Résumé du livre de Jean-Marc Jancovici L'avenir climatique, quel temps ferons-nous ?
Ce document est un texte qui résume un ouvrage qui fait référence sur le dérèglement du climat. Toutes les informations qui sont contenues dans cet ouvrage méritent d’être vulgarisées et ce document ne doit pas rester dans le fond de votre ordinateur. J'ai installé des liens qui permettent d'accéder directement au site de Jean-Marc Jancovici. Pour les internautes pressés j'ai mis en place une table des matières :
La Science et les scientifiques ? Risques réels ou craintes excessives |
Qui est responsable ? Dans quel monde voulons-nous vivre ? En guise de conclusion : Comment sortir de la schizophrénie ?
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Jean-Marc Jancovici
L’avenir climatique
Quel temps ferons-nous ?
Edition du Seuil, collection Science Ouverte, 2002
Avant-propos
Dans le cadre de cet ouvrage, je suis parti de l’hypothèse que l’idée du progrès et l’attente de tout un chacun se confondaient dans un même objectif de société, dont la première caractéristique seraient d’éviter à tout prix de graves désordres climatiques futurs. Pourrait-on alors « concevoir » un monde qui correspondrait à cette vision de l’avenir et nous permettrait néanmoins de vivre heureux ?
Première partie
La Science et les scientifiques ?
Les scientifiques : quels scientifiques ? (retour au sommaire)
Depuis un siècle, déjà… (page 13)
Des scientifiques se penchent sur notre avenir climatique.
Svante Arrhenius sera le premier, en 1896, à prédire et
quantifier une augmentation de la température moyenne de notre planète comme
une conséquence de l’utilisation industrielle des combustibles fossiles.
Arrhenius voyait le réchauffement climatique comme une bonne
nouvelle car il contrecarrerait la survenue d’une glaciation. De plus le
dioxyde de carbone allait doper la croissance des plantes, ce qui mettrait les
hommes à l’abri de la faim.
Le vaste méli-mélo des disciplines (page 15)
Pour comprendre l’avenir du climat, nous avons besoin de
faire appel à une multitude de scientifiques (astrophysiciens, aérologues,
physiciens, géographes, biogéochimistes…).
La Terre est surtout couverte d’eau. (page 16)
Les océans jouent un rôle tampon sur le climat, ils
agissent comme un amortisseur des différences de température et comme un
convoyeur de chaleur entre les latitudes.
Pour comprendre l’eau de la Terre, nous avons besoin des
océanographes, et des glaciologues.
Voici la météo (page 17)
Climatologues et météorologues utilisent les mêmes
données factuelles. La seule différence porte sur les échéances :
quelques jours d’un côté, jusqu’à quelques siècles de l’autre.
Retour vers le futur (page 17)
La mise au point d’un modèle climatique nécessite de
faire appel à des spécialistes du passé qui sont des historiens, les
glaciologues, les spécialistes des faibles radioactivités et de l’analyse
isotopique.
La vaste entreprise que constituent l’étude de notre
climat et l’estimation des conséquences d’un changement climatique requiert
une multitude de scientifiques.
Économistes, démographes, techniciens, ingénieurs… (page
19)
Sont nécessaires pour évaluer l’impact de l’homme sur
le climat.
Synthétiser les connaissances (retour au sommaire)
Qu’est-ce que le GIEC ? (page 21)
Le Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat
existe depuis 1988 et a été mis en place à la demande du G7 (les 7 pays les
plus riches), sous l’édige de l’Organisation Météorologique Mondiale et
du Programme pour l’environnement des Nations Unies.
Jean-Marc Jancovici décrit le fonctionnement du GIEC.
Quel crédit accorder au GIEC ? (page 24)
L’auteur explique la rigueur scientifique qui règne au
sein du GIEC et que les manifestations de scepticisme vis-à-vis des conclusions
du GIEC sont souvent l’œuvre :
d’individu connu pour ses convictions « ultra-libérales ».
d’une personne proche des milieux antinucléaires.
d’un chercheur américain que l’on sait financé par les secteurs pétrolier ou charbonnier.
Les journalistes publient mal les informations contenues dans
les rapports du GIEC car ils n’ont pas le temps ou les notions nécessaires à
leur compréhension. De ce fait certains auteurs, croyant réfuter une
conclusion du GIEC, ne font que réfuter une transcription médiatique erronée
ou approximative de ces conclusions.
Le GIEC n’a été mis en place que pour garantir le fond.
Il ne vise pas à dicter une conduite, juste à éclairer du mieux possible un
débat sur les priorités pour l’avenir qui lui échappe largement.
Le climat varie naturellement. (retour au sommaire)
Astronomie et grands cycles (page 29)
Trois processus interviennent sur la quantité totale d’énergie
reçue du Soleil par la Terre :
L’orbite de la Terre décrit une ellipse, plus ou moins allongée selon les époques. (périodicité de 100 000 ans)
L’inclinaison de l’axe des pôles par rapport au plan de l’orbite terrestre (l’obliquité) varie au cours de temps. (périodicité de 40 000 ans)
Au cous du temps, la droite reliant les pôles décrit un cône dont l’axe est perpendiculaire au plan de l’orbite, avec une périodicité de 26 000 ans. Ce mouvement, qualifié de précession, intervertit tous les 13 000 ans l’hémisphère que la Terre présente au Soleil lorsqu’elle en est le plus proche.
Les variations engendrées par ces processus durent depuis au moins 1 million d’années.
Que nous apprend la comparaison de notre climat à celui des époques récentes ?
Nous sommes dans une période interglaciaire chaude depuis 10 000 ans.
Sur les 400 000 dernières années, la température annuelle moyenne de la planète n’a pas dépassé l’actuelle de plus de 1 à 2°C.
4 à 5°C seulement de différence de température moyenne séparent l’époque actuelle d’une glaciation.
La prochaine glaciation ne semble pas concerner les 10 000 ans à venir et une glaciation met 10 000 à 20 000 ans pour s'installer.
L’effet de serre ne date pas d’hier. (page 32)
Une serre est un piège à chaleur et l’atmosphère se
comporte ainsi.
Jean-Marc Jancovici détaille les catégories de rayonnement
en fonction de leur longueur d’onde.
Rayons cosmiques |
Rayons gamma |
Rayons X |
Ultra violets |
Visibles |
Infra rouges |
Micro ondes |
Ondes TV |
Ondes radio |
La surface du Soleil, à la température de 6000°C, nous
envoie 10% d’ultraviolet, 40% de lumière visible et 50% d’Infrarouge
« proche » (proche de la lumière visible).
La Terre émet des Infrarouges « lointains ».
Le verre laisse bien passer le rayonnement solaire mais
il est opaque au rayonnement émis par l’intérieur de la serre. Cette
caractéristique du verre permet à l’énergie de pénétrer dans la serre où
elle se fait piéger.
Il existe au sein de notre atmosphère des gaz ( les
« gaz à effet de serre »), présents en petite quantité (quelques
fractions de pour-cent au plus), qui jouent dans notre atmosphère une partie du
rôle des vitres d’une serre : ils sont à peu près transparents pour la
lumière visible, mais fortement opaques aux infrarouges, ce qui piège la
chaleur près du sol. Plus ces gaz sont abondants, plus la température de
surface augmente.
Schéma de l’effet de serre. (page 35)
L’effet de serre est responsable du développement de la
vie telle que nous la connaissons. Sans ce phénomène, la température moyenne
de la surface de la Terre serait de –18°C.
La surface de Vénus atteint 460°C car son atmosphère se
comporte comme une serre ultra efficace, à cause du CO2 de son air.
La proximité de Vénus par rapport au Soleil n’explique pas la différence de
température entre les deux planètes.
Généralités sur les gaz à effet de serre (page 37)
Le premier gaz à effet de serre est la vapeur d’eau. Sa
concentration dans l’air dépend très peu de l’action de l’homme. Elle
dépend essentiellement de la température de l’air au niveau du sol. La
vapeur d’eau ne s’accumule pas dans l’air, elle retombe sous forme de
pluies. Ces caractéristiques de la vapeur d’eau compliquent significativement
les prédictions relatives au climat du futur. La vapeur d’eau a des effets
antagonistes, elle augmente l’effet de serre (réchauffe) et augmente la
réflexion du rayonnement solaire (refroidit).
Le second gaz à effet de serre est le gaz carbonique.
Ensuite, il y a le méthane, le protoxyde d’azote et l’ozone.
Seules les molécules de 3 atomes ou plus peuvent intercepter le rayonnement terrestre, or elles sont très minoritaires dans l’air composé de gaz diatomique (N2 et O2).
Le gaz carbonique (retour au sommaire)
Une concentration atmosphérique rapidement croissante (page
40)
Il est désormais avéré que la concentration atmosphérique
de ce gaz, qui est restée comprise entre 200 et 280 ppmv depuis plusieurs
centaines de milliers d’années, atteint aujourd’hui 360 ppmv, augmente
désormais de manière exponentielle, et que nous sommes à l’origine de cette
évolution.
Jean-Marc Jancovici explique comment on a pu mesurer le taux
de CO2 de l’air. Les mesures actuelles se réalisent dans des
endroits très reculés du globe, pour éviter les variations saisonnières et
les perturbations locales. Les mesures anciennes sont obtenues en analysant l’air
emprisonné dans la glace au niveau des pôles. On trouve dans la glace des
témoins du rayonnement cosmique reçu par la Terre. Les isotopes de l’O2
permettent d’apprécier la température moyenne de la Terre à une époque
donnée. Grâce à ces données nous connaissons très précisément les 100 000
dernières années, et les 300 000 années précédentes de manière
exploitable.
Que nous disent nos archives glaciaires ? Que,
abstraction faite des deux siècles les plus récents, la concentration
atmosphérique en gaz carbonique a lentement oscillé entre 200 et 280 ppmv sur
cette période.
Nous savons également que l’ère secondaire était
caractérisée par un atmosphère fortement chargé en CO2, mais en
parallèle le rayonnement du soleil était moins important, donc la température
de surface n’a jamais été considérablement plus élevée qu’aujourd’hui.
Le CO2 de l’ère secondaire est aujourd’hui
stocké sous forme de calcaire et de réserves de combustibles fossiles.
La mesure des concentrations atmosphériques des deux
isotopes stables du carbone nous montre que nous sommes responsables des
modifications de la composition de l’atmosphère.
Un bref aperçu du cycle du carbone (page 46)
On trouve du carbone dans l’air (négligeable en masse),
dans l’océan (la plus grosse réserve), sous terre (le calcaire) et sur terre
(matière vivante).
Type de milieu |
Tonnes de carbone par hectare |
||
Végétation |
Sols |
Total |
|
Forêts tempérées |
56.8 |
96.2 |
153 |
Forêts tropicales |
120.4 |
122.6 |
243 |
Prairies tempérées |
7.2 |
235.8 |
243 |
Terres de culture |
1.9 |
80.1 |
82 |
Tableau du contenus en carbone des divers types de végétation. (page 48)
On y apprend que les prairies contiennent autant de carbone
que les forêts. De plus, les surfaces agricoles contiennent trois fois moins de
carbone que les surfaces non cultivées. Cela signifie que pour recapter le CO2
de l’air sous forme de biomasse, il faudrait y consacrer nos terres
cultivables.
Dans une intéressante démonstration, l’auteur nous montre
que les continents se comportent comme des puits à carbone.
