La biodiversité est en danger.

        L'homme ne cesse de vouloir maîtriser la totalité de son environnement. La conséquence de cette pression formidable est que les autres espèces n'ont plus d'espace vital. Elles finissent par s'éteindre.

        Le casier judiciaire de l'homme vis-à-vis de la biodiversité est de plus en plus lourd. Quand cela s'arrêtera-t-il ? La dernière victime en date est l'ourse Cannelle, la dernière femelle  de souche pyrénéenne, assassinée par une bande de chasseurs, au cours d'une battue de sangliers, accompagnés de chiens surexcités qui ont forcé l'ourse à une confrontation mortelle. 

        Je suis franchement écoeuré par ces chasseurs irresponsables qui se disent être des amoureux de la nature. Seuls les chasseurs ont été confrontés à des ripostes de ces animaux craintifs. Trois ours ont déjà fait les frais de rencontres malheureuses depuis qu'ils sont protégés. Pourquoi est-ce que cela se passe toujours mal avec les chasseurs, alors que les ours sont régulièrement croisés par de pacifiques randonneurs ? J'ai une réponse à cette question : les chiens qui accompagnent les chasseurs font fuir l'ours qui peut se retrouver pris au piège, auquel cas il ne peut qu'attaquer. 

        C'est tout le folklore de la chasse qui est à revoir dans les zones où l'homme doit coexister avec d'autres prédateurs en voie d'extinction. La chasse peut être maintenue, mais elle doit être extrêmement discrète (sans chiens surexcités, sans fusil bruyant) et le chasseur devra toujours avoir à l'esprit qu'il doit préserver ces prédateurs avant de penser au gibier qu'il chasse. 

        Il me vient immédiatement à l'esprit la chanson "respire" de Mickey 3d : "Et l'homme a débarqué avec ses gros souliers, des coups de pied dans la gueule pour se faire respecter, en deux temps trois mouvements les éléments se sont vus maîtrisés..."

        Les grands prédateurs sont des symboles d'une nature préservée et d'une certaine qualité de vie liée à un environnement sain. Il faut que les populations humaines qui coexistent avec les quelques grands prédateurs (loups, lynx, ours, cormorans, rapaces...) que recèle encore notre territoire hexagonal, comprennent l'aspect vital de la survie de ces rares témoins d'une biodiversité originelle. Si les hommes font des efforts pour que survivent quelques grands prédateurs, de vastes territoires pourront être préservés et avec toute la biodiversité qu'ils recèlent.

        La biodiversité, ce n'est pas que les espèces sauvages. Les espèces domestiques sont aussi en danger. Un seul exemple : la vache. Ce qui me frappe quand je regarde dans les campagnes françaises, c'est l'uniformité des troupeaux. La pisseuse de lait, la Holstein, est omniprésente. Je sais que cette vache est très capricieuse, elle est sensible aux maladies et pour conserver son fabuleux rendement, on la bourre d'antibiotiques. Je me dis qu'un jour cette vache pourrait être confrontée à un vrai problème, un nouveau virus par exemple. A ce moment là avec quel vache plus rustique on pourra croiser la pisseuse de lait pour maintenir l'espèce ? Si nous continuons comme cela, dans 20 ans, nous aurons perdu toute la diversité génétique qui existait entre les différentes races de vaches avant la course au productivisme.

        L'Europe doit subventionner des éleveurs pour qu'ils conservent des races locales, moins productives, plus rustiques, de manière à conserver un réservoir de biodiversité génétique utile pour nous mêmes. 

        Je suis autant scandalisé par la perte de l'Ourse Cannelle que par l'extinction de race de bovins qu'on élimine parce qu'elles ne sont pas aussi productive que la célèbre Holstein. Il y a une chose dont je suis certain par ailleurs, c'est que nous aurons davantage besoin des gènes des vaches rares que des gènes des grands prédateurs.

        Avant de vouloir jouer aux apprenti-sorciers avec la génétique (en intégrant le gène d'un ours blanc dans de la tomate...), faisons en sorte de conserver la diversité génétique existante au sein d'une même espèce !

