La vision européenne de Daniel Cohn-Bendit me séduit.
J'ai assisté à un de ses meetings à la cité des congrès à Nantes le mercredi 2 juin 2004. Et je vous raconte ce que j'ai entendu de ce personnage qu'on qualifie parfois de "monument historique" en France.
Bien que je ne sois pas un grand défenseur des Verts, je dois reconnaître qu'avec ce meeting ils ont marqué des points à mes yeux. Mes divergences avec eux tiennent essentiellement à leur vision caricatural du problème des drogues, et à leur diabolisation du nucléaire civil. Pour le reste je suis en accord avec pas mal d'idéaux politiques défendus par ce leader charismatique qu'est Daniel Cohn-Bendit. Et à travers son discours de démocrate, j'ai l'espoir que les points de désaccord s'estompent avec le temps et les débats qui s'annoncent. A une semaine des élections européennes il me semble important d'éclairer le lecteur sur ce qui me motive à voter pour Marie-Hélène Aubert, tête de liste des Verts pour le Grand Ouest.
L'Europe, une masse critique pour contrer le modèle libéral américain.
Pour espérer changer les choses dans le domaine de l'environnement, l'Europe est la masse critique qu'il faut atteindre. C'est au niveau européen que l'on peut contrer le modèle libéral anglo-saxon.
C'est en partie vrai mais je pense qu'il faut y ajouter la notion d'exemplarité de quelques bons élèves européens pour influencer le reste de l'Europe et ainsi atteindre une masse critique capable d'influencer le Monde. Il est certain que sur la question du réchauffement climatique, il n'y a qu'à l'échelle européenne que l'on pourra espérer montrer une autre voie que celle que nous montre les Américains. Mais pour atteindre la masse critique européenne, je pense qu'il faut que quelques masses critiques nationales soient atteintes pour montrer l'exemple. La France me paraît être un pays à la taille requise pour être un moteur écologique de l'Europe, et le nucléaire est un atout pour nous car il nous permet de disposer d'assez de puissance pour mettre en place une société essentiellement basée sur l'électricité. Progressivement les énergies renouvelables remplaceront le nucléaire qui deviendra extrêmement marginal.
La sortie de la combustion des énergies fossiles à l'échelle européenne me semble être une priorité pour contrer le modèle de développement américain.
Et demain le Bosphore...
L'Europe qu'il défend est l'Europe de l'espoir. Celle qui a vu le miracle du Rhin, de l'Oder et bientôt du Bosphore. Ces miracles sont le résultat d'une formidable ouverture des européens sur leurs voisins.
L'Europe est une succession de miracles : «Miracle du Rhin qui a rendu impossible toute guerre franco-allemande, miracle de l'Oder qui fait que plus jamais des troupes russes ou allemandes n'occuperont Varsovie.» Et, demain peut-être, «miracle du Bosphore, si l'Europe s'ouvre à la Turquie, montrant ainsi qu'elle ne veut pas d'une guerre de civilisations». (libération) |
A la création de l'Europe en 1951, la coopération entre l'Allemagne et la France a transformé le Rhin, fleuve symbole de la haine et de la guerre à travers l'histoire des siècles passés, en un miracle de la paix. La volonté de sauvegarder la paix sur un territoire meurtri par de trop nombreuses guerres a été et est toujours le principal moteur de l'Europe.
En 2004, avec l'élargissement de l'Union Européenne, nous avons assisté au deuxième miracle européen. L'Oder qui représentait une frontière entre l'Est et l'Ouest issue de la guerre froide n'est plus un symbole de guerre, mais un symbole d'ouverture et d'échange.
Dès maintenant la question de la Turquie est posée. La Droite dans son
ensemble se montre hostile à l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne.
Cela fait pourtant 40 ans que les européens disent à la Turquie qu'elle fera
un jour partie de l'Europe. Cela fait 40 ans qu'elle fait des efforts. Il lui
reste du chemin à parcourir, notamment avec la reconnaissance du génocide
arménien. Mais nous nous devons, par respect pour les Turcs et d'une certaine
manière pour tous les musulmans européens à qui on a cassé pas mal de sucre
sur le dos, dire à la Turquie : venez vous asseoir à la table des
négociations, on va essayer de vous intégrer à l'Europe. Ce n'est pas dire un
oui catégorique à la Turquie, mais ce n'est pas lui dire non. Ainsi à force
de travail, de courage, nous arriverons peut être à réaliser le troisième
miracle européen : le miracle du Bosphore.
Ne fermons pas notre porte à des pays qui peuvent réellement nous démarquer
du modèle politique des États-Unis. Choisissons l'ouverture au replis sur soi.
A ceux qui rêvent d'une Europe à dominante chrétienne, comme Philippe De Villier, il faut leur dire qu'il est trop tard. L'Europe est multiculturelle aujourd'hui, et elle est surtout démocrate. Il y a davantage d'athées que de croyants et la chrétienté a moins de difficulté que l'islam pour exister dans la société actuelle. Il est plutôt honteux aujourd'hui qu'on ait laissé pendant des décennies les musulmans prier dans des caves, alors que ces mêmes musulmans ont payé avec leurs impôts, pendant des années, des églises. C'est pourquoi il faut avoir le courage de reconnaître l'identité multiculturelle de l'Europe, et que celle-ci peut accueillir en son sein un pays de 90 millions de musulmans.