Il nous montre aussi que contrairement à une idée
solidement répandue, une forêt à maturité ne produit pas le moindre litre d’oxygène
pour l’humanité. Elle joue un rôle irremplaçable comme réservoir de
biodiversité, pour empêcher l’érosion des sols, et pour la disponibilité
de la ressource en eau. Pour absorber le carbone que nous rejettons, il faudrait
convertir en forêts 15 à 20 millions de km² de terres agricoles (environ deux
fois de Sahara).
Que se passerait-il si… (page 53)
Si nous arrêtions soudainement nos émissions de gaz
carbonique, la concentration de ce gaz dans l’atmosphère diminuerait
progressivement pendant des siècles. En effet, la durée de résidence du CO2
dans l’air est de l’ordre du siècle.
Jean-Marc Jancovici soulève une donnée cruciale : le
lieu de la source est rigoureusement sans importance car la durée de brassage
de la troposphère est de l’ordre de quelques mois. De ce fait, il devient
incontournable que tous les pays se mettent d’accord pour diminuer leurs
émissions en même temps. Un seul « mauvais élève » peut réduire
à néant les efforts de tous les autres pays.
Si les émissions de gaz carbonique augmentent, la
température de l’atmosphère va augmenter, ce qui aura un effet sur les
océans qui pourront absorber moins de CO2. On observera également
une augmentation des émissions de CO2 des sols, qui résultent de la
décomposition des sols. La photosynthèse diminuera du fait d’un stress
hydrique. Finalement, les puits vont devenir des sources qui vont s’ajouter
aux émissions des hommes.
Les autres gaz à effet de serre (retour au sommaire)
Le retour du Grisou (page 57)
Le deuxième gaz à effet de serre est le méthane (CH4)
issue de la décomposition anaérobie de la matière organique.
En revenant à nos archives glaciaires, nous constatons que
la teneur de l’atmosphère en méthane a lentement oscillé entre 350 et 700
ppbv (parties par milliard en volume) sur les 400 000 dernières années. Ces
variations naturelles sont probablement liées à l’étendue plus ou moins
importante des zones humides.
Actuellement, nous sommes à 1500 ppbv ! La
concentration en méthane a augmenté beaucoup plus vite que la concentration en
CO2 depuis 1750. Les émissions de méthane proviennent de l’utilisation
et de l’extraction des combustibles fossiles, de l’élevage des ruminants,
de la culture du riz, de la combustion de la biomasse et enfin des décharges d’ordures
ménagères.
10% des émissions de méthane s’accumulent dans l’atmosphère,
alors que pour le CO2, c’est 50% des émissions anthropiques qui
suivent cette voie. La durée de résidence du CH4 dans l’atmosphère
est assez courte, de l’ordre de la décennie.
L’hydrate de méthane est un cristal qui ressemble à la
glace, et qui se forme quand eau et méthane sont réunis à basse température
ou à haute pression. A l’état naturel, on en trouve dans les sédiments
océaniques et dans le pergélisol (sol gelé en permanence). Le réchauffement
climatique pourrait avoir pour effet la libération du méthane contenu dans le
pergélisol. Les conséquences seraient dramatiques.
Un gaz hilarant qui ne l’est plus beaucoup. (page 61)
Le protoxyde d’azote, de formule N2O, est connu
sous le nom de gaz hilarant.
Depuis le début de l’ère industrielle, nous assistons à
une augmentation exponentielle de sa concentration atmosphérique. En 1800, nous
avions 270 ppbv de N2O ; maintenant nous sommes à 310 ppbv. Les
émissions naturelles de ce gaz proviennent essentiellement de l’activité
microbienne des sols. Les émissions anthropiques proviennent de l’utilisation
des engrais azotés (50%), des déjections humaines et animales, de la
combustion des énergies fossiles et de l’industrie chimique. Des oxydes d’azote
se forment dès que l’on met oxygène et azote en présence à haute
température, comme dans n'importe quel moteur à explosion. Ce gaz a une durée
de résidence de 120 ans, et il est dégradé dans la stratosphère avec des
processus chimique lié à l'ozone.
Revoilà les pics d’ozone. (page 63)
L’ozone (O3) se forme dans la stratosphère
grâce au rayonnement ultraviolet qu’il absorbe. Il se forme également près
du sol suite à des réactions photochimiques entre composés émis lors de l’utilisation
des énergies fossiles. L’ozone est le seul gaz à effet de serre qui
disparaît rapidement dans la troposphère.
Les créations de l’homme. (page 65)
Les halocarbures sont des gaz à effet de serre très
puissant et d’une durée de vie dans l’atmosphère pouvant aller jusqu’à
plusieurs dizaines de milliers d’années. (les PFC)
Les émissions faibles et dues uniquement à l’homme ce ces
gaz ne sont pas à négliger.
Comparer les émissions : un exercice difficile. (retour au sommaire)
Le pouvoir de réchauffement global, une mesure imparfaite…
mais indispensable. (page 69)
L’effet d’une émission de gaz à effet de serre est d’autant
plus fort que sa concentration préexistante est faible. D’autre part les gaz
à effet de serre ont des plages de fréquences absorbées différentes, ce qui
complique encore leur comparaison.
A travers le diagramme de la page 71, nous observons
cependant que les gaz à effet de serre se répartissent sur toutes les plages
de longueur d’onde. Ceci montre que leurs effets se cumulent.
Pour pouvoir comparer les gaz à effet de serre, Jean-Marc
Jancovici parle de leur pouvoir de réchauffement global sur plusieurs longues
durées (20 ans, 100 ans et 500 ans).
Gaz |
Formule |
PRG relatif à 20 ans |
PRG relatif à 100 ans |
PRG relatif à 500 ans |
Dioxyde de carbone |
CO2 |
1 |
1 |
1 |
Méthane |
CH4 |
62 |
23 |
7 |
Protoxyde d’azote |
N2O |
275 |
296 |
156 |
Perfluorocarbures |
CnF2n+2 |
3900 à 8000 |
5700 à 11900 |
8900 à 18000 |
Hexafluorure de soufre |
SF6 |
15100 |
22200 |
32400 |
PRG relatifs des principales familles de gaz à effet de serre (tableau page 73).
Le plus puissant des gaz à effet de serre pris en compte au
niveau du protocole de Kyoto est l’hexafluorure de soufre (SF6).
Pour l’effet de serre à 100 ans, par exemple, un kilogramme de ce gaz
équivaut à 22 tonnes de gaz carbonique, c’est-à-dire plus que l’émission
annuelle de trois Français ! Les quantités se comptent en centaines de
tonnes pour le moment (100 t/an en France), mais elles sont en forte croissance.
Les émission de gaz à effet de serre se mesurent en
kilogrammes équivalent carbone.
Gaz |
Formule |
Kg équivalent carbone d’un kilogramme de gaz |
Dioxyde de carbone |
CO2 |
0.273 |
Méthane |
CH4 |
6.27 |
Protoxyde d’azote |
N2O |
81 |
Perfluorocarbures |
CnF2n+2 |
1555 à 3245 |
Hexafluorure de soufre |
SF6 |
6055 |
Equivalent carbone des gaz à effet de serre (page 75).
Le diagramme de la page 75 nous montre que le CO2 originaire des combustibles fossiles représente un peu plus de 50% de nos émissions de gaz à effet de serre. Réduire ce poste nous demandera des efforts énormes et il n’est même pas certain que ce soit suffisant.
Les aérosols : la pollution locale contre l’effet de
serre. (page 76)
Les aérosols sont une suspension dans l’air de
gouttelettes ou de poussières. Ils ont pour effet de refroidir le sol car ils
sont un masque à la lumière du soleil. Nos activités modernes émettent à la
fois des aérosols (suie, cendre volante) proprement dits et des précurseurs d’aérosols
(comme le SO2 qui se transforme ultérieurement en sulfate (solide)
et les oxydes d’azote qui se transformeront en nitrate).
Les aérosols ont des effets antagonistes sur le
climat : les particules noires absorbent le rayonnement solaire
(réchauffent), alors que les blanches le réfléchissent (refroidissent).
Certains aérosols peuvent accélérer la formation de nuage. Les nuages bas
(cumulus) refroidissent alors que les nuages hauts (cirrus) réchauffent.
Les aérosols ont une particularité : ils ne s’accumulent
pas dans l’atmosphère et n’influencent le climat que localement (aussi bien
dans le temps que dans l’espace).
Les aérosols émis massivement pendant les Trente Glorieuses
expliquent la baisse relative des températures entre 1940 et 1970. Depuis 1970,
la baisse des émissions d’aérosols permet aux gaz à effet de serre de
contribuer au réchauffement du climat.
L’avenir du futur. (retour au sommaire)
Qu’est-ce qu’un modèle ? (page 80)
Un modèle est un logiciel qui traduit en langage
informatique les équations de la physique et de la chimie qui régissent les
principales composantes de la machinerie climatique. L’auteur rentre dans le
détail du fonctionnement d’un modèle. Nous y voyons que les modèles ont des
limites qui sont liées aux connaissances scientifiques du moment.
Peut-on faire confiance aux modèles ? (page 85)
Les modèles présentent des sources d’erreur mais il est
remarquable que la quinzaine de modèles actuellement en service de par le monde
donnent tous des résultats qualitatifs convergents. Aucun modèle n’a encore
jamais abouti à la conclusion que la Terre pourrait ne pas se réchauffer en
réponse aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre.
Qu’allons-nous devenir ? (retour au sommaire)
La fin des pulls en hiver ? (page 86)
Le rapport d’évaluation du GIEC de 2001 donne une
fourchette de réchauffement allant de 1.5 à 5.8°C à l’horizon d’un
siècle. La plus petite des valeurs correspond à un scénario
« développement durable » avec une réduction significative des
émissions de gaz à effet de serre. La plus haute valeur correspond à un
scénario « poursuite de la tendance actuelle ».
Ce qu’il faut comprendre également, c’est qu’une
élévation de la moyenne des températures de 4°C en 2100 peut n’être qu’une
étape vers une hausse de 8°C en 2300.
Le scénario catastrophe ne se distingue alors pas beaucoup de la voie que nous suivons actuellement : il commence par une consommation sans cesse croissante de combustibles fossiles, puis se prolonge avec une nature qui « prend le relais » pour devenir à son tour émettrice nette de gaz carbonique, et personne ne peut évaluer l’élévation de température à terme qui pourrait découler d’un tel enchaînement.
Le réchauffement sera plus prononcé vers le pôle Nord, et on verra que la température augmentera plus vite la nuit que le jour, et l’hiver que l’été. Cependant les évolutions régionales seront très loin d’être homogènes, en partie à cause des courants marins.
Une autre notion importante qui suscite débat est la variabilité, qui mesure la fréquence et l’importance des écarts à la moyenne. Il semble qu’au cours des glaciations, la variabilité est maximale. La tendance actuelle verrait une baisse de cette variabilité.
Le climat a-t-il commencé à se réchauffer de notre
fait ?
Si elle n’est pas encore certaine, la marque de l’homme,
via ses émissions de gaz à effet de serre, sur l’évolution récente des
températures, constitue la cause la plus probable.
Parapluies ou ombrelles ? (page 94)
Un climat globalement plus chaud engendrera plus de
précipitations, mais ne préjuge pas de leur répartition. Il est vraisemblable
que les précipitations seront souvent plus mal réparties sur l’année. Moins
d’eau en été et davantage en hiver.
