Histoire de l'utilisation de l'énergie par les hommes.

Nous avons beaucoup à apprendre... encore davantage à nous souvenir.

Comme vous l'avez lu sur la page d'accueil, l'humanité a un problème avec l'énergie qu'elle consomme. A travers de nombreuses lectures et recherches sur ce thème je me suis dit qu'il serait intéressant de retracer l'usage de l'énergie aux différents âges de notre histoire. Par ailleurs il y a une question que je me pose depuis longtemps, et j'espère qu'à travers cette page vous y trouverez des éléments de réponse. Pourquoi sommes-nous aujourd'hui autant dépendants des énergies fossiles ? 

Commençons par définir ce qu'est l'énergie. L’énergie est une grandeur caractérisant un système et exprimant sa capacité à modifier l’état d’autres systèmes avec lesquels il entre en interaction. Cette définition est compliquée, je vous l'accorde, mais il n'est pas si aisée de définir ce concept. L'énergie est l'essence même de l'univers, comme le montre la célèbre équation d'Einstein E=mc² décrivant l'équivalence masse-énergie. 
L’énergie est un concept de base de la physique car un système isolé a une énergie totale constante. Il ne peut donc y avoir création ou disparition d’énergie, mais seulement transformation d’une forme d’énergie en une autre ou transfert d’énergie d’un système à un autre.
Toute forme de vie a besoin d’énergie, mais aussi de la puissance nécessaire pour maintenir cet apport énergétique à un niveau constant. La puissance est l’intensité du débit d’énergie utile. Dans la nature, la lutte pour la survie est en réalité une compétition entre des systèmes vivants cherchant à s’assurer un apport continu d’énergie utile. La grandeur et la décadence des civilisations humaines sont étroitement liées à cette compétition énergétique.

Il existe une multitude de formes d'énergie. On les classe habituellement comme ceci :
- Les énergies fossiles sont le charbon, le gaz, le pétrole.
- Les énergies fissibles sont représentées par l'uranium.
- Les énergies renouvelables sont la biomasse (bois), l'hydraulique, l'éolien, le solaire (thermique et photovoltaïque), les marées, la houle, les courants marins et la géothermie (de surface et de profondeur).
- L'énergie de transport est représentée par l'électricité.
- On peut aussi évoquer les formes de stocks de l'énergie que sont les barrages hydrauliques, la biomasse, l'hydrogène, les batteries chimiques, l'air comprimé et toutes les énergies fossiles et fissibles.

Rentrons maintenant dans le vif du sujet en commençant par les âges les plus reculés de l'humanité.

Étape chasseur cueilleur, la préhistoire

Il y a vingt millions d'années, de nombreux singes habitaient les forêts africaines. Puis, il y a dix millions d'années environ, les prairies commencèrent à remplacer les forêts et les ancêtres de l'homme quittèrent les arbres pour s'installer sur le sol. Les premier hominiens, les Australopithèques, apparurent en Afrique, il y a quelque cinq millions d'années. Ils marchaient sur leurs membres inférieurs, et ils se répandirent en Asie et en Europe.  Les premiers hommes, les premiers du genre Homo, sont apparus sur Terre il y a deux millions d’années. Les premiers Homo sapiens, les hommes modernes sont apparus vers 250 000 ans avant notre ère. Jusqu'à il y a 40 000 ans, la Terre a compté au maximum cinq millions d’humains. Cette faible densité humaine est due au fait que les chasseurs et cueilleurs sont dépendants de la lumière du moment qu'ils trouvent sous forme de gibiers et de baies sauvages. La chasse contribua à la dissémination des hommes dans diverses régions. Lorsqu'il n'y avait plus assez de nourriture sur un territoire, quelques-uns s'en allaient vers de nouvelles contrées. Au cours de cette étape la grande amélioration a été l’organisation collective de clan qui permis d’accroître la masse d’énergie à leur disposition. Quand on tuait un gros animal, on pouvait nourrir plusieurs personnes avec cette viande. Mais pour chasser le gros gibier, il fallait former des équipes et partager les différentes tâches. Cependant l'interdépendance entre les membres du clan restait faible car les tâches à accomplir peu nombreuses. Les institutions au sein des tribus étaient peu complexes. Tout cela supposait une certaine organisation qui favorisera plus tard la sédentarisation grâce à la maîtrise de l'élevage et de l'agriculture. 

