La flambée de l'immobilier ne risque-t-elle pas d'aggraver les conséquences d'un choc pétrolier ?

        Les gens semblent l'ignorer, les médias font comme s'ils n'avaient aucun rôle éducatif (même la publication d'un tel texte sera soumise à la censure, fera grincer des dents, sera jugée nuisible, porteuse de désespoirs, de critiques acerbes, alors qu'il a le mérite de rassembler les seuls mots qui mis bout à bout peuvent faire basculer quelques individus, et en particulier quelques journalistes, de l'inconscience coupable à la responsabilité du résistant. Il n'y a que cette évolution des mentalités qui peut générer de l'espoir.), les politiciens manquent cruellement de pédagogie, les artistes connus se complaisent dans ce théâtre des apparences et se passent bien de transmettre les bons messages qui nuiraient à leur notoriété, pourtant le prix du pétrole ne peut pas rester aussi bas indéfiniment, et nous n'avons toujours pas sur les rails des palliatifs à l'absence de pétrole dans les transports. 
        Face à ces deux réalités tragiques, regardons la civilisation qui nous entoure. Voit-on apparaître dans nos rues des millions de voitures électriques alimentées par des énergies renouvelables ? Construisons-nous des milliers de kilomètres de pistes cyclables pour desservir les campagnes, les villes et les gares ferroviaires ? Voyons-nous un développement massif des vélos couchés, réputés plus aérodynamiques que les vélos classiques, mais hélas trop chers du fait de la confidentialité de la demande ? Construisons-nous des plate formes d'embarquement des camions sur des wagons aux abords de chaque ville ? Apprenons-nous réellement à nous passer de la voiture pour les courts trajets ?  
        Non ! Non ! Et non ! Au lieu de cela, au lieu de la lucidité et du courage qu'impose une telle situation, nous construisons encore des grandes surfaces à la périphérie des villes, ces aspirateurs à voitures ! ces camions supplémentaires sur nos routes ! Au lieu de cela, nos gouvernements successifs ont assassiné le fret à la SNCF. 

         Le viaduc de Millau coupe le ciel en deux au-dessus du Tarn. Il évitera quatre heures de bouchons dans Millau lors des migrations estivales. Il n'évitera pas tout ce gaspillage de pétrole que génère la circulation automobile. Le train et le vélo l'auraient évité !

        Au lieu de cela, nous nous targuons d'avoir construit le plus haut viaduc à bagnoles du monde, alors que dans 20 ans plus aucune ne pourra circuler dessus faute du précieux liquide. (A moins peut être de consacrer l'essentiel de notre budget militaire à la spoliation des derniers barils de pétrole. La démocratie américaine a déjà choisi cette option. Vous vous souvenez de ce que disaient  les américains à Johannesburg en septembre 2002 : "Notre pouvoir d'achat n'est pas négociable." 

           A l'image de ce train qui circule le long du Tarn sous le viaduc, un développement du concept train+auto pour acheminer les touristes et les marchandises aurait déjà été un choix plus judicieux que ce grotesque voilier continental, que nos enfants regarderont en se demandant l'utilité d'un tel monument. Jamais on aura autant jeté d'argent par la fenêtre. 
            Bah, ils pourrons toujours y faire du saut à l'élastique... mais probablement sans élastique... faute de pétrole. (Souriez, un peu d'humour, il y en a si peu dans ces lignes hélas trop sérieuses pour être pris sur le ton de la rigolade.)

         Au lieu de cela, nous nous couvrons de gloire avec notre industrie aéronautique et automobile, alors que c'est cette industrie qui donne les moyens aux pays en voie de développement de condamner les efforts des pays plus avancés (dans le gaspillage) pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. A quoi bon réduire nos propres émissions, si dans le même temps nous fournissons aux pays en voie de développement les technologies leur permettant d'émettre davantage ? Au lieu de cela, et j'en viens à la flambée de l'immobilier évoquée dans le titre, nous laissons des jeunes couples s'installer à plus de 40 km de leur travail, s'endetter sur plus de 30 ans, se perdre dans la circulation le matin, se tuer sur la route le soir, divorcer le lendemain et pointer au chômage dans 20 ans car il ne sera plus possible d'être physiquement présent sur les lieux de travail faute de transports. 
        Je suis partagé sur la question : Où acheter ? Car je suis en âge de me la poser. En ville, on paiera cher le logement mais on survivra aux premiers soubresauts de la civilisation pétrolique (comme alcoolique) du fait de la proximité travail domicile. En campagne, les logements seront un peu plus abordables mais tous les néo-ruraux pointeront au chômage dès le premier vrai choc pétrolier. Par contre lorsque les crises de l'or noir se feront plus récurrentes, c'est en ville qu'il sera le plus difficile de survivre car l'acheminement des produits de premières nécessités ne se fera plus. Ceux qui auront choisi la campagne se seront adaptés par nécessité et auront redécouvert les joies du jardinage utile qu'ils avaient délaissées quelques décennies auparavant. 
        Face à toutes ces chimères, n'y a-t-il pas d'espoirs à croire que la technique nous sortira de ce mauvais pas ? Il faut maintenant que les citoyens, les politiciens et surtout les médias regardent les choses en face. Si dans les dix ans qui viennent, laps de temps qui nous reste probablement encore pour profiter d'un relatif calme économique, notre civilisation n'a pas pris les mesures qui s'imposent pour faire face à la déplétion des réserves de pétrole, il y a de grandes chances pour que nous assistions à des drames humanitaires qui feront passer le séisme asiatique pour une aimable plaisanterie, alors que ces catastrophes dont je parle sont des évènements prévisibles ! Finalement, le pire n'est même pas certain. 