Et si tout cela était une chimère… (page 95)
Ne pourrait-il pas exister un phénomène amortisseur du
réchauffement climatique ? La réponse se trouve dans les glaces de l’Antarctique.
Les analyses faites montrent que, sur 400 000 ans il y a une évolution
parallèle parfaite entre températures et concentration des principaux gaz
naturels à effet de serre (CO2 et CH4).
Deuxième partie
Risques réels ou craintes excessives
Un ouragan par hiver ? (retour
au sommaire)
Qu’est-ce qu’un risque ? (page 99)
Le climat de la Terre dépend d’un grand nombre de
processus qui comportent des seuils dans leurs réponses aux perturbations. Si
on dépasse un seuil, il peut se produire une brusque et/ou considérable
augmentation de l’ampleur des conséquences. C’est la « distance au
seuil » - souvent très mal appréciée – qui peut servir à estimer le
danger, et la marge de manoeuvre dont nous disposons pour réagir.
Pour comprendre les conséquences sur le vivant du
réchauffement climatique, il faut analyser la résistance interne du système
ou de l’être vivant qui le subit. Une diminution de moitié du rendement de l’agriculture
n’est pas un « risque » majeur pour la France, mais pourrait être
qualifié comme tel en Inde ou en Chine. Enfin, la résistance interne d’un
système n’est pas figée. Dans 50 ans, nos sociétés ne sont pas à l’abri
d’un affaiblissement de nos résistances provoqué par la fin de l’énergie
abondante ou la montée de l’individualisme interdisant les mesures
préventives ou curatives rapides à l’échelle à laquelle elles seraient
nécessaires. Seule la clairvoyance peut nous permettre d’élaborer des
mesures préventives adaptées.
Le vent soufflera-t-il trois fois ?
Aucun modèle climatique ne peut prévoir la survenue plus
fréquente de tempêtes. Ceci est lié à l’insuffisance de la puissance
informatique disponible qui nous permettrait de réduire les mailles sur
lesquelles travaillent les modèles climatiques.
Cependant, l’augmentation de la différence de pression
entre les Açores et l’Islande est corrélée avec le nombre de jours
fortement ventés et/ou pluvieux. Les chances de survenue d’ouragans en France
sont donc plus grandes. Cette hypothèse ne pourra se vérifier que si d’autres
tempêtes surviennent, ce qui signifie qu’il sera trop tard.
La vulnérabilité de la végétation et des écosystèmes continentaux
Restera-t-il des forêts ? (page 105)
La végétation est beaucoup plus sensible à la
pluviométrie qu’à une variation de la température. Un climat chaud et
humide favorisera la prolifération de micro-organismes pathogènes des plantes.
Un climat trop humide peut aussi favoriser l’altération des sols avec les
orages violents. L’absence d’hiver condamne la germination de certaines
plantes (céréales et arbres fruitiers) et permet aux insectes ravageurs de
proliférer. Enfin un changement climatique augmente la vulnérabilité de la
végétation à une agression humaine (exemple: les incendies sont favorisés en
cas de sécheresse estivale).
Deux déterminants majeurs vont nous permettre de savoir si un écosystème va résister à un changement d’aire favorable :
La vitesse de déplacement de cette aire.
La vitesse maximale d’essaimage des espèces qui en font partie.
En supposant un réchauffement moyen de 3°C en un siècle, on pourrait observer un déplacement des aires favorables de 500 km vers le nord, ce qui est trop rapide pour la majorité des arbres de haute futaie. De plus la fragmentation de l’habitat naturel due à l’action de l’homme rendra difficile la migration des espèces.
Est-ce que le réchauffement climatique sera propice aux
implantations humaines sur certaines aires actuellement gelées ?
Un certain nombre d’arguments plaident pour une réponse
négative.
La brutalité du réchauffement déstabilisera l’environnement naturel local.
L’élévation de la température sera plus grande l’hiver, ce qui n’a aucun effet positif sur les cultures.
Le dégel du pergélisol créera de vastes marécages difficiles à transformer en terres agricoles.
Les plantes ne seront pas les seules à souffrir, les animaux subiront les effets du changement climatique à cause de la disparition de l’habitat.
De meilleurs rendements agricoles ? (page 108)
Un gaz carbonique plus abondant dans l’air engendre des
impacts contrastés, mais globalement positifs sur la plante. Les plantes
agricoles restent vulnérables à certains désordres climatiques tels que les
gelées tardives, les sécheresses, ou les ravageurs. L’homme peut intervenir
sur ces désagrément au prix d’autres impacts sur l’environnement
(pesticide, irrigation…). En outre les cultures des pays développés sont
performantes dans un créneau de conditions climatiques bien précis. Si l’on
en sort, les rendements peuvent diminuer très vite.
L’inconnue de la variabilité (page 110)
Pour qu’une espèce végétale puisse survivre, il faut que
la variabilité ne soit pas trop forte. Les valeurs extrêmes (tempêtes,
sécheresses…) représentent le risque majeur pour les végétaux.
Malheureusement, les modèles climatiques ne sont pas très prolixes sur ce
paramètre.
Palavas (sous) les flots ? (retour au sommaire)
La petite mer qui monte, qui monte… (page 111)
La simple dilatation de l’eau océanique sous l’effet de
la chaleur garantit une élévation minimale du niveau moyen de la mer, avec des
disparités locales. Le niveau de la mer monte d’une fraction de centimètre
par an. Cette montée va se poursuivre pendant plusieurs siècles car l’océan
est caractérisé par une forte inertie. La fonte des glaciers et de la calotte
glaciaire polaire participera à l’élévation du niveau des mers, mais il
semble que cette contribution soit mineure dans le siècle à venir. L’élévation
de la température océanique aura un effet nuisible sur la vie des coraux et
sur les ressources halieutiques côtières, qui fournissent aujourd’hui l’essentiel
des protéines aux habitants des pays chauds.
Circulez ! (page 114)
Le fonctionnement même de l’océan pourrait être
fortement modifié par un réchauffement planétaire.
Jean-Marc Jancovici explique le fonctionnement des courants
marins. On apprend que le Gulf Stream pourrait s’atténuer voir disparaître,
ce qui aurait comme effet paradoxal du réchauffement climatique de refroidir
l'Europe.
L’affaiblissement de la circulation océanique aura un
effet important sur le cycle du carbone. Les océans perdraient leur capacité
à stocker le carbone contenu dans les coquilles des animaux marins. Le pire des
scénarios serait une stratification de l’océan qui apparaîtrait aux
environs de 1000 ppmv de CO2 dans l’air. L’océan aurait alors cessé d’être
un puits. En parallèle, l’affaiblissement des courants mettrait en péril
toute la chaîne alimentaire des milieux marins du large, en empêchant les sels
minéraux de monter dans les eaux de surface riches en plancton.
Surprise ! (page 118)
Dans le passé, durant la dernière période glaciaire, des
variations climatiques brutales sont survenues probablement à cause d’une
gigantesque débâcle glaciaire.
Un phénomène analogue, basé sur de fortes précipitations
sur l’atlantique nord pourrait modifier et aggraver le changement climatique.
L’ozone et son « trou » (retour au sommaire)
L’ozone (O3) est présent à toutes les
altitudes, avec un maximum absolu très net entre 20 et 25 km, mais aussi un
petit maximum secondaire au voisinage du sol.
L’atmosphère comporte deux couches (la troposphère (8 à
15 km) et la stratosphère (jusqu’à 50 km)) séparée par un phénomène bien
précis : l’inversion de l’évolution des températures, qui se relie
précisément à la présence d’ozone. Dans la troposphère, la température
diminue avec l’altitude car l’air est chauffé par le sol. Dans la
stratosphère, la température augmente car l’ozone en absorbant les
ultraviolets réchauffe la haute atmosphère. Ceci est capital car cette
inversion des températures empêche les nuages de monter dans la stratosphère,
ce qui finirait par assécher la Terre.
L’ozone stratosphérique se forme à partir de l’oxygène
de l’air sous l’effet des ultraviolets. Il se détruit par le chlore
atomique dégagé sous forme de gaz chloré par les algues marines, et aussi par
les CFC émis par l’homme. La destruction de l’ozone est brutale et massive
au-dessus de l’Antarctique, lorsque survient le printemps austral (en octobre)
car trois facteurs de destruction de l’ozone se retrouvent :
Une très basse température dans la stratosphère polaire (liée à l’hiver austral).
La présence de nuages stratosphériques vecteurs de CFC qui permettent l’accumulation des gaz chlorés au-dessus du pôle.
Lorsque survient le printemps et donc la réapparition du soleil, tout le chlore présent est dissocié sous forme atomique par le rayonnement ultraviolet, et s’attaque immédiatement à l’ozone environnant, dont la quasi-totalité disparaît en quelques semaines au-dessus de certaines zones de l’Antarctique. C’est le trou de la couche d’ozone.
Un réchauffement de la troposphère va entraîner un refroidissement de la stratosphère, et donc une accélération de la destruction de l’ozone stratosphérique. Expliqué "avec les mains", on pourrait dire que si le rayonnement du sol est "bloqué" dans les basses couches de l'atmosphère il est moins disponible pour chauffer les hautes couches, donc la stratosphère.
Malgré le protocole de Montréal (1987) interdisant l’émission
des CFC, on observe que la quantité de chlore qui diffuse dans la stratosphère
est importante et durable.
Ainsi, le réchauffement climatique va refroidir la
stratosphère, ce qui accélérera la destruction de l’ozone liée aux CFC
émis par l’homme. Les rayons ultraviolets ne seront plus interceptés par l’ozone,
ils parviendront jusqu’au sol et participeront au réchauffement des basses
couches de l’atmosphère.
Moins facile à apprécier, mais pas nécessairement plus rassurant.
Tous malades ? (page 126)
Le réchauffement climatique va étendre la zone de
prolifération des micro-organismes pathogènes. Le regroupement massif des
hommes dans les villes peut favoriser les épidémies. Le transport aérien peut
diffuser une maladie à travers le monde. Bref les hommes ont beaucoup à
craindre de l’évolution de leur mode de vie et du climat.
Vers la troisième guerre mondiale ? (page 129)
Les modifications climatiques vont amener de nombreuses
populations à se déplacer vers des régions plus hospitalières et
certainement déjà habitées. Cette situation risque d’entraîner des
conflits d’autant plus qu’elle sera accompagnée d’une raréfaction de l’énergie
et des ressources. L’histoire nous a hélas déjà montré que, lorsque les
circonstances se dégradent suffisamment, la raison, contrairement à l’énergie,
ne se conserve pas toujours…
Combien de temps avant les éventuels ennuis ? (page
131)
Nous n’avons pas de visibilité chronologique précise,
mais nous pouvons être sur que « laisser l’évolution actuelle se
poursuivre nous amènera de gros ennuis ».
Combien ça coûte ? (retour au sommaire)
Jean-Marc Jancovici s’interroge sur les conséquences
économiques et financières du changement climatique.
En prenant l’exemple d’une machine à laver, il nous
montre qu’il est facile d’expliquer comment elle vaut 500 euros par exemple,
mais qu’il est difficile de dire pourquoi. Qui fixe ce prix ?
