A quand un Tour de France pour le Nucléaire
Alors que le parlement doit « débattre » à partir du 18 mai de la nouvelle loi énergétique et que Mr Sarkozy annonçait que le site du futur réacteur nucléaire EPR sera choisi courant mai, le tour de France pour Sortir du Nucléaire continue sa progression et arrive en Loire-Atlantique ce vendredi 14 mai.
Ce tour de France a le mérite de promouvoir les énergies renouvelables et les économies d'énergie, grâce à une exposition roulante. Malheureusement tout est fait pour diaboliser le nucléaire puisqu'on associe sans discernement les photos des victimes de Tchernobyl et d'Hiroshima. Il est important de montrer l'horreur de ces deux catastrophes, mais il faut bien rappeler le contexte. Hiroshima symbolise l'horreur du nucléaire militaire. Tchernobyl est un des symboles de la faillite du communisme en URSS. Le nucléaire civil a encore de grands atouts dans des pays démocratiques comme la France. Je profite de la venue de la caravane du Tour anti nucléaire pour affirmer encore davantage ma divergence d'opinion sur cette question cruciale du nucléaire en France.
Le collectif Sortir du Nucléaire fait
passer des messages clairs !
A travers ce texte vous pourrez y découvrir les arguments des détracteurs du
nucléaire et vous faire une toute autre idée sur la crédibilité de ce
mouvement qui hélas rassemble beaucoup trop d'écologistes.
« Inversons les crédits de recherche
en matière d’énergie. Actuellement le nucléaire accapare plus de 80% des
dit crédits. Inversons les chiffres. Développons les énergies renouvelables
couplées avec une politique volontariste d’économie d’énergie.
L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont fait le choix de la sortie du
nucléaire. Vivent-ils plus mal que nous ? Non ! »
Il est certain qu'en France on ne
dépense pas assez dans les économies d'énergie et les énergies
renouvelables. Nos gouvernements successifs ont préféré investir dans le
tout pétrole, la voiture, les camions, la dissuasion nucléaire et l'alourdissement de notre système
administratif. Il est étonnant de constater que pour 100 euros investis dans
le nucléaire ces dernières années, la France a investi 190 euros dans la
recherche et le développement des énergies fossiles. Nous devrions dépenser
80% dans les énergies renouvelables et les économies d'énergie et 20% dans le
nucléaire, mais sans pour autant diminuer l'effort de recherche en valeur
absolue dans le domaine du nucléaire. Il faut mettre le paquet sur les alternatives aux énergies fossiles
mais conserver une marge de manoeuvre sur le nucléaire car il peut nous aider
à assurer une meilleure transition vers une société dépendante à 100% des
énergies renouvelables.
L'Allemagne , l'Italie et l'Espagne sont visiblement des références. Nous
comparerons dans le détail les émissions de gaz à effet de serre de ces
trois pays avec la France, et vous jugerez différemment les arguments qui
suivent.
« Le nucléaire n’assure pas l’indépendance
de
C'est vrai que la France importe de
l'Uranium (en particulier de l'Australie (3500 tonnes par an), du Canada (2500
tonnes par an), d'Afrique Noire (Gabon (2000 tonnes par an) et Niger (2000
tonnes par an)) et plus récemment de Russie (quelques centaines de
tonnes/an). Et en France nous consommons 90 millions de tonnes de pétrole par
an que nous importons de l'étranger. Mais il est vrai aussi que l'Espagne,
l'Italie et l'Allemagne importent des énergies fossiles pour fournir de
l'électricité, et particulièrement lorsque les énergies renouvelables font
défaut, ce qui est le cas grosso modo les deux tiers du temps. Une
éolienne tourne 2000 heures par an et une année compte 8760 heures. Un
panneau solaire ne fournit de l'énergie que le jour.
Mais il faut rappeler que contrairement au pétrole, dont 70% de nos
approvisionnements proviendront du Moyen Orient dans les décennies à venir, l'uranium
peut nous être fourni par des pays beaucoup plus stables politiquement. C'est le cas du Canada,
de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Russie, du Brésil...
On trouve de l'uranium un peu
partout sur la planète et il nous en reste en France. Le minerai de
l'hexagone encore exploitable contient 0,5 pour mille d'uranium. Il nous faut
traiter 2 tonnes de minerai pour récupérer 1 kilo d'uranium. Pour
comparaison, des mines d'uranium canadienne contiennent de 4 à 8% d'uranium
et ne nécessitent que l'extraction d'une vingtaine de kilos de minerai pour
le même résultat. Les réserves sont actuellement calculées
pour de l'uranium extractible à moins de 80 $/kg.
Le chargement d'un réacteur de 900 mégawatts nécessite 11 millions de
pastilles de 7g d'oxyde d'uranium. Chaque pastille peut libérer autant
d'énergie qu'une tonne de charbon (1 million de grammes). Un chargement
complet permet à la centrale de fonctionner pendant trois à quatre ans. Les
assemblages de pastilles d'uranium sont renouvelés par tiers une fois par an.
