Faire de sa vie un message pour sortir du pétrole.
Ce courrier fait suite à celui de M. Laurent Gaudicheau (OF du 20 août 2005) et a été envoyé au Ouest France le 23 août 2005. Ce texte n'a pas été publié. Il était probablement trop long et probablement trop pessimiste sur certains aspects. Je vous laisse juge et vous souhaite une bonne lecture.
Il a raison de dire que tout le monde marche sur la tête en matière de carburant mais je crois qu'il se trompe lorsqu'il envisage que les biocarburants pourraient remplacer le diesel de nos voitures.
Sans rentrer dans le détail, il faudrait couvrir 40% de nos surfaces agricoles pour produire seulement 10% du carburant que nous brûlons chaque année en France. Les carburants issus de l'agriculture sont envisageables si au préalable nous avons divisé par 20 notre dépendance pétrolière. Chiche !?
Ma vérité est plutôt que l'ère du pétrole devrait être suivie de l'ère de la propulsion humaine avec une population qui serait massivement revenue au travail de la terre, avec des humains qui auraient enfin compris leur rôle dans l'environnement, des humains qui comprendraient qu'ils ne sont pas des profanateurs mais des protecteurs. Dans l'évolution de la vie, le stade "civilisation intelligente" est probablement un stade critique auquel la vie survie difficilement dans l'univers. Saurons-nous être un de ces rares lieux où la vie perdurera grâce au soin protecteur d'une civilisation de sages ? Ou nous complairons-nous dans la destruction de cet îlot de vie qu'est la Terre en nous disant que la vie trouvera son chemin ailleurs à la périphérie d'autres étoiles ? Mais comme personne ne nous prépare à autre chose... Quand je dis personne, je pense aux médias, aux politiques et aussi à tous les acteurs de la société civile. Je pense donc que l'ère du pétrole pourrait être suivie d'une période trouble où l'humanité déclinerait jusqu'à revenir à un stade moyenâgeux, avant que la disparition de la couche d'ozone, programmée par un réchauffement de la planète non maîtrisé, n'interdise toutes formes de vie sur la terre ferme. Un recul de 400 millions d'années, cela vous branche-t-il ?
J'aimerais croire que l'humanité pourra relever le défi de l'après pétrole et le défi de l'effet de serre, mais quand je vois comment se comportent les différents niveaux de pouvoir de notre civilisation alors que flambe le prix du pétrole, il m'est permis de douter.
Le gouvernement se dit prêt à des ristournes sur les carburants ici ou là. Les syndicats veulent un relèvement du pouvoir d'achat et du taux de frais de déplacement des travailleurs. Les citoyens pensent massivement qu'il faut vite passer à autre chose que le pétrole, mais sans en perdre tous les avantages. Et les médias me rapportent toutes ces espérances sans le moindre esprit critique comme s'ils ne devaient dire que ce qui est agréable à entendre.
Quand je vois tout cela, j'ai de quoi être très pessimiste et parfois vraiment révolté.
Et pourtant, je reste volontairement optimiste parce que j'agis au quotidien comme si le monde qui m'entoure pouvait être vertueux. Je vais à mon travail (prof de karaté) en vélo couché pour davantage de confort et d'efficacité (entre 40 et 80 km par jour). Je suis chaque jour émerveillé de voir le regard des enfants qui me croisent. J'imagine leur laisser d'autres rêves que celui de rouler avec une grosse voiture. J'espère qu'ils auront plus de courage et de lucidité que les générations actuellement responsables de notre avenir.
Finalement, la solution est en chacun de nous. Agissons simplement pour que notre vie soit un message pour les autres, un message pour dire que nous ne voulons plus brûler le pétrole qui reste, un message pour dire qu'il y a de l'espoir et qu'il est en chacun de nous.
Eric Souffleux