La loi économique n’est le fait que des hommes, elle n’a
rien d’universel dans la nature, et surtout ne s’intéresse pas au long
terme. Jean-Marc Jancovici expose quelques conventions de l’économie :
L’économie ne prend en compte que ce qui s’échange par la main de l’homme (ceci rendra hasardeux de monétariser les conséquences d’un dérèglement climatique).
L’économie de marché : le prix d’un même bien, fabriqué de la même manière, par les mêmes individus, peut varier en fonction de l’offre et de la demande.
La théorie économique ne connaît que des phénomènes parfaitement réversibles, ce qui viole la deuxième loi de la thermodynamique.
Disposer d’un bien dans le futur vaut moins cher que d’en disposer tout de suite. C’est sur ce principe que sont basés les taux d’intérêt et les taux d’actualisation. (Ce dernier principe économique rend impossible l’évaluation du coût des ressources pour les longues échéances)
A la question : combien, au maximum, est-ce que les
conséquences du réchauffement peuvent nous coûter ? Jean-Marc Jancovici
répond que ce coût pourrait être infini.
Ensuite, « Combien cela coûte de diminuer les
émissions de gaz à effet de serre ? ». Tout dépend des conventions
que l’on fixe.
L’économie désigne aussi les acteurs responsables des
activités productives de l’homme. Certaines activités sont polluantes, d’autres
moins. Un choix sera à effectuer. On identifie bien les perdants mais moins
bien les gagnants de cette adaptation à la lutte contre les émissions de gaz
à effet de serre.
Les choix ultimes sont matériels, sentimentaux, éthiques,
sociaux et politiques ; mais pas économiques, puisque l’économie ne
fait qu’appliquer la traduction des choix précédents.
Depuis que l’homme a vaincu la faim, la maladie, le froid,
et les prédateurs, nous n’avons plus d’objectif tout désigné par une
contrainte forte, et une large fraction de notre activité moderne est
finalement une manière que nous avons choisie de « passer le
temps ».
Troisième partie
Qui est responsable ?
Qui émet quoi ? (retour au sommaire)
Où est le gazomètre ? (page 145)
Les cas de figure où ces émissions sont mesurées
directement sont rarissimes, à cause de leur nombre et de la multiplicité des
sources.
Pour connaître les émissions de CO2, il suffit
de connaître le poids de carbone de l’hydrocarbure et les réactions
chimiques qui interviennent.
Combustible |
Kg de CO2 |
Kg équivalent carbone |
Essence |
3070 |
837 |
Tableau représentant les émissions d’équivalent carbone par unité de poids découlant de la combustion de divers carburants. (page 146)
La France consomme à peu près 90 millions de tonnes de
pétrole par an, ce qui représente 75 millions de tonnes équivalent carbone
par an.
Les émissions de certains procédés industriels sont
aisées à appréhender, comme la production d’acier et de ciment. Les
émissions liées à la déforestation et au changement d’usage des sols sont
beaucoup plus difficile à mesurer. Ces émissions sont d’une moindre
importance dans les pays développés car l’essor de l’agriculture
accompagné de la déforestation s’est arrêté depuis plus d’un siècle.
Les émissions de protoxyde d’azote proviennent
essentiellement de l’usage des engrais azotés en agriculture. En France 2.5%
de l’azote contenu dans les engrais se transformera en protoxyde dans les
quelques semaines suivant l’épandage.
Concernant le méthane, on qualifie bien les émissions
provenant des ruminants, par contre on connaît mal les émissions des
décharges, des feux de brousse et des fuites des mines de charbon.
Enfin les émissions des halocarbures proviennent des
fabricants de chaînes du froid, des producteurs d’aluminium, des fondeurs de
composants microélectroniques, des producteurs de mousses synthétiques, des
fabricants de composants pour le transport et la distribution d’électricité ;
et les fabricants de doubles vitrages.
La mesure des émissions d’ozone est impossible.
Pour réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre, il faut tenir compte des puits. En France, l’exploitation forestière contrebalance environ 20% des émissions nationales : c’est loin d’être négligeable.
Toujours plus d’émissions ? (page 150)
Les émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de
serre s’élèvent actuellement à 14 giga tonnes équivalent carbone par an,
dont 6.2 Gt pour le seul gaz carbonique provenant de la consommation de
combustibles fossiles. 1 à 2 Gt proviennent de la déforestation et de l’industrie
cimentière. Pour produire du ciment, on chauffe le calcaire, ce qui émet du CO2.
Toutes les énergies poursuivent leur croissance (schéma page 151). Depuis 50
ans, les émissions annuelles ont été multipliées par quatre !
Sommes-nous pour autant quatre fois plus heureux que nos grands-parents ?
La consommation par habitant et par an a aussi fortement
augmenté durant le dernier siècle, passant de 0.2 à 1.5 tonne équivalent
pétrole en moyenne mondiale. Ce qui reste très en deçà de ce que consomme un
Américain (7 à 8 Tep/an) ou même un Européen (3 à 4 Tep/an). Tant que le
mode de vie occidental restera le modèle que la planète veut imiter, les
émissions de gaz à effet de serre ne feront qu’augmenter. Si nous entendons
que notre civilisation dure encore quelques générations, sans ennuis majeurs,
nous avons peut-être tord de nous réjouir des succès à l’exportation de
notre industrie, visant à appliquer aux Chinois notre mode de vie et non l’inverse.
Les Etats Unis émettent annuellement 25% du gaz carbonique mondial, et 15% de tous les gaz à effet de serre. Depuis le début du siècle, les Etats Unis sont à l’origine de 30 à 40% des émissions mondiales cumulées de gaz carbonique fossile.
|
Des émissions, pour quels usages ? (retour au sommaire)
L’intérêt de répondre à cette question est d’identifier
les émissions que nous pourrions réduire. Actuellement, on classe les
émissions par secteur d’activité. Il peut être intéressant de donner un
« contenu en gaz à effet de serre » d’un produit ou d’un
service, ce qui oblige à prendre en compte tout ce qui a concouru à sa
production.
Par exemple : il y a du CO2 fossile dans les
fraises, en mars, quand elles ont poussé sous serre chauffée au fioul, sont
venues transportées par camion, et sont contenues dans une barquette en
plastique qu’il a bien fallu fabriquer.
Les transports ne représentent que 24% des émissions mondiales de CO2 fossile. La première source correspond à la production d’énergie (38%) et la seconde à l’industrie (25%). Cette hiérarchie sera largement susceptible de varier selon les gaz pris en compte, les différents pays, et l’époque.
La « production » d ‘énergie (page 159)
(préférer la « conversion » ou la « mise
à disposition » de, que le terme « production » )
Dans ce poste, on compte le raffinage des combustibles
fossiles. Il faut extraire 1.25 tonne de pétrole, pour disposer d’une tonne
de carburant utilisable.
Ce pourcentage de 20% de consommation de filière peut monter
à beaucoup plus dans deux cas de figure :
Lorsque les réservoirs de pétrole s’épuisent.
Pour l’exploitation des pétroles dits non conventionnels.
Le charbon n’échappe pas à cette dépense d’énergie, il faut extraire le charbon, et le transporter. Actuellement, plus de 50% du coût du charbon commercial provient du transport !!
La combustion des énergies fossiles émet du CO2 en quantité variable selon les combustibles.
Combustible |
Kg équivalent carbone émis |
Gaz naturel |
651 |
Tableau présenté page 160.
Le charbon est le pire émetteur de gaz à effet de serre, et
c’est la ressource la plus abondante des pays en voie de développement. Si
nous voulons qu’ils utilisent autre chose, il faudra les y aider !
Dans le poste « conversion » d’énergie, on
trouve aussi la production d’électricité qui provient à 75% des
combustibles fossiles. (50% pour le charbon ! !)
Energie primaire utilisée |
Emissions en grammes équivalent carbone par kWh électrique |
Charbon |
250 |
Tableau présenté page 161.
Le nucléaire ou l’éolien sont crédités d’un contenu
en carbone car il a fallu construire la centrale, l’éolienne ; et aussi
l’entretenir.
En fonction des sources d’énergie utilisées au départ,
les pays ont des émissions différentes de CO2/kWh produit. La
France et la Suède ont les émissions les plus basses, alors que la Grèce ou
le Danemark ont les émissions les plus hautes. Le charbon ou le nucléaire,
tels sont les choix qui seront discutés à la page 230 !
Industrie (page 163)
Ce poste se compose de deux ensembles :
La production de matériaux de base (verre, acier…) et de produits intermédiaires (pièces semi-usinées, boulons…). (80% des émissions)
Les activités manufacturières produisant des biens de consommation (20% des émissions).
Le problème de ce poste est que nous sommes obligés de
déborder sur le secteur de l’énergie et des transports ; si nous
voulons comptabiliser les émissions d’un produit.
D’un pays à l’autre, les chiffres peuvent changer.
Matériau |
Emissions de gaz à effet de serre |
Acier issu de minerai |
870 |
L’intérêt du recyclage des métaux apparaît nettement (tableau page 164).
Un produit manufacturé mis à disposition du consommateur
pèse de une à deux fois son poids (emballages inclus) en équivalent carbone.
Ce rapport est beaucoup plus élevé pour les produits à forte valeur ajoutée
par unité de poids.
Pour construire une maison, il faut émettre à peu près 120
kg d’équivalent carbone par mètre carré de surface (transport et
fabrication des matériaux).
Transports (page 165)
On attribue aux transports une part excessive de nos
émissions de gaz à effet de serre, alors qu’ils sont le deuxième poste
derrière l’agriculture. La pollution liée aux transports est plus le fait de
la congestion des zones urbaines, du stress et du bruit dont ils sont
responsables.
Cependant, c’est le secteur où les émissions augmentent
le plus rapidement. Cette évolution (toujours plus vite, toujours plus gros)
est incompatible avec une maîtrise de nos émissions.
Mode de transport |
Grammes équivalent pétrole par passager.km |
Bicyclette |
1.5 |
Consommation d’énergie par passager et par kilomètre pour quelques modes de transport, en gramme équivalent pétrole. (graphique page 167)
remarques :
Les émissions des trains électriques sont largement fonction de la manière dont on produit l’électricité.
L’aviation émet partiellement dans la stratosphère, ce qui perturbe d’autres cycles que celui du carbone, mais contribue d’une manière non négligeable au réchauffement climatique. Les émissions totales des avions représentent deux fois ce qui provient de leur seul gaz carbonique.
Les transports terrestres deviennent des sources d’émission d’halocarbures à cause de la généralisation de la climatisation.
Pour hiérarchiser les différents modes de transport, il est souhaitable de tenir compte :
des émissions de fabrication du véhicule,
des émissions de production et de distribution du carburant,
des émissions de fabrication des infrastructures.
Le train électrique Français ou Suisse reste le moyen de
transport le plus propre, avec le vélo ! ! L’avion et la voiture
sont les plus polluants.
Le transport de marchandises conserve une hiérarchie
identique. Entre un kilogramme de courrier Paris – Marseille voyageant par
train de nuit et un kilogramme de courrier Paris – Marseille en Chronopost
(Avion), il y a un facteur 300 de différence quant au « contenu en gaz à
effet de serre ».
Devant ces chiffres, pourrions-nous tous remonter en train,
tout en conservant une mobilité équivalente ? En France, hélas non, la
capacité inemployée des trains est de 200 milliards de passagers.km par an
(leur capacité totale est de 300 milliards), alors que le trafic automobile
annuel représente désormais 700 milliards de passagers.km.