Il faut tenir compte également de l'uranium et du plutonium contenu
dans les déchets nucléaires et qui pourraient être exploité dans des
surgénérateurs. Comparées au pétrole, au gaz et même au charbon, les
réserves d'uranium sont bien mieux réparties à la surface de la Terre ce
qui diminuera les tensions pour acheter cette source d'énergie. Nous pouvons
donc nous satisfaire de cette dépendance relative à l'égard de pays
extracteurs d'uranium beaucoup plus stable politiquement que les pays
exportateurs de pétrole (je pense en particulier au Canada et à l'Australie
qui sont beaucoup plus politiquement corrects qu'un certain nombre de pays du
Moyen Orient qui en sont encore à l'étape de l'inquisition (cinq siècle de
retard !)).
Le nucléaire n'assure pas l'indépendance de
la France mais il diminue la dépendance que nous pourrions avoir vis-à-vis des
pays exportateurs de pétrole et des autres énergies fossiles.
« Le nucléaire n’est pas la
solution contre l’effet de serre car si le nucléaire produit 80% de notre
électricité, l’énergie d’origine nucléaire ne représente que 15% de
la production totale en France. Le vrai problème de l’effet de serre
c’est les transports»
Voici une ineptie comme on s'habitue
trop souvent à en voir dans les écrits des détracteurs du nucléaire. Les
transports ne sont pas le vrai problème de l'effet de serre. Pour être
précis ils représentent, et c'est déjà pas mal, 21% des émissions de gaz
à effet de serre, tous gaz confondus (CO2, NO2, CH4...), dans notre pays. Le premier poste
d'émission revient à l'agriculture (24%), le second est déjà cité : les
transports (21%). On trouve ensuite l'industrie manufacturière (21%), le
confort de l'habitat résidentiel et tertiaire (18%), et la transformation
énergétique (12%). C'est dans cette dernière catégorie qu'on classe le
raffinage des produits pétroliers et la production d'électricité dont 75%
est d'origine nucléaire. En France, nous avons de très faibles émissions
dans le domaine de l'énergie parce qu'à la différence de tout le monde,
nous avons gardé une hégémonie du nucléaire dans notre production d'électricité.
Regardons maintenant les émissions mondiales de CO2
qui est le principal gaz à effet de serre après la vapeur d'eau. La
production d'énergie est responsable de 38% des émissions de ce gaz,
l'industrie : 25%, les transports : 24%, et le reste dont le chauffage de
l'habitat : 13%. Cela signifie que le plus gros problème de l'effet de serre,
au niveau mondial, est la production d'énergie. Ce poste, je vous le
rappelle, recouvre les émissions liées au raffinage des combustibles
fossiles et la production d'électricité. Et 50% de l'électricité mondiale
résulte de la combustion de charbon !
Si les pays brûlant du charbon aujourd'hui étaient équipés de
centrales nucléaires, nous pourrions effectivement dire que le vrai problème
de l'effet de serre est le transport. C'est donc loin d'être le cas.
Et pour finir sur ce point, l'avenir du transport n'est-il pas en partie dans
l'usage de l'électricité avec les trains et les voitures électriques. Cela
signifie que le problème des transports se résoudra par une consommation
accrue d'électricité ! Il faudra du temps, des siècles, avant que les
énergies renouvelables suffisent à couvrir tous nos besoins en
électricité. Nous choisirons quelles alternatives en attendant : le fossile ou le
nucléaire ? L'effet de serre ou les déchets nucléaires ? Je vous laisse le soin de choisir, mon choix est déjà
fait...
« Le nucléaire produit des déchets
dont on ne sait que faire. Pire, aucune solution crédible ne se profile à
l’horizon pour leurs gestions. Il est urgent de stopper cette impasse écologique
et économique».
Les déchets nucléaires existent et
posent un problème sérieux de gestion sur le long terme, c'est indéniable.
Mais il faut reconnaître que le danger qu'ils représentent par rapport aux
émissions de gaz carbonique liées à la combustion des énergies fossiles et
au mauvais usage des sols est bien moins grand du fait du confinement de ces
matières dangereuses. La véritable impasse écologique et économique
consiste à gaspiller les énergies fossiles en se désintéressant
complètement du devenir du plus dangereux de nos déchets : le gaz carbonique.
D'autre part l'essentiel de la radioactivité du combustible usé provient des
produits de fission dont la radioactivité repasse en moins de mille ans sous
celle du combustible initial. Mille ans de précaution, c'est beaucoup mais
est-ce qu'ils sont comparables aux efforts que nos enfants auront à fournir
pour faire face au changement d'ère climatique qui s'annonce ?
Et puis on peut se dire que avec ou sans nucléaire dans l'avenir, nous
aurons toujours à gérer les déchets actuels. Le mal est fait en quelque sorte et le
problème des déchets nucléaires est anecdotique par rapport à celui de
l'effet de serre dont il faut espérer que nous avons encore des possibilités
de limiter l'emballement du phénomène.
La clé du défi écologique réside dans la capacité qu'auront les
mouvements de citoyens à hiérarchiser les problèmes.
Je souhaite que nous sortions du nucléaire, mais après que nous soyons sortis de l'ère des combustibles fossiles... histoire d'éviter un changement d'ère climatique.
Eric Souffleux
Informations complémentaires :
http://www.manicore.com
site de Jean-Marc Jancovici
http://www.cea.fr
site du Commissariat à l'Energie Atomique
Programme complet du Tour de France pour Sortir du Nucléaire