         Quant à acheter un bien immobilier ? Je préférerai investir dans un mobil home pour m'adapter à ce monde qui va changer, et aussi pour le léguer à mes enfants s'ils devaient migrer dans une régions plus hospitalière. On m'a dit, en mairie, que ces habitations ne pouvaient s'installer que dans des campings ou des aires de loisirs. Les terrains constructibles doivent être bâtis et les terrains agricoles sont non-constructibles, sauf pour les jeunes agriculteurs qui s'installent.

         C'est un scandale d'empêcher administrativement les gens d'habiter dans des habitations économiques qui peuvent être déplacées sans laisser traces de leur installation, et qui peuvent permettre à leurs habitants de cultiver un lopin de terre. Un de mes pères spirituels, depuis peu d'ailleurs, Pierre Rahbi pense que la vie n'a de sens que si nous travaillons à enrichir la terre et sa biodiversité. Il travaille notamment sur un concept rempli d'espérances : une famille sur un hectare. Comme moi, il constate que nous vivons tous hors-sol, que nous sommes déconnectés du sacré que représente le vivant. En achetant un mobil home, que j'aurais (ou plutôt que nous aurions, car en fait nous sommes deux à vouloir la même chose) rendu totalement autonome en énergie, en eau et en réseau d'assainissement, nous aurions pu vivre en accord avec nos idéaux et enrichir la biodiversité locale en cultivant la terre d'une manière respectueuse et sans conséquences pour les générations qui nous suivront. Au lieu de cela, je vois que nous sommes coincés dans un système qui pousse au gaspillage et parfois les bras m'en tombent. Je ne comprends pas toujours pourquoi je reste si volontairement optimiste alors que le piège que nous nous sommes fabriqués semble si bien marché. 
        Oh mais je comprends la logique du système. Il faut préserver les entreprises du bâtiment et surtout les intérêts du secteur très lucratif de l'immobilier spéculatif. Que laisserons-nous à nos enfants ? Il est grand temps que les journalistes, les politiciens et les citoyens prennent à bras le corps cette question qui pour le moment trouve des réponses désespérantes au regard de la déplétion des réserves de pétrole.
        Je suis effaré de constater également qu'à Nantes, et j'imagine que c'est la même chose ailleurs, les constructions nouvelles d'immeubles ne sont pratiquement jamais bio-climatiques. Pourtant, on sent que les promoteurs veulent vendre du vert, du propre. Les nouvelles résidences comportent de nombreux balcons et sont présentées avec un maximum de verdure, dans un cadre idyllique. 

Voici quelques annonces de nouvelles constructions, comme on en trouve à la pelle dans ma région, que j'ai scannées sur des brochures immobilières. 

        Mais passé les apparences de ces images virtuelles, où la voiture a toujours une bonne place, on voit bien qu'il n'y a aucun panneau solaire pour chauffer l'eau, ce qui est pourtant très complémentaire des chauffages classiques avec les énergies fossiles. On voit bien qu'il n'y a aucun système de recueil de l'eau de pluie, ni aucun système de traitement biologique de l'eau sale. On voit bien aussi que ces immeubles n'utilisent pas des matériaux très écologiques. Même si l'isolation est meilleure que pour les constructions plus anciennes, le béton reste omniprésent. A qui la faute ? Et bien, c'est nous : ceux qui achètent, ceux qui louent, ceux qui élisent des responsables incapables d'anticiper et finalement ceux qui cautionnent ce type de construction. Si les gens ne demandent pas des habitations plus économes, je ne vois pas pourquoi les constructeurs en proposeraient. Cependant, nous sommes la plupart du temps obligés d'acheter une habitation peu économe car il nous est administrativement interdit de construire autre chose. Quand est-ce que nous entrerons en résistance pour élire des maires qui organiseront la possibilité de vivre en mobil-home, le temps de construire des logements en dur beaucoup plus sobres et écologiques ?
        Et pour terminer, je tiens à m'excuser auprès des salariés d'Airbus, de Renault, de Peugeot, de la société qui a construit le viaduc de Millau et toutes les professions qui se sentent visées par les quelques mots de ce texte (notamment les journalistes), je ne vous en veux finalement pas. J'en veux davantage à chacun de nous de ne pas construire une société qui pense à son bonheur, sans compromettre celui des générations futures. J'espère qu'à la lecture de ce texte cette année 2005 s'ouvrira sur de nouvelles perspectives ! et en particulier sur de nouvelles exigences de consommation en matière de logement !

Bien à vous,  

Eric Souffleux, 26 ans. 3 janvier 2005

Note pour les gens qui voudraient publier ce texte, et donc les journalistes : Ce texte est le fruit d'une longue réflexion. Je vous serais très reconnaissant si dans le cas où il passerait avec succès l'épreuve de la censure, vous ne le coupiez pas. Enlever quelques lignes pourrait le rendre beaucoup plus désespérant qu'il ne l'est en réalité. Merci de votre compréhension. 

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Dernière mise à jour : 11 juin 2006
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