La production des énergies fossiles

Ce terme de production est souvent employé pour qualifier ce qui sort des gisements. Je trouve ce terme impropre. Je lui préfère le mot extraction. En effet les compagnies pétrolières, par exemple, ne créent pas le pétrole, elles se contentent de l'extraire. Sa production s'est réalisée au cours de plusieurs millions d'années à la suite de la décomposition progressive d'algues. C'est la même chose pour le charbon et le gaz, on ne devrait parler que d'extraction.

Le pétrole 

Nature des gisements pétrolifères
Une réserve de pétrole n'est pas un grand trou rempli de pétrole qu'il nous suffirait de pomper. Un champ de pétrole est plutôt un ensemble de puits de différentes tailles, où de nouveaux puits remplacent les anciens devenus secs.
Au début de l'exploitation d'un gisement les puits les plus abondants sont les premiers à être exploités de telle sorte que vers la fin, il ne reste dans le gisement que de petites poches qu'il est de plus en plus difficile d'atteindre.

La production de pétrole suit une courbe connue sous le nom de courbe de Hubbert.
Géophysicien employé par la société Shell Oil, M. King Hubbert publia en 1956 un article désormais célèbre où il prédisait le pic de la courbe de production américaine (qui n'englobait pas encore l'Alaska) et son déclin. A partir des volumes et des taux de production en vigueur dans le passé, il avait calculé que la production de pétrole aux USA atteindrait sa limite supérieure entre 1965 et 1970. Au moment où il fit cette prévision, l'Amérique produisait une quantité de pétrole record. Les thèses de Hubbert suscitèrent les railleries de la plupart des géologues et des dirigeants des compagnies pétrolières. A leur surprise, cependant, ses prédictions devaient se réaliser. La courbe de production atteignit son pic en 1970 et commença à décliner rapidement. Les États-Unis ont ainsi cessé d'être le premier producteur mondial de pétrole, et la fin de cette suprématie a déterminé les grandes dynamiques géopolitiques qui ont suivi.  

La production d'un champ pétrolifère ne peut pas être constante.

La courbe de Hubbert est une figure statistique formée par l'association de multiples champs individuels en une seule tendance. La thèse de Hubbert est à la fois simple et élégante. Elle postule que la production de pétrole augmente rapidement au début, culmine lorsque la moitié des réserves récupérables a été produite, puis retombe en suivant ainsi une courbe en forme de cloche.

Mais la production réelle ne suit pas toujours la courbe. Si les découvertes sont irrégulières ou que les statistiques ne couvrent qu'un nombre limité de champs elle aura un autre aspect. Beaucoup de pays par exemple présentent plusieurs pics, parce que le pétrole a d'abord dû être découvert avant de pouvoir être produit. Si un pays a plusieurs cycles de découvertes, la courbe de production les reflètera.

Parce que la production des États-Unis (48 États) a été ininterrompue, sa courbe de production suit la Courbe de Hubbert de près.

Par contre la production de l'Iran (graphique ci-contre), qui s'efforçait initialement de suivre la courbe, a été interrompue par la révolution et les guerres et se présente avec deux pics.

Voici maintenant ce que pourrait donner la courbe de production au niveau mondial :

source : the wolf at the door

 

Les différentes prédiction de la date du pic de la courbe de production du pétrole

Le 7 juillet 1999, lors un exposé devant un comité de la Chambre des Communes de Grande Bretagne, Colin J.Campbell, docteur en géologie, auteurs de plusieurs livres et articles sur le pétrole et disposant de 40 ans d'expérience dans l'exploration pétrolière, annonçait le prix du pétrole à 30 $ le baril pour un an plus tard du fait de la part croissante prise par les pays du Moyen Orient dans la production, les seuls apparemment capables d'augmenter leur production. Les prévisions de ce technicien du pétrole (présentées comme un avant-goût de ce qui devrait se passer en plus grave dix ans plus tard) se sont avérées exactes. Voici ce qu'il dit par ailleurs sur les réserves de pétrole "conventionnel" :

"Tous les sites prometteurs ont été explorés, les découvertes importantes remontent maintenant à trente ans. Actuellement nous trouvons un baril pendant que nous en consommons 4. Il n'existe aucun espoir de trouver de très grosses réserves même dans les zones les moins explorées comme dans les grandes fosses marines ou sous les pôles. Ceci est caché par les grandes compagnies et les pays gros producteurs qui laissent entendre le contraire. Nous sommes donc sur une pente descendante concernant la durée des réserves d'autant que la demande a tendance à s'accroître. L'ensemble de ce qui reste comme réserves mondiales normalement accessibles est de 1 000 milliards de barils. A un rythme de production actuel (1998) de 23,6 Gb ceci peut être interprété comme l'idée que l'on disposera de pétrole "conventionnel" abondant et bon marché pendant 43 ans environ. Mais la situation n'est pas si simple."

Le fait d'exprimer les réserves de pétrole en année de consommation constante nous conduit à considérer que nous sommes tranquilles pour au moins la durée énoncée. En fait ceci est triplement trompeur :



source du graphique : Exxon Mobil / www.manicore.com 

Pour s'assurer que ce que dit Campbell n'est pas très éloigné de la vérité, regardez ces deux courbes ci-contre.
La courbe verte représente les découvertes annuelles de pétrole conventionnel en milliards de barils. La courbe bleue représente la consommation annuelle de produits pétroliers.

