Erika et Prestige… le pire est pour bientôt… mais nous ne faisons rien pour l’éviter.

        Il y a un an, le 14 janvier 2003, j’écrivais pour la première fois de ma vie à un journal : un coup de tête devant l’attitude de la société face à ce drame.

        La mer venait de vomir le prestige de notre civilisation si arrogante vis-à-vis des grands équilibres de la vie. Le sang qui coule dans ses veines avait souillé d’une manière scandaleuse notre littoral et continue toujours de le faire aujourd’hui. Tous ces oiseaux englués dans l’or noir… la honte s’emparait de moi dès que j’allais à la pompe pour remplir le réservoir de ma petite voiture diesel. Aller sur les plages pour réparer l’affront, cela n’avait pas de sens dès l’instant qu’on ne faisait rien pour s’arracher à la dépendance du pétrole. Des pétroliers, il y en aura toujours tant que nos moteurs brûleront ce qu’ils transportent. Comment faire pour que cela n’arrive plus ? Une certitude : arrêter de favoriser ce système qui nous rend dépendants des énergies fossiles, dont le pétrole.

        Ma priorité, que j’avais annoncée il y a un an, reste toujours l’arrêt du gaspillage de l’énergie solaire ancestrale. Cette énergie qui fait avancer nos voitures, nos avions ou nos camions; qui chauffe nos maisons et nos bureaux ; qui nous nourrit grâce aux engrais et à la mécanisation de l’agriculture ou de la pêche et qui nous procure les matières plastiques. Cette énergie, c’est l’énergie fossile. Elle est fossile car on la trouve dans le sous-sol. Elle est le résultat d’une accumulation d’énergie solaire captée par les plantes et les algues il y a des centaines de millions d’années. L’humanité a commencé à exploiter massivement cette énergie concentrée il y a 200 ans environ. Nous héritons aujourd’hui d’une civilisation qui s’est surdéveloppée grâce au charbon, au pétrole et au gaz. J’ai l’impression que notre vie n’a de sens que dans le maintien d’un flux toujours croissant de pétrole. Ce flux se tarira dans peu de temps, et au regard des choix sociétaux actuels il y a de quoi être pessimiste quant à notre avenir.

        Nos décideurs devraient engager des réformes importantes dans le domaine de l’énergie qui viseraient à développer des solutions alternatives aux énergies fossiles. Or, rien n’est fait dans ce sens et on semble au contraire assister à une accélération de notre dépendance. On peut malgré tout saluer la volonté affichée de soutenir le ferroviaire. Mais je regrette qu'autant de projets d’autoroutes ou de supermarchés soient valorisés et que le plan climat 2003 ait été abandonné pour des motifs très probablement électoraux.

        Notre civilisation manque de sens. Nous n’avons plus à lutter contre les grands adversaires idéologiques que nous avons connu dans le passé, comme le fascisme et le communisme. La seule idéologie admise est de consommer toujours plus et de profiter de la vie au mépris des grands équilibres. Pour cela on se multiplie, on fabrique des usines qui fabriquent des robots qui finissent par priver des hommes et des femmes de leur travail. La société n’a plus rien à proposer aux jeunes, à part des loisirs. On prévoit en 2050 que 5% de la population active suffira à faire tourner l’industrie et l’agriculture. Les robots et machines automatisés feront tout le travail à notre place. Pas étonnant que les jeunes générations soient plus que jamais déconnectées de la politique. Entourées de robots en tout genre, elles se déshumanisent et ne voient plus le sens que peut avoir leur vie. Le développement de l’abstentionnisme électoral est devenu un des traits marquants des sociétés démocratiques. Pourtant, le danger est grand de voir une rupture dans notre approvisionnement énergétique. Sans énergie, la capacité d’adaptation de notre société est réduite à néant. Notre réflexe risque d’être le recours à la violence comme l’histoire nous l’a montré à mainte reprise et comme le résultat des dernières élections le suggère. Les conditions ayant rendu possible le totalitarisme semblent se réunir à nouveau.

        Mais plus qu’une idéologie, nous avons besoin d’une réponse à une question que nous sommes peu à poser : « Comment fera-t-on pour vivre lorsque le pétrole viendra à manquer en occident ? ». Cette question est d’autant plus cruciale que les réserves de pétrole ne dureront encore que quelques décennies, que l’effet de serre menace la biosphère dans son ensemble et que notre société est plus que jamais dépendante des énergies fossiles.

        La réponse à cette question n’est pas du domaine politique mais du domaine de l’ingénierie. Notre démocratie malade a besoin d’un projet neuf. Ce projet ne peut plus être un programme politique basé sur des idéologies qui s’effacent dès qu’elles se confrontent à la réalité du marché et de la propriété individuelle. Il doit être un projet d’ingénieur(s) dont le contenu est rendu accessible à tous. Ce projet doit expliquer clairement aux citoyens les enjeux des mesures qu’il contient et les choix techniques possibles. Sortir de la civilisation de la combustion des énergies fossiles, c’est s’obliger à réaliser un compromis entre l’électricité non fossile dont l’homme moderne a besoin et un nécessaire retour à la terre d’une majorité de la population. Car aucune technologie non dépendante du pétrole ne nous permettra de maintenir notre agriculture et notre pêche mécanisée. Nous avons beaucoup à apprendre… et encore plus à nous souvenir. Albert Einstein a dit un jour : « Il semblerait que les Anciens connaissent quelque chose que nous avons oublié. » Nous avons oublié qu’une société qui tire la majeure partie de ses ressources de son capital, et non de ses revenus, est destinée à la faillite. L'humanité puise ses ressources dans son capital (les énergies fossiles et l'uranium) et ne vit pas des revenus dont elle dispose (les énergies du soleil) alors que la Terre s'est dotée au cours de l'évolution de la vie d'une formidable capacité d'exploitation des énergies du soleil. Nos ancêtres ont survécu en vivant des revenus du soleil : ils connaissaient de nombreuses solutions dont nous aurons à nous souvenir pour faire face à ce grand défi lancé à l’humanité : sortir de l’ère des combustibles fossiles.

Eric Souffleux  12 janvier 2004 à Nantes

Bibliographie :
Hartmann Thom, Les dernières heures du soleil ancestral, Editions Ariane, Québec, Canada, 2002.
Le Goff Jean-Pierre, La démocratie post-totalitaire, Editions La découverte, Paris, 2003.
Rifkin Jeremy, L’âge de l’accès, Editions La Découverte & Syros, Paris, 2000.

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Dernière mise à jour : 11 juin 2006
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