Arrêtons l'éloge de l'aéronautique !

        Le 46ème salon aéronautique du Bourget a été au coeur de l'actualité ces derniers jours. Les médias en ont beaucoup parlé et ont couvert d'éloges les progrès de l'aviation, alors qu'à mon humble avis, ils auraient dû nous préparer à une toute autre perspective : la décroissance.

        Comme je l'avais exprimé dans un précédent courrier, je boycotte l'aviation. France 2 m'a d'ailleurs permis de m'exprimer devant plusieurs millions de téléspectateurs ce dimanche 19 juin à l'occasion de l'émission de Rachid Arahab, "J'ai rendez-vous avec vous." Comme une minute à la télévision, c'est très court. J'ai le besoin d'expliquer davantage mon point de vue qui est malheureusement un point de vue peu relayé dans les médias.

        Pourquoi faut-il boycotter l'aviation ?

        La première raison est que le réchauffement climatique est le défi majeur qu'il faut relever. Les mesures qui s'imposent maintenant et dans l'urgence vont faire passer la conquête de l'espace pour une aimable plaisanterie. Les efforts à fournir sont ceux d'un peuple qui se prépare à la guerre. L'A380 n'est pas un géant vert face au péril climatique. Il s'agit d'abord d'un nouveau jouet qui intéressera moins de 1% de la population mondiale, et dont le principal progrès est de disposer de quelques centimètres d'espaces supplémentaires par siège. Ce progrès futile, le Tiers Monde et les Générations Futures en paieront le prix fort. L'impact de l'aviation civile sur le climat est considérable du fait que les gaz à effet de serre sont émis en altitude. Prendre l'avion aujourd'hui est devenu un acte criminel, un acte qui anéantit les efforts des bonnes volontés qui essaient de réduire leur impact climatique. Les médias peuvent glorifier Airbus pour ses progrès en matière de consommation de kérosène par passager. La planète se contre fiche de ce genre de progrès. Ce que la planète attend de nous, c'est la décroissance de nos émissions globales. D'ailleurs ce progrès n'est qu'un effet d'annonce car la version bétaillère de cet avion (800 passagers) intéresse peu de compagnies aériennes. Ce qu'elles préfèrent, c'est la version paquebot de luxe (avec moins de 500 passagers, parfois moins de 300 pour les versions les plus luxueuses !).

        La deuxième raison de ma désaffection profonde de l'aviation est liée à l'épuisement des réserves pétrolières. L'aviation civile démocratique est condamnée à court terme par l'inéluctable flambée des prix du pétrole. La facture pétrolière représente déjà un tiers du prix des billets d'avion. Une facture directement indexée sur les cours mondiaux car le kérosène est un carburant détaxé internationalement. Dans quelques années, quelque part entre 5 et 25 ans, nous aurons définitivement dépassé le pic de la production mondiale de pétrole. Les cours mondiaux escaladeront l'Everest, il n'y aura pour ainsi dire pas de plafond étant donné notre extrême dépendance à l'égard du pétrole, que ce soit dans les transports, l'agriculture, la pêche et la chimie. Contrairement à ce que pensent les gens, il n'y a pas d'alternative technique au pétrole. La seule perspective que devraient prendre en compte les médias, les politiques et les industriels est la décroissance. Et le trafic aérien mondial n'échappera pas à cette sombre perspective.

        J'ai 26 ans, et en toute humilité, je suis une conscience représentative de vos enfants. Notre planète est à l'agonie de notre fait. J'ai honte de notre égoïsme et de notre insolence vis-à-vis de la nature. J'espère que les médias prendront au sérieux ce signal de détresse, qu'ils nous parleront de cette menace qui pèse sur notre avenir. Nous devons nous préparer à la décroissance pour y survivre.

        J'espère que cela n'arrivera pas, mais je redoute l'émergence d'une fracture générationnelle. Lorsque ce que j'annonce deviendra l'évidence, il est à craindre que beaucoup d'enfants se retourneront contre leurs parents. Ils leur demanderont des comptes. Pourquoi n'ont-ils rien fait ? Les enfants n'ont pas demandé à venir au monde. Leurs parents leur doivent un monde vivable. Ils devraient se mobiliser maintenant pour qu'on évite le pire.

        Depuis trois ans, ma compagne et moi sommes entrés en résistance contre cette société du gaspillage et du mépris des générations futures. Le boycotte de l'aviation n'est qu'une facette de notre démarche. Nous sommes disposés à rencontrer les médias, et aussi les scolaires, pour en débattre plus longuement et ainsi lutter contre le fatalisme ambiant. Pour prendre contact avec nous, visitez notre site internet : www.generationsfutures.net

Eric Souffleux

Voici maintenant la publication de ce texte. Comme vous le constaterez, le Ouest France, n'a pas réellement envie de faire de la publicité pour le site Générations Futures.

Suite à cette publication dans le Ouest France, une personne a réagi dans mon sens. Voici ce qu'elle a écrit :

Je trouve cela fort d'écrire qu'il faudrait boycotter les grandes surfaces. Je suis tout à fait d'accord et je l'applique déjà au quotidien depuis plus de deux ans.

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Dernière mise à jour : 29 janvier 2006
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