En 2000, on a découvert 1 baril quand on en a consommé deux. Et en 1996, on trouvait un baril pendant qu'on en consommait quatre. Campbell avait bien raison en disant que les découvertes importantes remontaient à trente ans.

On remarque aussi sur le graphique ci-dessus que la courbe des découvertes présente une forme de cloche comme la célèbre courbe de Hubbert. 

Concernant les réserves non conventionnelles (sables bitumineux) Campbell évalue leur production possible à 700 Gb durant les 60 années à venir mais à quel prix ? Il signale en outre que l'énorme gisement de l'Orinoco repéré au Venezuela contient beaucoup de soufre et de métaux lourds…

Si les optimistes et les pessimistes ont des opinions divergentes quant au moment où le pic de la courbe de production sera atteint, tous s'accordent en revanche sur le fait que l'essentiel des réserves restantes se trouve au Moyen-Orient et qu'il faudra peu de temps avant que le monde ne devienne dépendant des pays du Golfe Persique en matière d'approvisionnement. 

Date de la Prévision Source Date Prévue du Pic de Production

Réserves Ultimes Supposées

1972 ESSO « Le pétrole deviendra progressivement rare dès l'an 2000 » 2100 Gb
1972 Report de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain « le pic sera quasiment atteint en 2000 » 2500 Gb
1974 SPRU, Sussex Université n/a 1800–2480
1976 Département de l'Énergie UK Pic: « autour de l'an...2000 » n/a
1977 Hubbert Pic: 1996 2000 Gb (Nehring)
1977 Ehrlich et al. Pic: 2000 1900 Gb
1979 Shell « ...plateau durant les 25 prochaines années » n/a
1979 BP (Crise du pétrole…encore?) Pic (monde non-communiste): 1985 n/a
1981 Banque Mondiale « plateau au tournant du siècle » 1900 Gb
1995 Petroconsultants Pic: 2005
1800 Gb
1997 Ivanhoe Pic: 2010 ~ 2000 Gb
1997 Edwards Pic: 2020 2836 Gb
1998 IEA: WEO 1998 Pic: 2014 2300 Gb ref. case
1999 USGS (Magoon) Pic: ~ 2010 ~ 2000 Gb
1999 Campbell Pic: ~ 2010 2000 Gb (inclus. polaire eau profunde)
2000 Bartlett Pic: 2004 or 2019 2000 ou 3000 Gb
2000 IEA: WEO 2000 Pic: « après 2020 » 3345 Gb (d'après l'USGS)
2000 2000 US EIA Pic: 2016-2037 3003 Gb (d'après l'USGS)
2001 Deffeyes Pic: 2003-2008 ~ 2000 Gb
2002 Smith Pic: 2011-2016 2180 Gb
2002 « Nemesis » Pic: 2004-2011 1950-2300 Gb équivalent-pétrole

En lisant ce tableau on s'aperçoit que beaucoup des prévision du passé se sont avérées exactes et le restent.

L'oil crunch, défini comme la fin du renouvellement  des réserves conventionnelles prouvées, se produira vers 2010. Au mieux, une accélération des efforts de prospection ne retardera le début de la période de déficit que de 10 ans. L'année 2020 est d'ailleurs couramment avancée comme date d'une éventuelle crise énergétique, et cela, même par des organismes officiels telle l'Agence internationale de l'énergie.

Le gaz naturel

Le gaz naturel est dans une situation semblable à celle du pétrole. Le gaz n'a pas une cycle de production présentant une courbe du Hubbert. Parce qu'il « s'écoule » plus facilement que le pétrole, il est généralement produit en dessous de la capacité maximale. En conséquence de quoi, la production à tendance à rester sur un plateau pour ensuite décliner rapidement. Néanmoins, pour de grandes régions il y aura un pic de production aux alentours de 2020. Avec le déclin du pétrole, toujours plus d'électricité sera produite en brûlant du gaz, épuisant d'autant plus les réserves. Le gaz ne pourra prolonger la société du carbone que pour un temps très limité.

Le charbon

Le charbon est un autre combustible fossile comme le pétrole et le gaz. Contrairement aux autres, il est extrait dans des mines et non pas par forage. Les courbes d'extraction du charbon sont différentes de celles du pétrole, ne présentant pas de pic marqué. Le charbon contrairement au pétrole et au gaz ne s'écoule pas. Il faut dépenser beaucoup d'énergie pour l'extraire et le manipuler. Environ 50% de l'énergie utilisée pour exploiter le charbon provient du pétrole, qui reste le seul carburant nécessaire aux locomotives diesel et aux machines d'extraction. 

Le rail reste le premier moyen de transport du charbon, mais l'industrie envisage aussi le transport, moins onéreux, par voie d'eau et canalisations des boues de charbon.

L'extraction du charbon n'est pas sans inconvénients. Elle peut provoquer des effondrements qui tuent de nombreux mineurs, des atteintes aux paysages à cause des déchets entassés (terrils) et des mines à ciel ouvert. 

 

Pour approfondire la question : http://www.wolfatthedoor.org.uk   (en anglais et en français)

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Dernière mise à jour : 6 février 2006
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