"

Philippe Manière : "Ah bon ?"

Invité : "La SAU diminue et nos besoins augmentent. Au cours du vingtième siècle on a doublé les rendements agricoles et il faudra les tripler au XXIème siècle."

Philippe Manière : "Donc pas de dangers sur les métaux , pas mal de danger sur l'énergie et assez de danger sur l'agriculture."

(...)

Philippe Manière : "Moi je me dis, c'est pas forcément une mauvaise nouvelle le fait que les matières agricoles augmentent. On a tous tellement pleuré sur les pauvres africains. Oh la la, ils n'arrivent plus à vendre leur chocolat, leur café à des prix convenable. Au la la, le coton etc... Même chez nous, si vous êtes producteur de blé dans la Beauce, mais peut être même si vous êtes producteur de choses un peu moins fongibles dans le commerce international, dans une autre région de France, c'est pas forcément mauvais pour vous que les prix augmentent. J'ajoute au passage que c'est bon pour le contribuable parce que plus on arrive à trouver de l'argent sur le marché quand on est agriculteur, moins on a forcément de bonnes raisons d'aller tendre la main au guichet européen. Et donc tout cela ne me paraît pas intégralement mauvais. Est-ce qu'il y a péril ou pas péril en la demeure ?"

(...)

Philippe Manière : "C'est quand même plus sain qu'un producteur de blé gagne sa vie en vendant du blé, plutôt qu'en allant demander de l'argent à un fonctionnaire ?"

(...)

Un invité parlait des biocarburant, ce que Philippe Manière à résumer comme cela : "Pour faire simple avec de la Luzerne, on peut nourrir du bétail, on peut aussi faire de l'éthanol ou je ne sais pas quoi, j'y connais rien, des trucs comme cela ou peut être même des matières premières. Du trèfle si vous voulez ? On peut planter dans un champ de quoi nourrir les gens, nourrir du bétail mais aussi de quoi faire du carburant et ou des matières premières plastiques ou des sacs en pseudo papier."

(...)

Invité : "La France importe 90 millions de tonnes de pétrole, la moitié pour les carburants grosso modo. La biomasse qui pourrait être mobilisable en France en nous nourrissant, c'est de l'ordre de la moitié de nos importations pétrolières. Voilà ce que cela représente."

Philippe Manière : "Donc attendez. Si on mettait en culture de manière à l'utiliser pour faire du carburant, ce qui est nécessaire à nous dispenser de la moitié de nos importations de carburant, on aurait encore de quoi planter de quoi manger."

L'art de rendre plus compliqué ce qui est simple...

Invité : "Oui, ce que je veux dire, si on ne faisait que du carburant..."

Philippe Manière : "On peut faire les deux, excusez moi, on est entre planiste, le marché donne des indications. Dans le fond quand le pétrole sera trop cher, on fera autre chose et tant qu'il est pas cher, on a raison de consommer du pétrole plutôt que de faire autre chose. Enfin c'est aussi bête que cela non ?"

Aucune réflexion sur l'impact qu'à cette consommation sur notre climat. La honte !!

(...)

Invité : "Il faut 10 à 15 fois plus d'énergie fossile dans l'agriculture pour produire l'énergie effectivement restituée par la céréale. Dit autrement, on va consommer 15 calories pétrole pour produire 1 calorie céréale."

Philippe Manière : "Ah bon ? Comment cela se fait ça ? Parce que en gros, dites moi si je me trompe mais quand on plante du blé, on passe une fois pour labourer, on passe une fois pour semer, on passe une fois pour moissonner et puis entre les deux, on passe trois à quatre fois pour voir si tout va bien."

Invité : "C'est une vision d'Épinal de l'agriculture."

Philippe Manière : "Attendez, j'ai déjà vu des gens qui cultivaient du blé. Ils sont modérément plus actifs que cela."

Invité : "Pour l'agriculture intensive pratiquée en France, il faut jusqu'à 29 passages de matériels agricoles. 29 passages pour travailler la terre, répandre de l'engrais chimique et pour faire une tonne d'engrais chimique il faut 3 tonnes de pétrole."

Philippe Manière : "Ah d'accord, vous mettez dedans toute la dimension énergétique de tous les intrants." 

Et comment en aurait-il pu être autrement ?

(...)

Invité : "Notre agriculture est par conséquent très vulnérable au coût des matières énergétiques fossiles."   

Philippe Manière : "On va pas faire venir des chinois pour qu'ils plantent le blé comme ils plantent le riz."

(...)

