Un choc pétrolier en décembre ?

        L'hypothèse d'un choc pétrolier pendant l'hiver 2004/2005 m'apparaît de plus en plus plausible vue la flambée actuelle du prix du brut. Quels sont donc les arguments qui me permettent de croire à cette hypothèse ?

Premièrement, malgré l'augmentation spectaculaire du prix du brut à la bourse de New York, le pétrole reste aujourd'hui très abordable. 
En effet en observant l'évolution du cours du baril en euros constants (courbe ci-contre), on s'aperçoit que le prix de cette matière a gardé une valeur proche de celle que nous connaissons aujourd'hui. On distingue même nettement qu'en 1985, le pétrole était plus cher qu'aujourd'hui par rapport au pouvoir d'achat de l'époque.
Le prix du pétrole actuel est encore loin d'être excessif. Il faudrait attendre que le brut se négocie à 75 dollars/baril pour parler de choc pétrolier et pour craindre un retournement économique. 

Même à 47 dollars, nous sommes encore loin de revoir la chasse aux gaspis comme en 1973 et 1976.

Deuxièmement, la consommation de pétrole évolue au cours de l'année au niveau mondial. Nous avons davantage besoin de brut l'hiver que l'été. En moyenne, nous consommons, au niveau mondial, 75 millions de barils/jour, avec un pic atteignant 86 millions de barils/jour au coeur de l'hiver. Le graphique ci-contre montre les stocks de pétrole dont disposent les pays de l'OCDE (les pays "riches"). On voit nettement que ces stocks sont plus importants l'été et qu'ils diminuent au cours de l'hiver. Vous remarquerez aussi la comparaison qui est faite entre la moyenne des stocks de 1998 à 2002 et la courbe représentant l'évolution des stocks entre 2002 et 2003. On dirait bien que les prochains hivers vont être fatals aux stocks.

Donc c'est bien cet hiver que nous pourrions le plus craindre un nouveau choc pétrolier.

        Troisième argument, l'Europe a jusqu'ici été protégée de la flambée du pétrole parce que les taux de change lui étaient favorables (1 euro = 1.2 à 1.25 dollar). Le pétrole se négociant en dollar, les Européens ont moins ressenti la hausse que les Américains. Cependant un retour à la parité entre ces deux monnaies signifierait pour nous une augmentation du coût du pétrole brut de 20%. Tout le monde prendrait cette hausse de plein fouet et cela pourrait arriver bientôt. Pourquoi pas cet hiver ?   

        Enfin, dès cet automne, la croissance chinoise (8% par an) va complètement absorber la marge de production dont nous disposons (de l'ordre de 1.6 millions de barils/jour, principalement en Arabie Saoudite). La Chine est aujourd'hui le deuxième importateur de pétrole, après les Etats-Unis. Les Américains sont 280 millions et consomment 20 millions de barils par jour. Les Chinois sont 1,4 milliard, et consomment seulement 6,2 millions de barils (une consommation que les agences internationales de l'énergie prévoyaient en 2010 !). Il y a donc une marge de progression importante et on peut craindre que la demande dépasse l'offre dans les mois à venir. 

        En conclusion, cet hiver les tensions entre les traders de la bourse de New York risquent d'être exacerbées. Le prix du pétrole brut pourrait alors atteindre des chiffres proches des 80 dollars/baril. On parlera alors d'un véritable choc pétrolier avec comme en 1973 et 1976 un retour de la chasse au gaspillage. Ceci permettra peut être une baisse passagère du prix du brut, à moins que vienne s'ajouter une grave crise en Arabie Saoudite, en Irak, en Russie (faillite de Ioukos), en Afrique...

Eric Souffleux 30 août 2004

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Dernière mise à jour : 11 juin 2006
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