Un débat sur le nucléaire est-il possible ?
Un débat public préalable à la construction d'un nouveau réacteur nucléaire a lieu en ce moment. Une vingtaine de réunions organisées dans l'hexagone sont censées permettre un débat. Pourtant, peut-on parler d'un réel débat ? Les décisions ne sont-elles pas prises d'avance ?
Voici donc ma modeste contribution à ce débat. Je ne suis pas opposé au nucléaire. Je me définis comme un nucléo-tolérant. Cette position mesurée me permet de prendre en compte les arguments des uns et des autres sur un sujet qui ne doit pas rester le domaine réservé des spécialistes.
Selon moi, trois questions doivent être traitées : Peut-on considérer le nucléaire comme éligible pour lutter contre le réchauffement climatique ? A quels usages doit-on réserver le nucléaire pour éviter les risques inutiles ? Et enfin, quel type de filière nucléaire doit-on choisir ?
Pour répondre à la première question, il faut au préalable reconnaître le péril climatique comme étant bien plus grave que le péril nucléaire. Certains opposants au nucléaire en sont hélas encore au négationnisme de l'effet de serre et vont jusqu'à prôner activement un retour massif à l'usage du charbon. Le risque nucléaire reste un risque local (les déchets) voire régional (l'explosion d'une usine) alors que le péril climatique est global et sur des échelles de réversibilité beaucoup plus grandes. Il convient donc de prendre nos responsabilités dans la hiérarchisation des risques entre nucléaire et charbon (même assisté de quelques éoliennes pour la bonne conscience), entre déchets radioactifs confinés et pollution atmosphérique globale.
Ma réponse à cette question explique ma nucléo-tolérance, mais ce n'est pas pour autant que j'accepte que l'on fasse n'importe quoi avec une énergie qui n'est pas exempte de risques. Le nucléaire doit pouvoir servir à trois choses : tout d'abord assurer la propulsion des trains électriques qui sont à mes yeux, en complément du vélo couché, la seule alternative à la voiture et à l'avion dans un contexte de renchérissement extrême du prix du pétrole. Ensuite, permettre à notre industrie la fusion des métaux pour construire l'architecture d'une société nouvelle essentiellement basée sur les revenus du soleil. Et enfin, fournir à tous les citoyens un peu d'énergie (sous la forme d'une couverture universelle énergétique ?) pour s'éclairer la nuit, faire fonctionner quelques appareils domestiques, pour assurer un peu de confort à tous. Pour les autres besoins, le chauffage de l'eau, la climatisation des bâtiments, il existe d'autres alternatives judicieuses se basant sur le solaire et la biomasse.
J'en viens maintenant à la dernière question : le choix de la filière. L'EPR est un réacteur à fission comme la plupart des cocottes minutes que compte notre pays. La filière ne change pas fondamentalement. On a affaire à des combustibles et des déchets d'une même nature. J'ai du mal à me contenter de si maigres progrès, dus pour la plupart à des économies d'échelle sur un réacteur plus puissant, quand il existe dans les cartons une filière bien plus prometteuse et déjà expérimentée dans l'hexagone. Je ne pense pas à la fusion dont on nous a tant parlé avec ITER. Cette formule ne verra probablement jamais le jour; les obstacles techniques sont trop grands. Je pense que l'EPR devrait laisser sa place au réacteur à fission par neutrons rapides. Cette filière permettrait de brûler une très grande partie de nos déchets nucléaires actuels, dans des réacteurs plus petits et adaptés à un scénario d'économies d'énergie.
Pour conclure, je pense que ma nucléo-tolérance m'a permis de comprendre le message de l'industrie nucléaire qui se présente comme ayant un faible impact sur le climat. J'ai aussi bien reçu le message de modération et de vigilance des détracteurs du nucléaire en adoptant une position ferme sur les économies d'énergie avant toute chose et en privilégiant une filière qui résoudra en partie l'épineux problème des déchets radioactifs.
Eric Souffleux, nantais de 27 ans. (7 novembre 2005)