Eric Souffleux, 26 novembre 2004

Voici un article écrit par Nicolas Hulot :

L'ours qui cache la foret, par Nicolas Hulot, Liberation, 12/05/06

Il n'existe pas d'espèce qui n'ait sa raison d'être écologique, et dont la disparition n'entraîne a court ou moyen terme un préjudice inestimable.
Ce n'est pas un écolo romantique et nostalgique qui s'adresse ici aux militants anti-ours, pas plus qu'un urbain inconscient de vos difficultés. J'ai eu de multiples occasions de croiser des ours sauvages sous toutes les latitudes et j'entends bien qu'il faut se garder de l'image du gentil nounours comme il faut rationaliser aussi les risques d'agressions et de prédation. Je voudrais vous soumettre simplement un argument supplémentaire, inaudible dans ce bruit de fond médiatique et passionnel. Je vous le livre, car vous avez sans doute en main le destin des ours des Pyrénées, les pouvoirs publics céderont peut-être si votre détermination perdure.
A ce titre, j'aimerai que vous vous prononciez aussi et surtout au vu de l'«ardoise» écologique que le XXe siècle a fait payer a la planète. Accordez-moi d'être le témoin privilégie et atterre de l'immense gâchis environnemental de la planète. Permettez-moi de vous rappeler que le tribut payé par les animaux et les végétaux a cause de l'empreinte humaine est sans précédent. Nous sommes au seuil de la sixième extinction ­ c'est un fait établi ­ sauf a réviser radicalement et sans tarder nos modes de vie. Dans cet immense combat de l'érosion de la biodiversité, les pays du Sud sont aux premières loges. Comment, des lors, leur demander dans les commissions internationales de prendre en charge le sort des grands singes, des tigres, des éléphants, etc., tous au bord de l'extinction, dont la préservation est autrement plus complexe que celle de nos ours, si nous, pays du Nord, nous démissionnons de cette problématique? Quelle légitimité aurons-nous dorénavant pour siéger dans ces instances ? Comment interpréter la-bas notre choix, autrement que comme un signe catastrophique de renoncement ? L'homme, dernier venu sur cette terre, s'arroge dorénavant tous les droits sans le moindre devoir a l'égard du vivant et du sauvage. L'ours en France est un symbole fort, le dernier rempart du sauvage a l'assaut de nos convoitises matérielles, industrielles, urbaines. Les bergers des Pyrénées ont entre les mains plus que le sort d'un simple animal ; vous détenez le sens d'un message a résonance planétaire. A vous d'en choisir les mots.
On peut très bien décider que nos contingences et nos contraintes ne nous permettent plus de côtoyer le sauvage et que nos priorités rendent incompatibles une cohabitation avec tout un pan de la nature. En ce cas, ne le faisons pas en catimini et allons au bout de notre logique. Disons haut et fort que dorénavant, nous ne tolérerons que les animaux de compagnie, d'élevage, de cirque et de zoos. Et que, chez nous, loups, ours, lynx, mais aussi vipères, guêpes (autrement plus dangereuses) et autres perturbateurs de notre quotidien doivent être éliminés et qu'ailleurs baleines, dauphins, rhinocéros ou autres gêneurs des activités humaines doivent également disparaître. Je doute que dans ce monde-la, si un jour il advient, l'homme puisse survivre. Mais, au-delà de l'éthique mise a mal et d'indices de civilisation discutables, il n'y a pas une espèce qui n'ait sa raison d'être écologique et dont la disparition n'entraîne a court ou moyen terme un préjudice inestimable. Gandhi disait que «la façon dont une nation s'occupe des animaux reflète fidèlement sa grandeur et sa hauteur morale», et je n'oublie pas que le soin des bergers vis-à-vis de leurs moutons va dans ce sens, même si le destin des ovins n'est malheureusement pas de paître éternellement... Mais notre grand sage disait aussi quelque chose qu'aucun de nous ne peut ignorer tant la lourde réalité de nos sociétés donne raison a ces mots : «Le sauvage est un antidote indispensable a nos excès de civilisation.»
L'ours, plutôt qu'un objet de discorde, ne pourrait-il pas être un facteur justement de rapprochement entre deux univers qui s'éloigne peu a peu, au point parfois de ne plus se comprendre, le monde des villes et des champs ? Pour peu qu'on ne délègue pas, notamment sur un plan économique, aux seuls éleveurs les enjeux et les responsabilités. La réintroduction de l'ours ne peut s'envisager que dans un contexte de solidarité nationale, car il est notre patrimoine commun.

<http://www.liberation.fr/page.php?Article=381400>  et  <http://www.planete-nature.org/

 

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Dernière mise à jour : 11 juin 2006
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