Un jour, Nantes repliera ses ailes...
De guerre lasse, cela fait près de 8 mois que je ne me suis pas exprimé dans le Nantes Forum. Votre édition du dimanche 4 mars 2007 avec son supplément entièrement consacré à l'aviation nantaise m'a mis suffisamment hors de moi pour que je prenne la peine d'écrire à nouveau. Vous le savez, je suis un ferme opposant au futur aéroport de Notre Dame des Landes. Je suis également un farouche partisan d'une taxation forte du kérosène pour que les passagers de l'aviation payent le vrai prix de leur part du cadeau empoisonné qu'ils laissent aux générations futures : le réchauffement de la planète. Les scientifiques admettent que l'impact des gaz à effet de serre émis par les avions est quatre fois plus réchauffant que les gaz émis par la même quantité de pétrole brûlée au niveau de la mer. Les automobilistes payent leur carburant avec 80% de taxes. Les avions consomment un carburant entièrement détaxé depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Vu la volonté affichée de réduire les émissions de gaz à effet de serre, pourquoi cette inégalité devant l'impôt perdure-t-elle encore ? Je vous rappelle que l'impôt est la seule mesure libérale que nous avons pour modérer nos émissions. L'autre mesure, plus collectiviste celle-ci, s'appelle le rationnement ! Que choisissons-nous ? La taxe ou le ticket de rationnement ? Ne pas choisir, c'est subir...
Au lieu de dénoncer cette inégalité devant l'impôt, les médias s'empressent de montrer leur solidarité avec l'Airbus agonisant. Le supplément de l'édition de dimanche en est la parfaite illustration. Huit pages de propagandes (Excusez le terme...) pour prendre l'avion, pour sauver Airbus, pour convaincre de l'intérêt de construire un autre aéroport. Ce journal, je vais vous le dire, je ne l'ai pas acheté. Tout s'est passé très vite dans le kiosque où je l'achète d'habitude. J'ai feuilleté ce supplément à la recherche d'un article qui dénonçait l'impact de l'aviation sur le climat et je n'ai rien trouvé. J'ai juste lu l'interview du directeur de Nantes Atlantique, interview publiée en face d'une publicité pour le vol quotidien Nantes - Casablanca. J'étais content de lire que la piste actuelle ne serait saturée qu'à hauteur de 4 millions de passagers par an et l'aérogare à hauteur de 3 millions de passagers. On voit bien qu'avec les 2.4 millions de passagers de 2006, on est encore très loin d'une saturation, d'autant plus que l'aéroport a très longtemps stagné sous les deux millions de passagers. Un second aéroport est-il indispensable ? Bien sur que oui car l'enjeu principal est le survol de Nantes répond l'intéressé. Et le seconde piste transversale ? Pas un mot... Et question très intéressante : Avec la raréfaction du pétrole, le trafic aérien peut-il progresser ? Le directeur répond sans état d'âme : "Les experts ne sont pas inquiets, on va faire du kérosène avec du charbon." Moi, j'ai posé le journal et je me suis barré du kiosque !
Le charbon est l'énergie la plus sale qui soit. Pour le liquéfier, il faut consommer bien plus d'énergie que pour le raffinage du pétrole. Même si on recourt au charbon, le carburant sera très cher. Comme la quantité de gaz à effet de serre émise est considérable, ne croyez-vous pas qu'il faudra prendre des mesures fiscales pour justement réduire sa consommation ? Je suis triste de voir ce monde passer le pic oil sans tenir compte de la nécessité de réduire considérablement notre consommation d'énergie fossile. En évoquant un retour à l'époque de Zola, nous condamnons tous nos efforts pour essayer de limiter l'emballement climatique. J'en ai marre de voir que les médias cautionnent largement cette perspective. Je n'ai pas envie de boycotter le Ouest France comme je boycotte l'aviation. S'il vous plait, faites un effort pour ouvrir les yeux de mes semblables sur des perspectives réalistes et heureuses, où l'aviation ne peut plus avoir la place qu'elle occupe aujourd'hui.
Si vous me permettez, j'aimerai lancer un message à destination des salariés d'Airbus. Airbus, Boeing, les compagnies aériennes et l'ensemble du personnel des aéroports sont en sursis du fait de l'inéluctable flambée du pétrole qui nous est promise dans un avenir proche. Plutôt que de se résigner en accusant des fautes de gestions ou un manque de subventions étatiques (ce qui est un comble vu l'absence de taxe sur le kérosène !), je vous invite à penser à votre reconversion. Face aux difficultés, il vaut mieux choisir que subir. Les salariés d'Airbus possèdent un savoir faire dans les matériaux composites. Qu'ils utilisent leurs compétences pour alléger nos voitures, pour construire des voiliers rapides pour traverser l'atlantique en moins de 20 jours, et pour construire des vélos carénés avec assistance électrique pour se passer totalement du pétrole dans nos transports. Il y a des perspectives pour les compétences des salariés de l'industrie aéronautique. Il n'y en a pas dans l'aviation civile. Un jour Nantes repliera ses ailes et déploiera ses voiles.
Eric Souffleux
Ce texte a été envoyé au Ouest France le 14 mars 2007 et n'a pas été publié.