Société pastorale et agricole

Sous la pression démographique l’élevage est né il y a 40 000 ans. La domestication des animaux permis de consommer davantage de lumière solaire récente contenue dans les végétaux. Les animaux sont un intermédiaire pour extraire la lumière solaire récente. Grâce à l’élevage, les hommes ont pu exploiter des terres jusqu’ici considérée comme pauvre en nourriture. Les hommes sont incapables biologiquement de manger de l’herbe et le gibier sauvage qui exploite la verdure a un rendement faible. L'élevage a donc permis une augmentation du débit d'énergie utile.
L’agriculture est née il y a 10 000 ans avec la domestication des plantes. On a commencé à cultiver les céréales en Afrique du Nord, au Moyen Orient, en Chine et en Inde. Les céréales étaient la grande force motrice des civilisations antiques. L’agriculture fut un plus à partir du moment où on a pu améliorer le rendement avec :

L’agriculture permit de différencier les fonctions au sein d’une société. Les surplus agricoles ont contribué à libérer un petit nombre d’individus du travail de la terre. Plus la société se complexifie, plus la masse d’énergie en circulation augmente et plus l'interdépendance entre des individus spécialistes s'accroît.


Les premières civilisations

Les Sumériens

L'un des empires les plus fascinants de l'histoire est l'Empire sumérien. Il se situait en Mésopotamie, région que nous appelons maintenant la Syrie, l'Irak et le Liban. Les Sumériens représentent les ancêtres du monde actuel, de ce que nous appelons, aujourd'hui, la civilisation occidentale.
Les Sumériens se sont développés grâce à la culture de l’Orge sur des terres irriguées. Ils représentent la première société moderne. Ils naquirent il y a environ 8000 ans et s’éteignirent il y a 4000 ans avant J.C.
L’irrigation largement possible dans le croissant fertile permit la culture de l’orge. Le rendement étant bon, ils dégagèrent des surplus alimentaires et grâce à eux ils ont pu poser les bases d’une société avec activité séparée. La métallurgie se développa grâce à ces hommes libérés des contraintes alimentaires. La maîtrise du métal permit la fabrication d’armes. Les guerriers purent ainsi envahir les peuplades voisines et capturer des esclaves et des terres. Le rendement agricole augmentait ce qui pouvait complexifier encore plus l’organisation de la civilisation.
Dans ces premiers millénaires est apparue la religion. Les prêtres qui n’étaient plus attachées aux contraintes alimentaires purent consacrer beaucoup de temps à l’observation du ciel et ils purent mieux prédire le moment des semailles. Les religieux ont donc joué un rôle important dans l’augmentation des rendements agricoles. Parallèlement à l’observation du ciel les hommes ont développé les mathématiques et l’écriture qui améliorèrent la transmission du savoir.
Pendant des milliers d'années, les Sumériens furent intimement convaincus de l'excellence de leur style de vie, à tel point qu'un de leur roi, le roi Gilgamesh, décida de défier le dieu des forêts, Humbala, en initiant l'abattage des forêts de cèdres du Liban. Ceci est relaté dans l'Épopée de Gilgamesh, la plus ancienne chronique écrite qui nous soit parvenue. Le Liban vit sa surface boisée passer de 90% à moins de 7% sur une période de 1500 ans, amenant une diminution de 80% des précipitations.  
Les Sumériens ont disparu il y a 4000 ans car ils ont abattu leurs forêts, ce qui modifia localement le climat et provoqua des  famines répétées. Ils reproduisirent leur expérience de la civilisation sur leurs voisins qui subirent le même sort. L’irrigation a salé les terres de cultures épuisées et les Sumériens disparurent en laissant derrière eux un désert que l'on retrouve aujourd'hui.