Pourrions-nous remplacer toutes les voitures par des trains ? (décembre 2003)
Résidentiel et tertiaire. (page 172)
A la quatrième place du classement mondial, nous allons
trouver le confort thermique des bâtiments. (chauffage, eau chaude et
climatisation)
Concernant le chauffage, il faut savoir que l’hiver, EDF
met en route des centrales à charbon, ce qui augmente les émissions de gaz à
effet de serre. La comparaison entre le chauffage au fioul, au gaz et à l’électricité
montre que, si l’intérêt de l’électricité pour le chauffage peut se
discuter en France, en revanche il n’existe pas dans les pays faisant leur
électricité essentiellement au charbon et au gaz.
Agriculture et sylviculture (page 174)
L’agriculture en France est le plus gros émetteur de gaz
à effet de serre, mais pas sous forme de CO2 (11%). Elle émet l’essentiel
du protoxyde d’azote (69% des émissions) provenant de l’utilisation des
engrais, et du méthane (63% des émissions) provenant des ruminants. 50% de la
dépense énergétique à l’hectare des cultures provient de la fabrication
des engrais (qui sont pour l’essentiel produits à partir de gaz naturel) et
des pesticides.
La production de viande engendre des émissions très
significatives de gaz à effet de serre : manger un steak d’un demi kilo,
ou parcourir 50 km en petite voiture, c’est à peu près équivalent !
La sylviculture peut être considérée comme un puit si le
stock de carbone inclus dans le bois n’est pas réinjecté dans l’atmosphère,
et si la forêt en croissance pousse à la place d’une terre agricole.
Changements d’usage des sols (page 177)
L’acte qui consiste à défricher une forêt pour cultiver
les terres ainsi rendues disponibles conduit à des émissions de CO2.
Ce largage provient d’une exposition accrue du carbone du sol à l’oxygène
de l’air (notamment à cause du labourage). Il s’étale sur de nombreuses
décennies. De plus l’essentiel du bois coupé n’est pas utilisé pour faire
des meubles, mais… brûlé.
L’obtention de terres agricoles ou de pâturages dans les
pays « pauvres » représente de très loin la cause majeure de
déforestation sur la planète (deux tiers des surfaces défrichées). Les
pistes créées pour l’exploitation forestière permettent la pénétration
des paysans qui défricheront les parcelles rendues accessible.
En guise de conclusion… (page 179)
Toutes nos activités émettent des gaz à effet de serre et
aucune d’entres elles n’est responsable de 80% du problème.
Chacun de nos désirs – avoir chaud, se déplacer vite,
manger de la viande, disposer de biens manufacturés – est à l’origine, en
chiffres ronds, d’un quart des émissions anthropiques, et, au sein de chaque
ensemble, il n’est même pas possible d’identifier un coupable évident.
Alors, par où, par quoi ; par qui commencer ?
Quatrième partie
Dans quel monde voulons-nous vivre ?
Doit-on réduire les émissions de gaz à effet de serre ? (retour au sommaire)
Tous nos désirs ont leur contrepartie en termes d’émissions
de gaz à effet de serre. Des marges de manoeuvre techniques existent, mais
elles ne sont pas dans les bons ordres de grandeur pour nous permettre de
continuer à vivre comme maintenant sans perturber le climat, et encore moins d’inciter
le reste de la planète à nous imiter.
Si le bonheur à court terme de la majorité de l’humanité
n’est pas directement proportionnel à son niveau de consommation matérielle,
alors une certaine préservation de l’environnement global est envisageable (
mais tout n’est pas réversible à bref délai, loin s’en faut), au
détriment des volumes consommés. Sinon, il n’y a pas d’espoir à nourrir
concernant notre avenir climatique : celui-ci s’assombrira petit à
petit.
Dans quel monde matériel acceptons-nous, ou désirons-nous,
vivre demain, et quels risques sommes-nous prêts à prendre pour cela ?
Peut-être que, si l’occasion était donnée à la
population mondiale d’exprimer une préférence, ce choix serait tranché
massivement en faveur des éléments de confort et donc pour la prise de risque.
La majorité des militants « pro-climat » que j’ai
pu croiser (il y a quelques notables exceptions) avaient souvent, pour leurs
actes personnels, un comportement parfaitement incompatible avec la
préservation du climat.
Réduire, de combien ? (page 185)
Si nous voulons stabiliser la concentration atmosphérique en
gaz carbonique, il faudra diviser par deux les émissions de 1990, moins de 3 Gt
équivalent carbone par an.
Plus on tarde à revenir à ce niveau, et plus les
concentrations finales sont élevées, avec le risque qu’au-dessus d’un
certain seuil (aux alentours de 700 à 800 ppmv) le phénomène s’emballe de
manière irréversible, sans que nous puissions alors plus rien faire pour le
modérer. Si les émissions mondiales ne sont jamais ramenées sous cette limite
de 3 Gt, alors la concentration en gaz carbonique croîtra indéfiniment aussi
loin que nous puissions le savoir, et les ennuis seront certains.
3 Gt équivalent carbone tout au plus équitablement
répartis entre les six milliards d’habitants de la planète, cela fait donc
500 kg équivalent carbone au plus par personne et par an (pour le seul gaz
carbonique).
Cela représentait en 1998, un quart des émissions d’un
Français, 10% des émissions d’un Américain et 20 fois celles d’un
habitant de l’Afrique noire ou du Népal.
Avec nos technologies en usage, nous avons émis 500 kg équivalent carbone dès que nous avons :
consommé 2500 kWh en Angleterre et 22000 kWh en France,
acheté de 50 à 500 kg de produits manufacturés,
utilisé 2 tonnes de béton (une maison de 100 m² en nécessite 17),
conduit 5000 km en zone urbaine en petite voiture,
consommé 1000 m3 de gaz naturel (quelques mois de chauffage),
fait un aller – retour de Paris à New York en avion.
Si on tient compte de tous les gaz à effet de serre, nous avons émis 500 kg équivalent carbone dès que nous avons :
manger 70 kg de boeuf,
consommer 3000 l de lait,
aller (sans revenir) de Paris à New York.
En conclusion : stabiliser les concentrations requiert
qu’un habitant des pays « pauvres » n’augmente pas sa
consommation d’énergie fossile à l’avenir, voire la diminue déjà, et que
les habitants des pays riches « sortent du fossile » le plus vite
possible.
Il faut être conscient que le droit à tout pour tout le
monde n’est pas compatible avec la maîtrise des émissions de gaz à effet de
serre. L’équité, c’est-à-dire le droit à la même chose pour tout le
monde n’est pas compatible avec la maîtrise des émissions de gaz à effet de
serre si « la même chose pour tout le monde » est largement
émetteur de gaz à effet de serre.
Tout cela est une affaire de choix : soit nous
organisons intelligemment une décroissance matérielle dès maintenant, soit
nous attendons qu’elle se répartisse d’elle-même, dans de moins bonnes
conditions, plus tard.
La pauvreté est une notion relative. Le moindre ouvrier
occidental d’aujourd’hui vit dans des conditions matérielles bien
meilleures que celles d’un comte ou d’un duc du Moyen Age.
Un Indien de l’an 2000, avec ses maigres 300 ou 400 dollars
de PNB par habitant et par an, a une espérance de vie à la naissance bien
supérieure à celle d’un Français de 1900 et accès à considérablement
plus de services. En revanche, un habitant des pays pauvres est probablement
bien plus frustré que nos arrière-grands-parents, qui n’étaient pas
abreuvés en permanence d’images venant de l’extérieur leur décrivant des
conditions matérielles présentées comme plus enviables que les leurs. L’un
des plus grands ennemis de la lutte contre le changement climatique est
peut-être la publicité !
Si nous souhaitons réellement éviter un dérèglement climatique, la voie d’avenir est bien que les Occidentaux baissent leurs émissions jusqu’à celles des Indiens, non l’inverse.
A combien d'énergie fossile avons nous droit si l'on veut stabiliser la perturbation du climat ? (octobre 2000)
Négociations internationales et instruments de régulation (retour au sommaire)
Ce fameux protocole de Kyoto… (page 191)
La convention Climat a été signée en juin 1992 à Rio. C’est
surtout une déclaration d’intention, dont l’objectif est de stabiliser les
gaz à effet de serre à deux fois leur concentration préindustrielle. Les pays
signataires ont l’obligation de se réunir périodiquement dans des
Conférence of the parties, ou COP. Le protocole de Kyoto correspond au COP3 et
a été signé par seulement 84 signataires de la convention Climat. Les
objectifs de Kyoto sont modestes : ramener les émissions de CO2
à 5.8% en dessous du niveau de 1990 , au cours de la période 2008-2012.
Mais cela est déjà énorme vu la croissance actuelle de nos émissions.
Kyoto est un véritable défi lancé à la société de
consommation. Il propose la décroissance des émissions. Les objectifs de Kyoto
ne seront probablement pas atteints.
Fallait-il demander des efforts aux pays en
développement ? (page 195)
Oui, si on regarde les émissions globales par pays et non si
on regarde les émissions par habitant. Comment départager ces deux
opinions Jean-Marc Jancovici souligne que ce qui tire les émissions
des pays « en développement » vers le haut n’est rien d’autre
qu’une aspiration à nous ressembler. Et en plus nous les aidons à nous
ressembler en leur prêtant de l’argent et en leur vendant des Airbus, des
voitures et des plats surgelés. Pouvons-nous, alors, leur demander de réduire
leurs émissions, alors que nous faisons tout pour les aider à les
augmenter ?
Les permis sont-ils diaboliques ? (page 197)
Admettons que le protocole de Kyoto entre en vigueur.
Comment, alors, traduire un objectif national en actes individuels ?
L’état dispose de plusieurs moyens :
Il peut légiférer, réglementer.
Il peut passer des accords négociés avec les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
Enfin il est possible de taxer chaque tonne équivalent carbone émise, en se basant sur les précurseurs.
Ces divers systèmes visent à créer des contraintes, et le débat sur le choix de la contrainte la plus efficace est parfaitement légitime.
Jean-Marc Jancovici explique ensuite le principe des permis
négociables. Les retardataires de la baisse des émissions pourraient acheter,
dans des conditions qui restent à définir, les surplus d’économies des bons
élèves. Cet outil n’a rien d’immoral, c’est un moyen supplémentaire,
utile, pour lisser les disparités afin de faciliter l’atteinte d’un but
collectif. Cet outil ne permettra pas d’exonérer les pays riches d’efforts
de réduction d’émissions, en les transférant sur les pays pauvres car les
transferts ne sont possibles qu’entre des pays ayant pris des engagements de
réduction, sous-entendu des pays riches.
Ce système a bien un certain nombre d’inconvénients, mais
d’ordre pratique et non d’ordre moral. Il faut répartir les objectifs par
secteur d’activité. Jean-Marc Jancovici montre les difficultés que l’on a
avec les permis négociables du protocole de Kyoto. Il ne faut pas en espérer
des miracles.
Vive l’impôt ? (page 202)
Toutes ces difficultés concernant les permis conduisent à
penser que la fiscalité (la taxe carbone) est une meilleure solution, car elle
touche toutes les émissions, sa perception peut se faire de manière très
concentrée et elle évite une discussion sans fin sur les puits.