Philippe Manière : "Avant les inventions, on ne sait pas qu'elle vont venir. Pardonnez moi, je suis un peu optimiste, c'est-à-dire que j'ai une confiance assez importante dans l'ingéniosité humaine. Jusqu'à maintenant quand il y avait des problèmes on les a réglé. Vous Christian Chavagneux, vous êtes plutôt pour le principe de précaution, il faut réguler plus. Il y a un côté maso dans votre vision. Non seulement, elle est escatologique, négative, elle est pessimiste. Mais elle finit par être un peu maso, c'est-à-dire vous dites "Oh la la, c'est affreux, on est en train de faire des horreurs, il faut se taper dessus." Jamais ou presque, vous dites cela va être formidable si jamais on trouve une solution pour s'en sortir à base d'ingéniosité, d'inventivité, de créativité, et alors là j'allais dire vous marchez sur les pieds car comme vous êtes effectivement pour le principe de précaution. On est pas près de trouver si on s'interdit de chercher."

C'est vrai qu'on a réglé tous les problèmes, on a toujours su trouver les bonnes solutions. Que penser de la chute de l'Empire romain ? de la disparition actuelle et définitive de 30% de la biodiversité ? des différents conflits armés ? Il ne faut pas attendre beaucoup de choses de notre savoir, de notre science et des progrès techniques. La seule dimension où nous devons faire d'immenses progrès est la dimension spirituelle. Et ce n'est pas en martelant sur les ondes un optimisme béat qu'on y arrivera. Regardez la réalité en face M Manière, changez votre vision du monde et arrêtez de participer à la pollution des consciences avec vos propos.

Invité : "Vous avez une lecture un peu biaisée de notre journal mais on vous aime bien quand même, c'est pour cela qu'on vient."

Philippe Manière : "Si je vous aimais pas bien je vous inviterai quand même. On peut être en désaccord et trouver que tout ce que font tous les autres est bien."

(...)

Invité : "Lorsque votre magasin préféré vous propose une barquette de fraise au mois de mars, cela coûte 1 kg de pétrole pour une petite barquette de fraise."

Philippe Manière : "C'est ce qui explique que ce soit cher d'ailleurs."

(...)

Dérapage sur la PAC qui coûte cher, ce qui est un fait selon Philippe Manière. Alors que les autres n'ont pas l'air d'accords.

Philippe Manière : "Je voudrais revenir sur les questions de l'ingéniosité, de l'inventivité humaine. On est dans une difficulté, personne ne peut le contester. Les prix indiquent une sorte de raréfaction, de déséquilibre entre l'offre et la demande, vous l'avez dit. Alors, la piste des voies piétonnes devant les écoles, les fraises interdites de vente avant le mois d'avril, moi je trouve cela respectable intellectuellement, bien que j'y crois modérément mais c'est chacun ses opinions. Est-ce qu'il y n'y a pas au delà, un espoir dans l'offre encore une fois ? Si il y a 150 ans, on avait eu la capacité de se réunir tous les 4 dans un studio de l'époque et d'essayer de réfléchir à la manière dont la France produirait son énergie. Et si je vous avais dit, bah vous savez il y a une matière première dont vous ignorez l'existence qui s'appelle l'Uranium et cela fera 80% de l'énergie consommée par les français si on excepte le carburant bien sur, l'énergie disons, l'énergie électrique, et il y a quelqu'un qui va trouver le moyen de faire quelque chose avec cela et ça va révolutionner... Tout le monde aurait ri, en tous les cas, on n'aurait pas su de quoi on parlait. Ce que je vous dis, c'est que d'ici à 50 ans, il y aura sûrement quelqu'un qui aura trouver un nouvel uranium et que tout cela, ce sera derrière nous. J'ai tord, j'ai pas tord, je me trompe ? Est-ce que j'ai une chance sérieuse ? Est-ce qu'on est obligé de dire c'est la fin du monde ?"

Le pétrole n'a pas aujourd'hui de successeur. Les alternatives ne sont pas dans les bons ordres de grandeur. Nous allons inévitablement vers un monde qui sera radicalement différent de notre monde actuel, un monde sans pétrole, un monde où les distances s'allongent, un monde au climat affolé et auquel il faudra s'adapter, un monde où la question de la survivance de l'humanité sera dans tous les esprits. J'espère que les journalistes ne renouvelleront pas trop ce genre de propos et prendront en compte l'inévitable déclin de notre civilisation industrielle et tertiaire.

Eric Souffleux

"Et alors moi, je dis que quand un mec, sur une information, il en connaît pas plus que cela. Il a qu'à fermer sa gueule !" Coluche (extrait de son sketch intitulé "Et puis il y a la télévision...") 

 

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Dernière mise à jour : 6 février 2006
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