Les Grecs

L'effondrement de l'Empire mésopotamien correspondit à la naissance de la Grèce. Entre 2000 et 1500 av J.C., les Grecs adoptèrent, de façon extensive, des pratiques agricoles similaires à celles des Mésopotamiens. Les Grecs avaient une civilisation basée sur les métaux et la combustion du bois. Ils étaient très réputés pour leur maîtrise de l'alliage du bronze. Les forêts disparurent en suivant un schéma identique à celui des Sumériens. Vers 600 av J.C., la plus grande partie de la Grèce ressemblait à une gigantesque terre en friche, avec des collines dénudées dont la poussière se déversait dans les rivières envasées. Le climat se modifia, l’irrigation empoisonna la terre et la population grec déclina.
Aujourd’hui le seul arbre qui résiste est l’olivier car son enracinement puissant lui permet de tenir les sécheresses. Les Grecs, désespérés, avaient découvert que seul l'olivier pouvait pousser et prospérer sur les flancs fragiles des collines escarpées.

Platon écrivit dans son Critias : « Ce qui subsiste aujourd’hui, comparé à ce qui exista alors, est semblable au squelette d’un homme malade : toute la terre grasse et fertile a disparu et seules les grandes configurations du paysage sont conservées. »

Les Grecs ont donc répété une histoire qui s'était déjà produite auparavant. Les Romains auront une histoire similaire et cela doit nous montrer que l'histoire de ces civilisations doit être connue pour mettre en garde notre société actuelle d'un très probable déclin dont nous évoquerons l'imminence.  

L’ Empire romain, son expansion et sa chute

Les Romains connurent un scénario analogue à celui des Grecs, mais leurs besoins étaient encore plus grands (chauffage des termes, monnaie, bois de construction) et leur empire fut gigantesque au vu des moyens de transport de l’époque.
Rome a été fondée vers –550 avant Jésus Christ et est devenue une république en –509. 
La république s’est affirmée et Rome a entrepris peu à peu ses guerres de conquête, en Italie et au-delà. Entre –300 et –218 Rome conquiert l’Italie avec ses légionnaires. Grâce à leur science de la guerre ils ont pu partir à la conquête du monde antique. Les légionnaires ne sont pas des mercenaires, ce sont des citoyens volontaires qui s’engageaient généralement pour 25 ans. 
Ces conquêtes vont radicalement changer la vie des Romains qui n’étaient jusqu’ici que des paysans et des soldats. Les Romains avaient beaucoup appris des peuples anciens, notamment qu’en temps de guerre, il vaut mieux asservir l’ennemi, que l’éliminer. Les prisonniers de guerre sont affectés au travaux agricoles, dans les mines et au service des grandes maisons patriciennes. Ces premiers esclaves représentent une avancée considérable dans le confort de vie des Romains. Mais l’esclave est un capital qu’il faut nourrir et entretenir. Pour le maintenir les grands propriétaires terriens rachètent à bas prix les exploitations des petits propriétaires. Les petites exploitations morcelées font place à de grands domaines et les petits agriculteurs partent pour Rome ou pour les grandes villes. Là, ils constituent la « plèbe » des citoyens pauvres, vivant des secours distribués par les notables et bientôt par l’État lui-même.
Les besoins de Rome se trouvent alors augmentés, et le seul moyen de les satisfaire est de continuer les conquêtes. Rome entre dans une spirale de conquêtes militaires qui feront sa grandeur. Vers 150 avant J.C., les Romains colonisèrent le nord de l’Afrique, qui devint le grenier de l’Empire en produisant 500 000 tonnes de blé par an à l’époque de Jules César. Plus de 600 villes y étaient florissantes, mais, au fil des siècles, elles furent submergées par l’avancée vers le nord des sables du Sahara. Leurs ruines désolées sont des témoins de la lutte dérisoire de l’homme contre l’extension généralisée des déserts, phénomène qui n’est toujours pas élucidé.
En 167 avant J.C., les armées romaines prirent la Macédoine. La richesse du roi de Macédoine permit au Romains de ne plus imposer leur citoyen.
En 63 avant J.C., Jules César (101-44 avant J.C.) qui a sonné le glas de la république en devenant dictateur, conquiert la Syrie puis la Gaule. L’Empire romain était riche.
Le successeur de Jules César est l’empereur Auguste (63 avant J.C. 14 après J.C.). Il finit l’expansion de Rome avec la conquête de l’Égypte. L’Angleterre et le Maroc seront envahis entre 40 et 80 de notre ère. Rome domine alors le monde méditerranéen et occidental.