Mais la taxe présente un handicap : elle suppose un
contexte mondial harmonisé sinon le risque de « dumping fiscal »
sera réel. Les gros émetteurs se délocaliseront dans les pays qui ne taxent
pas les émissions. Un droit de douane fixé en fonction du « contenu en
gaz à effet de serre » permettrait de compenser partiellement cette
faiblesse. Si la fiscalité sur les émissions s’alourdit, les charges
sociales et la TVA peuvent être allégées, afin de garder un niveau de
pression fiscale constant.
Ensuite Jean-Marc Jancovici étudie l’exemple d’une taxe de 1500 euros la tonne équivalent carbone. Ce qui représente une taxe lourde mais qui peut permettre sérieusement un changement comportemental. Voici quelques-uns des effets de cette taxe : le prix de l’essence doublera, il faudra 1300 euros en plus pour aller et revenir à New York en avion, et un ordinateur coûtera entre 500 et 1000 euros en plus.
Le citoyen arbitre ? (page 205)
Les permis négociables de Kyoto et la fiscalité ne sont pas
les seuls moyens pour réduire les émissions. On peut faire appel à la bonne
volonté des citoyens que l’on informerait mieux. Par exemple les sociétés
cotées sur les marchés financiers pourraient avoir l’obligation de publier
leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce « bilan carbone »
pourrait faire intervenir le choix des investisseurs et des consommateurs, qui
influencent les orientations des grandes entreprises. L’étiquetage du contenu
en carbone pourrait être obligatoire et les compteurs (gaz, électricité,
pompes à essence) pourraient mentionner les émissions de gaz à effet de serre
qui découlent de leur emploi.
Sauvés par la technique ? (retour au sommaire)
Faut-il avoir foi dans le progrès ?
L’efficacité énergétique (page 207)
En France, des travaux du Commissariat général au plan ont
mis en évidence que la généralisation des meilleures technologies disponibles
à tous les usages de l’énergie permettrait de diviser par deux les
émissions nationales de gaz carbonique fossile à consommation constante.
Nous tenons donc là une variable d’action d’un ordre de
grandeur en rapport avec le problème, et qui dépend de « la
technique » : l’efficacité énergétique. Toutefois cette
efficacité n’a d’impact que si la consommation matérielle ne tend pas vers
l’infini. Et aussi, la mise en oeuvre d’un plan ambitieux d’économies d’énergie,
débouchant sur une division par deux ou trois de notre consommation, n’est
pas envisageable en moins de quelques décennies, à cause des constantes de
temps qui sont en jeu dans les renouvellements de parcs (le renouvellement du
parc automobile demandera 15 à 20 ans).
Substituer des combustibles fossiles (page 209)
Remplacer le charbon par du gaz pour produire l’électricité
peut permettre de gagner 20% sur les émissions de gaz à effet de serre, mais
il faut que le parc de centrales soit constant or le fait que les centrales
soient plus propres peut contribuer à leur multiplication. De plus, les fuites
de gaz peuvent rendre l’affaire aussi polluante que le charbon.
Le gaz est-il une énergie miracle ? (Avril 2000)
La voiture électrique (page 210)
La voiture électrique pollue exactement comme la centrale
électrique qui a fourni l’électricité, et aujourd’hui 80% de l’électricité
dans le monde est produit à partir du combustible fossile. De plus la voiture
électrique ne change rien au problème de la congestion dans les villes.
Cependant, électrifier le parc de voitures si celui-ci doit
être divisé par trois, utilisé quatre fois moins, composé de véhicules à
faible niveau de puissance, et alimenté avec de l’électricité produite de
manière relativement propre est probablement une voie d’avenir.
La voiture électrique est-elle LA solution aux problèmes de pollution automobile ? (septembre 2000)
Est-ce facile de stocker l'énergie ? (fev 2003)
La pile à combustible (page 211)
L’intérêt de la pile à combustible est qu’elle n’émet
pas de polluants locaux. Cependant la pile à combustible consomme de l’hydrogène
qui aujourd’hui est produit à partir des hydrocarbures. Cette filière
améliore le rendement et diminue les émissions locales, mais ne change pas
fondamentalement les émissions de gaz à effet de serre surtout si on
considère que nous augmenterons le parc automobile mondial (qui est de 600
millions aujourd’hui). On pourrait produire l’hydrogène à partir de l’électrolyse
de l’eau sans recourir aux énergies fossiles, ou produire l’hydrogène avec
des bactéries génétiquement modifiées. Le rendement reste faible surtout si
on regarde le transport et le stockage de ce gaz.
Que peut-on espérer des piles à combustible ? (Janvier 2001)
Ne suffit-il pas d’attendre la fin des combustibles
fossiles ? (page 212)
La disparition des combustibles fossiles, au sein d’un
monde qui n’a pas anticipé cette étape est le plus sûr moyen de déclencher
une conflagration mondiale lorsque poindra la peur de la pénurie à court
terme. Il faut réserver le pétrole pour que les générations futures
disposent de matières plastiques.
La division des réserves énergétiques mondiales(4000 Gtep)
par la consommation annuelle (9 Gtep) laisse penser que nous disposons de quatre
siècle de consommation devant nous. Ce serait oublié deux choses :
La consommation croît sans cesse.
Les réserves « supposées » ont un caractère spéculatif.
Finalement, on estime la fin des réserves prouvées dès
2040, et certains cadres du pétrole parlent d’une relative pénurie dès
2020, voire avant.
En outre, si nous brûlons 4000 Gtep de combustibles fossiles
en un siècle, la concentration atmosphérique en CO2 pourrait monter
à 2000 ppmv, ce qui correspond à un scénario climatique extrêmement noir.
Qu'est-ce qu'une réserve de pétrole ? (mars 2003)
Comment se forme le pétrole ? (mai 2003)
Le piège à c…arbone. (page 215)
Pour piéger le carbone de l’air, nous pouvons planter des
arbres sur des terres de cultures.
Les autres méthodes : injecter du CO2 dans
les poches épuisées d’hydrocarbure, injecter et dissoudre du CO2
dans l’océan profond et favoriser la productivité du phytoplancton pour qu’il
sédimente ; sont incertaines et consomment beaucoup d’énergie.
Vive les énergies renouvelables ? (retour au sommaire)
A part la géothermie, toutes les énergies renouvelables sont des dérivés de l’énergie solaire. Le propre de ces énergies est d’être très diffuse : obtenir de grandes quantités d’énergie suppose souvent de mobiliser de grandes surfaces, et engendre des conflits d’usage.
Pourrions-nous vivre comme maintenant avec juste des renouvelables ? (août 2002)
Éole, au secours ! (page 217)
L’énergie éolienne est une énergie intermittente,
puisque le vent n’est pas constant.
L’observation montre que pour passer de la puissance
maximale d’une éolienne (en watts) à l’énergie fournie sur une année (
en wattheures), il faut multiplier par un coefficient valant 2000 dans la
majorité des cas favorables, à savoir les sites côtiers ou les crêtes de
montagne.
Par ailleurs, la puissance installée par unité de surface d’un
champ d’éoliennes est en première approximation indépendante de la taille
des engins utilisés. Il en résulte que n’importe quel champ d’éoliennes
possède une densité de puissance de l’ordre de 10 MW par kilomètre carré,
et permet de produire annuellement, en zone favorable, 20 GWh par kilomètre
carré. Pour fournir les 350 TWh que la France consommait en 1997, il faudrait
couvrir d’éoliennes 3.5% du territoire métropolitain, sur des sites
favorables. Cette surface est utilisable par l’agriculture car l’éolienne n’occupe
pas plus de 1% de la surface d’un champ. Cependant le coefficient de 2000
heures utiles ne se trouve pas partout et c’est plutôt 5 à 10% du territoire
qu’il faudrait consacrer aux éoliennes, soit la moitié des forêts. Il
faudrait entre 175 000 et 500 000 éoliennes pour produire les 350 TWh de notre
consommation, ce qui représente 5 à 10 fois le nombre de pylônes à haute
tension. Rappelons que le Danemark, champion toutes catégories de l’éolien
dans le monde, n’a produit que 6% de son électricité par ce moyen en 1997,
et qu’il reste un très gros émetteur de gaz à effet de serre. Si nous
décidons de stocker l’énergie pour faire face à l’intermittence du vent,
il faudra multiplier par deux la surface couverte par des éoliennes car le
stockage induit 50% de perte.
Ce qui est choisi aujourd’hui est le couplage des
éoliennes avec des centrales thermiques émettrices de gaz à effet de serre.
Les éoliennes permettent de réduire de 25% les émissions d’un pays qui
produit depuis longtemps son électricité avec le charbon, mais dans un pays
nucléarisé comme la France, l’éolien serait synonyme d’augmentation des
émissions de gaz à effet de serre. L’Allemagne ou le Danemark feraient mieux
de réaliser de sérieuses économies d’énergie et de remplacer leurs
centrales thermiques par des centrales nucléaires pour limiter leurs émissions
de gaz à effet de serre.
Jean-Marc Jancovici imagine qu’il serait intéressant d’utiliser
cette énergie dans des endroits reculés pour produire de l’hydrogène (par
électrolyse de l’eau), mais le rendement serait certainement faible.
Peut-on dire que les énergies renouvelables, c'est essentiellement l'éolien ? (octobre 2003)
Pourrait-on alimenter la France en électricité uniquement avec de l'éolien ? (Février 2001)
Des betteraves dans le réservoir ? (page 222)
Ce chapitre traite des biocarburants obtenus à partir de la
culture de betterave, de colza et de blé. Jean-Marc Jancovici explique que le
rendement net de ces cultures est au mieux de l’ordre de 10% : pour
obtenir 10 tep de biocarburant, il aura fallu en investir 9 dans les dépenses
intermédiaires (engrais, tracteur, distillation et raffinage). Et ces dépenses
sont satisfaites à base de combustibles fossiles : dans un litre de
biocarburant, il y en a aujourd’hui 0.9 de pétrole ! En supposant que
les biocarburants se substituent au pétrole, il faudrait couvrir 2 à 6 fois la
surface de la France ! !
La biomasse peut permettre le chauffage des maisons, mais il
faut se rendre à l’évidence qu’elle ne nous permettra pas de conserver
notre mobilité actuelle.
Remplacer totalement le pétrole par des biocarburants, est-ce possible ? (octobre 2000)
Pourrait-on alimenter la France en électricité uniquement avec du solaire ? Avec de la biomasse ? (Février 2001)
Soleil cherche futur. (page 224)
Le soleil envoie chaque année à la surface de la Terre à
peu près 6000 fois la consommation annuelle mondiale d’énergie. Quels
bénéfices peut-on retirer de l’exploitation directe du flux solaire ?
Produire de l’eau chaude (solaire thermique)
Produire de l’électricité (solaire photovoltaïque)
Le solaire thermique est très intéressant dans les pays de
hautes latitudes car il permet des économies en chauffage domestique réalisé
à partir de combustibles fossiles. Comme l’éolien, le solaire
photovoltaïque est une énergie intermittente qui incite à utiliser les
combustibles fossiles dans les périodes sombres.
La production annuelle d’un panneau solaire photovoltaïque
est de 100 kWh par m² au moins sur la majeure partie de l’Europe, et même du
monde. En terme se surface, le solaire est six fois plus avantageux que l’éolien.
