Les 4x4 sont-ils compatibles avec notre avenir climatique ?

        A l'heure où des cyclones violents balayent l'Asie et les Caraïbes, à l'heure où la voracité des SUV américains oblige Bush a faire une guerre du pétrole en Irak, à l'heure où il y a trois ans plusieurs dizaines de kamikazes faisaient comprendre aux Américains qu'ils ne pouvaient pas continuer seuls à s'accaparer toutes les richesses de la planète, voilà que différents lecteurs de la région nantaise manifestent leurs opinions en faveur de la défense des 4x4. Ils réagissent avec force à un premier courrier intitulé très justement : "le 4x4, véhicule de l'égoïsme". Tous les arguments fallacieux assenés par ces adeptes des pares buffles m'ont décidé à écrire sur un sujet que je connais bien : les changements climatiques. Il s'agit, avec la déplétion des réserves de combustibles fossiles, de la plus grande menace à laquelle l'humanité sera confrontée au cours des prochaines décennies. Les générations futures devront affronter une hausse des températures complètement inédite dans son ampleur et sa rapidité. Elle sera accompagnée de calamités (tempêtes, sécheresses, maladies nouvelles...) qui menacent l'ensemble de la biosphère. S'il me semble important de parler du climat avant des 4x4, c'est que le sujet est mal connu aujourd'hui. Nous n'avons pas conscience que les mesures qu'il faudra prendre pour limiter l'ampleur des changements climatiques feront passer l'aventure spatiale lunaire pour une aimable plaisanterie. 
        Voici donc les chiffres qu'il faut avoir en tête pour comprendre la véritable révolution qui nous attend si nous souhaitons éviter les pires ennuis. Les scientifiques du GIEC (note 1) ont démontré le rapport étroit qu'il y a entre le taux de CO2 dans l'atmosphère et la température moyenne de l'air. Depuis 1850, nous avons augmenté la quantité de CO2 dans l'air de plus de 35%. Les dérèglements climatiques sont d'ores et déjà inévitables. Ce qui est encore à notre portée, c'est de limiter nos émissions de telle sorte que la concentration en CO2 dans l'air cesse d'augmenter, car l'élévation de température que nous aurons en dépend. Pour cela, il faut diviser les émissions mondiales de ce gaz par deux, au moins. Cela veut dire, en première approximation, qu'au niveau mondial il faut diviser par deux la quantité de pétrole, de gaz et de charbon que nous consommons. Si cette division est faite de manière "communiste" entre les 6 milliards de terriens, de façon à ce que chacun ait droit à la même chose une fois cette réduction opérée, cela veut dire qu'en France il faut diviser par quatre, en Allemagne par six, aux États-Unis par douze, la Chine devant rester à peu près où elle en est aujourd'hui. Concrètement, cela signifie que chaque humain pourra émettre 0.5 tonne d'équivalent carbone  par an (ou 1835 kg de CO2 (note 2)), ce qui correspond, pour un conducteur de 4x4, à parcourir une distance de l'ordre de 7000 km en une année (en prenant en compte une émission de 250gCO2/km relevée par mes soins dans les publicités que compte le journal). Le problème est que nous émettons aussi des gaz à effet de serre en fabricant le véhicule (ce qui est loin d'être négligeable pour un véhicule de plus d'une tonne), en chauffant notre habitat, en mangeant (à cause de l'agriculture intensive) et en subvenant à une quantité d'autres besoins (produire de l'électricité, des produits manufacturés, du béton...). Le kilométrage théoriquement possible avec un 4x4 pourrait alors tomber à moins de 1000 km par an. Si le corps social se décide démocratiquement à prendre en compte cette terrible menace, nul doute qu'il faudra que des lois très restrictives viennent limiter le nombre de ces véhicules que leurs défenseurs osent appeler véhicules de loisirs. Comme si assombrir le futur de nos enfants pouvait être une partie de plaisir... 
Dans leur discours, les défenseurs des 4x4 n'ont raison que sur un seul point : rouler en 4x4 est aussi condamnable d'égoïsme envers les générations futures que rouler dans une voiture de sport, un monospace ou une berline. Les émissions de gaz à effet de serre sont effectivement très comparables entre ces catégories de véhicules (plus de 200gCO2/km). Seules les petites citadines arrivent à approcher des émissions de l'ordre des 100gCO2/km. Mais c'est déjà trop à cause des émissions des autres secteurs. La seule alternative aux 4x4 et d'une manière générale à la voiture, c'est la combinaison entre le rail et le vélo. Et si 67% des automobilistes pensent que le 4x4 est la voiture idéale, c'est qu'il y a des risques pour que nous ne puissions pas éviter les pires ennuis climatiques. J'espère qu'à l'avenir vous serez davantage convaincus que la voiture idéale n'existe pas.
Si vous voulez en savoir plus sur ce sujet qui me tient particulièrement à coeur, j'écris depuis deux ans sur un site internet : www.generationsfutures.net

1. GIEC : Groupe Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat
2. 1000 kg équivalent carbone = 3670 kg de CO2

Eric Souffleux

Voici maintenant l'article publié dans Nantes Forum ce vendredi 1er octobre 2004. Des passages ont été coupés mais la mise en page est intéressante.

 

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Dernière mise à jour : 29 janvier 2006
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