Il faudra certainement que l'Europe adapte ses institutions à l'accueil d'un pareil pays, mais cela doit bien être possible. Et n'oublions pas que la raison de cette ouverture nécessaire, c'est la sauvegarde de la paix pour les générations futures, particulièrement menacée au moyen-orient. Ne reproduisons pas les erreurs du passé et évitons une confrontation de civilisation. Ayons le courage de dire oui aux négociations d'adhésion de la Turquie.
La constitution européenne est un compromis.
Il faut arrêter d'attaquer cette Constitution, en prétendant qu'elle ne serait qu'un «carcan libéral» dans lequel Giscard et ses pairs chercheraient à enfermer l'Europe. «C'est le meilleur compromis possible, c'est l'expression du rapport de force entre 120 conventionnels représentant l'Europe telle qu'elle existe.» (libération) |
La constitution européenne est un pas en avant dans la constitution européenne. Il s'agit d'un compromis entre tous les états qui a été plutôt bien orchestré par Giscard d'Estaing. Il faut arrêter d'attaquer cette constitution qui dispose d'atouts majeurs, comme par exemple le fait que la peine de mort est abolie, bien que ce soit déjà le cas.
Cette constitution doit être adoptée par les européens à une date fixe. C'est l'Europe qui doit poser la question du projet constitutionnel aux citoyens européens. Il ne faut pas que ce soit chacun des États qui demandent l'avis de leur citoyen dans leur coin. En France dès qu'on demande quelque chose aux français, les français disent NON à Raffarin et à Chirac quelque que soit la question posée. Ne prenons pas le risque de tromper les électeurs sur l'enjeu d'un référendum sur le projet constitutionnel.
La constitution devra être adoptée à la majorité dans tous les pays. Si tel n'est pas le cas, elle n'a aucun sens. Ce projet de référendum permettra de poser la question aux anglais : veulent-ils être le 51ème état des États Unis ou le 25ème état de l'Europe constitutionnelle. Voilà qui devrait clarifier de nombreuses choses quant à la géopolitique européenne.
Sur la constitution, je n'ai pas vraiment d'avis car je ne l'ai jamais étudiée. Mais je fais confiance aux européens actuels qui la défendent. Elle doit certainement avoir des défauts mais comme dit Daniel Cohn Bendit il s'agit d'un compromis entre de nombreux rapports de force.
Apprenons à regarder nos voisins.
Les institutions des membres de l'Union Européenne sont le reflet de leur histoire. Les allemands et les espagnols sont régionalistes car c'est une réponse à Hitler et à Franco. La France est Jacobine car c'est une réponse à la révolution de 1789. L'Italie ne sait plus où elle en est avec Berlusconnerie et les anglais n'ont pas constitution, elle est implicite.
«Si l'Allemagne a défendu avec passion l'indépendance de sa Bundesbank, c'est par antifascisme, pas par libéralisme. C'était une réponse à l'instrumentalisation de la planche à billets par Hitler. Il faut respecter ça.» (liberation) |
Il faut apprendre à regarder les voisins européens, particulièrement les pays nordique. Dans le domaine de l'enseignement, les premières années à l'école se font sans notes, et chaque établissement scolaire est autonome. Les enfants n'ont pas le droit de redoubler les six premières années et d'après un observatoire européen le système scolaire suédois est le meilleur. Il laisse le moins d'élèves en difficulté. A l'inverse le système allemand est cloisonné. Les enfants d'ouvriers se retrouvent ensemble tout au long de leur scolarité.
Osons le débat au sein des Verts.
Sur la question des drogues par exemple, les Verts européens sont extrêmement divisés. Les débats sur ce thème avec les Verts suédois sont plus virulents que les débat que l'on peut avoir avec des personnages de droite. Il existe une diversité au sein des Verts européens et il faut comprendre cette diversité à travers l'histoire des militants et la culture du pays.
Il semble même possible de débattre de la question du nucléaire, Daniel Cohn-Bendit ne semble pas être le plus acharné des anti-nucléaire. Il a évoqué dans l'émission France Europe Express du mardi 25 mais 2004 l'idée que les Verts devaient s'ouvrir sur des questions de fonds pour rassembler davantage d'écologistes qui comme James Lovelock ont fait le choix de ne pas diaboliser le nucléaire.
S'il s'est éloigné des Verts français, c'est parce qu'il n'a «pas été capable de les changer». Cette campagne européenne sera, assure-t-il, sa dernière. Il s'y est taillé un rôle sur mesure : candidat en Allemagne, provocateur en France. ( libération) |
Voilà une manière de me réconcilier avec les idées des Verts. Les idées européennes de Daniel Cohn-Bendit m'ont séduit. Et pour la première fois j'ai eu le sentiment qu'il est possible de changer les Verts et que mon vote pour la liste verte dans l'Ouest pourrait être utile pour une Europe de la paix, de l'équité et de l'écologie.
Je vous invite à faire de même, votez pour les Verts aux européennes de Dimanche prochain.
Pour les prochaines élections, en 2007 ce sera une autre histoire, tout dépendra de la capacité des Verts à s'ouvrir sur d'autres écologistes. Pour gagner il faudra rassembler...
Pour en savoir plus sur Daniel Cohn-Bendit, http://www.cohn-bendit.com
Eric Souffleux, 4 juin 2004