Pour fournir les 350 TWh que nous consommons tous les ans, il faudrait couvrir
une surface de 3500 km². La surface bâtie en France était de 10 000 km² en
1997. Cela signifie qu’en utilisant le tiers de cette surface nous pourrions
répondre à nos besoins. Le rendement du solaire thermique étant 3 à 4 fois
meilleur que celui du photovoltaïque, nous disposons avec ces deux usages d’une
vraie marge de manoeuvre.
Jean-Marc Jancovici fait remarquer que le solaire dispose de deux avantages sur l’éolien :
Le désagrément visuel est bien inférieur.
La production est individuelle, il n’y a pas de perte en réseau, alors que l’éolien reste un mode centralisé.
Le bilan énergétique net est excellent pour le solaire thermique (1 an d’utilisation) et correct pour le solaire photovoltaïque à bas de silicium (7 ans pour une durée de vie de 25 ans au minimum). La technologie dite « des couches minces » pourrait s’amortir en deux ans. Jean-Marc Jancovici rappelle qu’avec le pétrole, il faut dépenser deux ans de production pour en assurer dix. L’avenir du solaire est bien plus lié au progrès des dispositifs de stockage qu’à celui des panneaux. Le couplage solaire / hydrogène semble une voie d’avenir même si le rendement global n’excèdera pas les 30%. La surface de toit disponible reste dans les ordres de grandeurs surtout si on abaisse notre consommation en même temps.
Le solaire présente d’autres handicaps :
Difficulté à concentrer la puissance électrique pour des applications lourdes.
Le silicium actuellement utilisé provient des chutes des industries des semi-conducteurs.
Son prix (qui devrait baisser suffisamment).
Sa diffusion dans la population sera longue.
Le nucléaire civil : le diable ou le salut ? (retour au sommaire)
Jean-Marc Jancovici nous explique que la question du nucléaire est difficile mais qu’elle doit être posée car une certaine hypocrisie règne autour. Le problème est de savoir s’il faut mettre sur un même pied d’égalité les risques du nucléaire civil et les risques d’un changement climatique. Les morts de Tchernobyl sont constamment invoqués à l’appui d’un refus du nucléaire, alors que les futurs morts du changement climatique, qui seront bien plus nombreux, constituent rarement un argument dans le débat.
a ,b ,g
(page 231)
La radioactivité est le nom donné à la désintégration
spontanée d’un atome dont le noyau est instable. De tels noyaux instables se
trouvent naturellement partout. Il existe 3 types de radioactivité : a
,b et g . Ces diverses
émissions vont finir par être arrêtées par le milieu ambiant, ce qui est une
autre manière de dire qu'elles vont transférer leur énergie à ce milieu. Les
particules a sont peu pénétrante mais font beaucoup
de dégâts et les particules g sont très
pénétrante et font peu de dégâts. Les particules b
sont intermédiaires.
Becquerels et Grays (page 232)
Un becquerel correspond à une désintégration atomique par
seconde. Un homme émet naturellement 5000 à 10000 becquerels en permanence. Le
granit en émet 8000 par kilogramme.
Le Gray correspond à l’absorption d’un joule par
kilogramme de matière sous l’effet du rayonnement.
L’irradiation arrache des électrons aux atomes, ce qui
rompt des liaison chimique et endommage des cellules. Les conséquences
déterministes (destruction visible d’un tissu) varient fortement selon l’organe,
la dose, et la nature du rayonnement. Jean-Marc présente un tableau sur les
seuils et quelques effets déterministes. Un homme peut être contaminé par l’extérieur,
l’alimentation et la respiration.
Et voici les Sieverts (page 234)
Les professionnels avaient besoin de disposer d’une unité
de mesure universelle, et ont créé le sievert (Sv), qui mesure la « dose
efficace » dans tous les cas de figure, grâce à diverses pondérations
permettant de prendre en compte les modalités d’exposition et les organes
touchés.
Les études épidémiologiques des survivants d’Hiroshima
et Nagasaki permettent de considérer que pour des doses de plus de 0.2 Sv,
reçues par rayonnement gamma externe, sur le corps entier, avec des débits de
dose très importants (supérieurs à 1 Sv par seconde), il existe une relation
linéaire entre la dose reçue et des conséquences différées sous forme de
cancers. Ces effets sont qualifiés de stochastiques.
En dessous de 0.2 Sv, aucune étude a pu montrer que la
radioactivité avait des conséquences sanitaires dangereuses. A titre d’information,
nous sommes tous exposés à une radioactivité ambiante de 2.4 mSv/an.
Un trajet en avion Paris/New York nous expose à 0.03 mSv, et
un examen radiologique au scanner 10 à 80 mSv.
Cas de cancers mortels = 5% * dose individuelle (en Sv) * individus ayant reçu la dose
L’utilisation de cette règle pour « compter » des morts suite à une irradiation accidentelle qui n’a pas dépassé 200 mSv par individu en moyenne est parfaitement abusive et ne correspond pas à une démarche scientifique acceptable.
AH, Tchernobyl… (page 236)
Le risque que ce genre d’accident se reproduise doit-il
nous dissuader de recourir à jamais au nucléaire civil pour lutter contre les
émissions de gaz à effet de serre ?
Il y a deux catégories de morts :
Les victimes à court terme des effets déterministes. Selon les sources, il y aurait eu entre 31 (Nations unies) et 42 (Institut de protection et de sûreté nucléaire) décès dans cette catégorie.
Les décès dus aux cancers de la thyroïde qui se sont déclarés depuis. 2000 cancers se sont déclarés depuis 1986 et le bilan 2001 s’établit à 10 morts, car ces cancers s’ils sont bien suivis ont un taux de guérison proche de 100%.
Jean-Marc Jancovici démontre ensuite pourquoi il sera très difficile de démontrer que certains cancers pourront être ou non dus à l’accident de Tchernobyl. Parmi les 135 000 personnes les plus touchées, cette règle plafonne les cancers surnuméraires à 800 cas. Or plus de 30 000 individus de cet échantillon mourront de cancer de toute façon, avec une incertitude de plus de 5%. Le surplus à détecter étant de moins de 3%, un éventuel effet stochastique ne sera donc probablement jamais observable.
Jean-Marc Jancovici conclu en pesant chaque mot : « L’accident de Tchernobyl a indiscutablement causé quelques dizaines de morts, et pour le reste il est impossible de caractériser sans équivoque un surcroît de mortalité lié aux conséquences radiologiques de l’accident. »
En France, pour finir, la dose moyenne reçue suite à cet accident a été de 0.01 mSv par individu, soit à peu près ce qui découle d’une semaine de vacances en montagne.
Jean-Marc Jancovici s’intéresse ensuite aux conséquences
sur l’écosystème entourant la centrale. L’atteinte aux écosystèmes
résultant de l’irradiation a été localement indiscutable au moment de l’accident ;
des centaines d’hectares d’arbres ont été grillées. Il faut savoir que la
résistance d’un organisme aux radiations est d’autant plus élevée qu’il
se situe au bas de l’échelle de l’évolution. Tous les cancers qui mettent
plus de 20 ans à se développer constituent des nuisances nulles pour une
espèce dont l’espérance de vie est de 15 ans. Encore plus étonnant, les
environs de Tchernobyl sont maintenant plutôt plus abondamment fournis en faune
sauvage qu’avant l’accident, car le fait que les hommes aient été
évacués des abords de l’ex-centrale a supprimé le premier facteur de
pression pour la vie animale : notre espèce ! L’évacuation du
prédateur universel que nous constituons contrebalance, et bien au-delà, les
dommages engendrés par les radiations supplémentaires.
Les sols contaminés de manière importante par Tchernobyl,
mettront des décennies avant de redevenir cultivables sans précautions
particulières, couvrent plus de 1000 km², et là réside le dommage le plus
significatif à moyen terme de l’accident.
Mais il faut comparer ce chiffre au 200 000 km² d’asphalte
qui nous permettent de rouler en voiture et qui stérilisent les sols pour des
siècles.
Le charbon et le pétrole sont beaucoup plus dangereux que le nucléaire lors de leur exploitation courante selon l’Organisation Mondiale de la Santé.
Enfin, parmi les inconvénients souvent mis en avant figurent
la prolifération des déchets. Eviter la prolifération, c'est-à-dire la
diffusion large d’armes atomiques, est effectivement une action dotée du plus
haut degré de priorité, à laquelle je souscris sans l’ombre d’une
hésitation, mais cela n’interdit pas pour autant l’emploi du nucléaire
civil partout et tout le temps.
Les déchets nucléaires, pour leur part, représentent
actuellement moins d’un kilogramme par an et par individu en France, dont
environ 10 grammes doivent vraiment être traités avec soin, quand l’industrie
française dans son ensemble produit 200 à 400 kg de déchets toxiques par an
et par Français, dont la gestion est très loin d’être aussi surveillée que
celle des déchets nucléaires et l’impact sur l’environnement bien plus
important.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, une nouvelle
menace est apparue : celle d’une tentative de destruction aérienne
volontaire par des terroristes d’une centrale ou d’une installation comme La
Hague. Sachant que la catastrophe de Bhopal a tué 30 000 personnes. L’électronucléaire
ne sera pas la première activité à laquelle nous devrons renoncer si nous les
classons en fonction du nombre de morts qu’une attaque terroriste basée sur l’écrasement
d’un avion pourrait provoquer.
La peste et le choléra ? (page 243)
Les risques du nucléaire et du changement climatique
sont-ils équivalents ? Le buraliste ou le concessionnaire automobile du
coin restent pour le moment bien plus redoutables que les ingénieurs de
Framatome. Jean-Marc Jancovici nous explique pourquoi les écologistes
politiques sont antinucléaires. Cette position est plus un socle culturel qu'un
discours justifié.
Pourrait-on en mettre partout ? (page 244)
Les régimes politiques non démocratiques ou instables sont
les premiers obstacles à une nucléarisation du monde. Les pays éligibles
doivent être des pays possédant déjà l’arme atomique (ce qui annule l’argument
de la prolifération) et les pays possédant un niveau de culture technique
suffisant pour opérer des centrales, qu’ils peuvent déjà posséder. On ne
refait pas l’histoire.
80% de l’électricité mondiale sont produits avec du
charbon et du gaz. Nucléariser 85% de l’électricité mondiale permettrait d’économiser
2 Gt équivalent carbone, alors que nous émettons 2.4 dans le poste
« production d’énergie ».
Le deuxième gros obstacle est la réserve de combustible
nucléaire. Actuellement nous utilisons de l’uranium 235, qui sera épuisé en
quelques décennies si nous augmentons le nombre de centrales. La solution
consisterait à développer les surgénérateurs qui pourrait consommer de l’uranium
238 (très abondant sur terre), du thorium 232 et du plutonium provenant du
démantèlement des armes nucléaires. Nous aurions plusieurs millénaires de
réserves devant nous. La fusion devrait être disponible commercialement à la
fin du siècle.
Jean-Marc Jancovici insiste sur le fait que le nucléaire n’est intéressant que si la consommation d’énergie ne continue pas d’augmenter indéfiniment. Cette technologie ne nous dispense en rien d’une réflexion plus profonde sur la voie que nous entendons suivre par ailleurs concernant la consommation de chaque individu. Le nucléaire civile est donc une brique incontournable pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et il faut noter que ce sera probablement la plus indolore pour le consommateur.
Discussion autour de quelques idées reçues sur le nucléaire civil. (janv 2002)
Le chauffage électrique est-il une horreur écologique ? (sept 2001)
Le nucléaire a-t-il tué les énergies renouvelables ? (juin 2001)
Que serait l’âge d’or ? (retour au sommaire)
Jean-Marc Jancovici imagine un monde où nos émissions de gaz à effet de serre auraient cessé de perturber le climat. Dans ce monde où l’objectif de la croissance matérielle indéfinie aurait cessé de guider nos pas, il nous resterait à trouver un sens à l’existence et cela représente le plus grand défi auquel nous serions confrontés.
Combien d’énergie et quelle énergie ? (page 249)
Nous devons nous passer de tous les combustibles fossiles
(charbon, pétrole et gaz), il nous reste alors le nucléaire, le solaire et la
biomasse comme sources d’énergie significatives, et l’hydroélectricité, l’éolien
et la géothermie comme sources d’énergie d’appoint.
Parallèlement, nous devons réduire notre consommation d’énergie.
A long terme, nous dépendrions essentiellement du nucléaire
civil et du solaire ou de ses dérivés. Outre l'absence d'effet de serre
additionnel, nous en retirerions les avantages suivants :
ressource inépuisable,
compatibilité avec un mode de vie pas très éloigné de celui que nous connaissons,
moins de compétition d’approvisionnement énergétique,
robustesse accrue du système,
complémentarité entre deux sources disposant chacune de son domaine privilégié.
Que perdrions-nous par rapport à maintenant ? (page 251)
La faculté de se déplacer vite, à volonté et pour pas
cher.
Dans un tel monde « vertueux »
subsisteraient :
des moyens non motorisés pour les déplacements de proximité,
le train et le bateau pour les déplacements lointains,
le métro, le bus, quelques voitures partagées et quelques camions en zones urbaines denses ;
des voitures et camionnettes en zones rurales mues par l’air comprimé ou l’hydrogène.
Se passer de voiture au quotidien, est-ce possible ? (Juin 2000)
L’urbanisme actuel
Il est vraisemblable que les « vraies » villes
seraient globalement plus denses que maintenant, car la consommation d’énergie
requise pour le transport évoluant à l’inverse de la densité. Il est
impossible de voir subsister des banlieues dortoirs de centres éloignés.
Le transport aérien démocratique
Les émissions de CO2 dues au seul trafic aérien
international équivalaient en 1992 à celles de la Grande-Bretagne. La
« vertu »énergétique est incompatible avec le maintien du trafic
aérien actuel, dont une très forte diminution (plus proche de 90% que de 5%)
en serait probablement une composante indispensable.
Existe-t-il un tourisme "écolo-vertueux" ? (juin 2004)
Des hypermarchés en périphérie de ville
En 1990, l’Institut National de Recherches et d’Etudes
sur les Transports et leur Sécurité a montré que les hypermarchés de
périphérie étaient deux fois plus consommateurs d’énergie par unité de
chiffre d’affaires que les supermarchés de centre-ville.
Des produits manufacturés abondants et peu chers.
L’industrie et ses services annexes représentent, dans les
pays industrialisés, une grosse moitié de l’énergie consommée. Si on
limite ce secteur, les produits manufacturés verraient leur coût augmenter, la
location et la copropriété se développeraient. La réparation remonterait en
puissance, au détriment du remplacement.
La construction de maisons individuelles peu chères.
Nous n’aurions plus à notre disposition de béton en
grande quantité à des prix abordables, et nous devrions utiliser des
matériaux nécessitant beaucoup plus de main-d’oeuvre.
Des lieux d’habitation vastes, très chauffés en hiver et très climatisés en été.
Beaucoup de viande
Car l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre de
l’agriculture est « contenu » dans la viande. Il faudrait
consommer de la volaille et moins de ruminants. Pour ne pas pénaliser les
éleveurs, il faut payer la viande plus cher.
Pourrions nous tous manger bio ? (Janvier 2001)
Des fraises en février et des lychees en décembre
Les fruits qui ne sont pas de saison ou qui ne poussent pas
sous nos latitudes viennent généralement de loin et/ou sont cultivés sous
serre. Tout ceci consomme beaucoup d’énergie et devrait être limité.
Que gagnerions-nous dans un tel monde ? (page 256)
Un climat non perturbé
Moins de risques de conflit
Une stabilisation de la perturbation climatique impliquant
que les pays « riches » et « pauvres » convergent vers
un niveau de consommation à peu près uniforme, et donc que l’écart entre
pays « développés » et « en voie de développement »
se réduise considérablement, diminuerait certaines tensions par la force des
choses.
Davantage d’emplois ?
Toute machine requiert de l’énergie pour fonctionner.
Celle-ci devenant une ressource plus rare, il est vraisemblable que notre monde
« vertueux » serait plus riche en emplois manuels.
Moins de bruit
Un monde plus sobre sur le plan énergétique et
essentiellement électrique serait très vraisemblablement beaucoup moins
bruyant que notre monde actuel : un vélo fait moins de bruit qu’une
voiture, un train moins de bruit qu’un avion, et une pelle moins de bruit qu’un
marteau piqueur.
Moins de pollution locale
Car une bonne partie des polluants locaux est associée à l’utilisation
de l’énergie fossile.
Moins de congestion.
La congestion provient d’un souhait de déplacement qui
excède la capacité de l’infrastructure. Si les transports deviennent
essentiellement collectifs ou individuels légers, et si la mobilité est
plafonnée une bonne partie de la congestion disparaîtra à population égale,
surtout si dans le même temps les mégalopoles disparaissent.
Pertes ou gains, c’est selon (page 259)
Moins de stress et le « temps de vivre » ?
Davantage de télécommunications ?
Davantage d’exercice physique
Une modification de l’emploi du temps quotidien.
Le retour à l’âge de pierre ? (page 262)
Il est courant de reprocher aux tenants de la sobriété qu’ils
veulent renvoyer l’humanité à l’âge de pierre. En fait, cela n’est plus
possible, car, avec 6 milliards d’habitants sur Terre, les rendements que nous
offre la nature seront souvent insuffisants pour survivre, tout simplement. Les
rendements naturels sont souvent bien inférieurs à ceux des inventions
humaines pour des processus équivalents, et la sobriété nécessite parfois
des techniques sophistiquées plutôt que de laisser faire la nature.
Que signifierait "la vertu énergétique" ? (avril 2001)
Mais que fait le gouvernement ? (retour au sommaire)
Les gouvernants ne peuvent pas imposer la sobriété à des
consommateurs / électeurs qui n’en voudraient pas. Pour sortir du problème,
il faut se tourner vers nous-mêmes. Serions-nous des « drogués du
fossile », inaccessibles au choix d’arrêter de consommer ces
combustibles ?
Jean-Marc Jancovici donne ensuite quelques exemples de
décisions politiques françaises ou européennes qui rendront nécessairement
la tâche plus difficile si la mise en oeuvre d’un objectif de « vertu
énergétique » devient un jour prioritaire.
Libéraliser les marchés de l’électricité toutes choses
égales par ailleurs (page 265)
Cette libéralisation va favoriser la construction de
centrales à base de combustibles fossiles, car elles nécessitent les dépenses
d’investissement les plus faibles, et dont donc les plus vites amorties, ce
qui est essentiel dans un marché concurrentiel. La baisse des prix de l’électricité
ne favorisera pas les économies d’énergie, mais au contraire encouragera la
consommation.
Sortir du nucléaire à brève échéance (et même à moyen
terme) (page 265)
Sortir du nucléaire dans les décennies qui viennent, sans
avoir auparavant réduit notre consommation présente engendrera par la force
des choses un recours accru aux énergies fossiles, donc des émissions en
croissance.
Continuer à construire des infrastructures routières, ou
favoriser la voiture (page 266)
Concernant l’automobile, il n’est pas compatible avec un
souhait de « vertu énergétique » :
D’améliorer l’offre routière et autoroutière.
De faire de l’aide à l’amélioration des voies routières le premier poste des constats de plan Etat-Région .
De baisser la TIPP ou de supprimer la vignette.
De rouvrir le tunnel du Mont blanc sous forme routière.
Comme l’effet de serre n’est pas d’utilité publique, le conseil d’état pourrait déclarer chaque fois qu’il doit statuer sur un recours, que la construction de nouvelles voies routières est de « non-utilité publique » ?
Construire le troisième aéroport parisien (page 269)
Le transport aérien est le mode de transport le plus
gourmand en carburant par personne transportée sur une distance donnée. Le
développement de ce mode de transport est à limiter si l’avenir climatique
nous importe. La même remarque est valable pour le développement du tourisme
international lointain. La visite d’Eurodisney engendre chaque année l’équivalent
des émissions de 600 000 Français.
Faut-il encourager la croissance du trafic aérien ? (juin 2004)
Ne pas réformer la Politique Agricole Commune (page 270)
L’agriculture est le premier poste d’émission de gaz à
effet de serre. La réforme de la PAC doit encourager les baisses des volumes de
production et doit prendre en compte le rôle des agriculteurs dans l’aménagement
du territoire.
Se désintéresser du sort des pays pauvres (page 270)
Il faudrait que les pays riches aident les pays pauvres à se
développer sans passer par l’étape « fossile », ce qui
nécessiterait d’affecter une part très significative de nos impôts à les
aider.
Perpétuer l’idéologie de la croissance (page 271)
Dans un monde fini, durabilité et croissance sont
antinomiques. La « dématérialisation de l’économie » n’a,
jusqu’à présent, en rien fait baisser la production manufacturière en
volume, qui a augmenté sans discontinuer depuis l’avènement de l’industrie.
Chaque hausse est une occasion de célébration dans la
bouche des mêmes personnages (politiques ou journalistes) qui déploreront peu
après telle ou telle évolution négative de l’environnement, sans,
apparemment, avoir fait le rapprochement entre les deux, à de rares exceptions
près.
Vénérer le libre-échange (page 272)
Le libre-échange consiste à supprimer toutes les barrières
douanières entre les pays. En conséquence, il sera difficile d’instaurer un
droit de douane destiné à taxer le « contenu en équivalent
carbone », et les échanges matériels sont encouragés avec toute la
dépense énergétique qu’ils supposent.
Quelques impasses liées à notre "développement" actuel (Août 2000)
En guise de conclusion
Comment sortir de la schizophrénie ? (retour au sommaire)
Jean-Marc Jancovici nous propose un referendum européen avec
une question de fond assez simple : Avons-nous le souhait de faire passer
la préservation de l’environnement global avant toute autre chose, même si
cela nous impose des contraintes fortes à moyen terme, et sommes-nous prêts à
conserver une telle hiérarchie tant que nous serons quelques milliards ?
Le temps nous est compté, et ce referendum serait une
tribune pour expliquer les enjeux de nos émissions sur le climat. Une telle
consultation électorale annoncée longtemps à l’avance donnerait de toute
façon l’occasion de réaliser la plus vaste entreprise de vulgarisation sur
le sujet que l’on puisse souhaiter.
Ce referendum européen nécessiterait des questions claires
qui ne se recoupent pas et qui puissent être rédigées par des citoyens pris
au hasard et que l’on aurait informer le plus largement possible.
Pour davantage de renseignements consultez le site de Jean-Marc Jancovici : http://www.manicore.com