Économiquement parlant les conquêtes furent une réussite car les butins permirent de dégager des excédents qui pouvaient être réinvestis dans de nouvelles entreprises militaires. Entre les esclaves, les ressources minérales, les forêts et les terres arables, les richesses conquises assuraient à l’Empire un afflux d’énergie toujours plus important.
Le deuxième siècle après Jésus Christ est qualifié de siècle d’or. En 212, tous les hommes de l’Empire deviennent citoyens de Rome. L’Empire a sa plus grande étendue sous Trajan qui est au pouvoir de 98 à 117 après J.C., il s’étend jusqu’au Moyen-Orient. Rome compte 1 200 000 habitants dont 400 000 esclaves. Le latin et les voies romaines assimilent toutes les populations des territoires envahis. L’empereur dispose d’un pouvoir à l’égal des dieux.
Les Germains infligèrent les premières défaites militaires à Rome pendant le premier siècle de notre ère. Rome se fit alors plus économe et consacra l’essentiel de son énergie à la mise en place d’infrastructures lui permettant de préserver son territoire. Rome est passé d’un régime de conquête à un régime colonial. Ceci coûta de l’argent et Auguste institua un impôt de 5% sur les successions et les donations afin de financer la retraite du personnel militaire. Cette taxe provoqua la colère des Romains. L’Empire était en déficit car l’armée de 300 000 hommes se révéla être une lourde charge, alors que les Romains avaient de plus en plus un régime dépendant du budget de l’état. Sous le règne de Jules César, près d’un tiers des citoyens romains recevaient une forme ou une autre d’assistance publique. De 41 à 54 après J.C., plus de 200 000 familles recevaient gratuitement du blé distribué par le gouvernement. L’entretien de l’empire commença à coûter plus cher qu’il ne rapportait car le rendement des territoires annexés ne cessait de décliner. L’unique ressource énergétique dont pouvait disposer Rome fut l’agriculture.

La première grande invasion germanique date de 258 après J.C. . Rome commence sa décadence mais les causes profondes du déclin de Rome ne furent pas les Germains mais le déclin de la fertilité de ses sols et l’effondrement des rendements agricoles.
Au début de l’histoire romaine, l’Italie était une région riche en forêts. Lors de son effondrement la plupart des territoires méditerranéens avaient été déboisés. Au début les forêts converties en pâturages rapportaient beaucoup (en minéraux, en bois d’oeuvre pour construire les galères et en rendements agricoles), puis les sols subirent l’érosion et s’épuisèrent jusqu’à devenir infertiles.
Le bois devint une denrée rare autour de Rome. Les doublements successifs du prix du bois permettant de fondre l’argent provoquèrent une crise monétaire, première grande fissure de l’Empire romain.
L’entretien d’une classe urbaine non productive en pleine expansion représenta un lourd fardeau pour les petites exploitations. L’agriculture devient intensive et accéléra l’érosion des sols. Rome taxait les paysans indépendamment des récoltes. Comme les rendements agricoles baissaient, les paysans furent contraints à vendre leur petite parcelle à des grands propriétaires terriens, ce qui forma de vastes propriétés latifundiaires, qui élevaient du bétail car les cultures vivrières étaient impossible. Les paysans déracinés émigrèrent vers les villes où ils vécurent des aides publiques. Au IVéme siècle, plus de 300 000 Romains en bénéficiaient. L’assistance publique n’était pas le seul poste de dépense, il y avait l’armée, l’entretien des voies romaines et toutes les dépenses habituelles de fonctionnement d’un état. Le régime énergétique agricole atteignit ses limites.
Autour du bassin méditerranéen, près de la moitié des terres arables étaient abandonnées au IIIéme siècle. Toutes ces terres à l’abandon devinrent encore plus infertile et devinrent marécageuse dans les basses plaines. Les marécages ont été propice à la diffusion de la malaria qui entame les réserves d’énergie humaine, dont l'agriculture a grand besoin. Des épidémies de peste se déclarèrent au IIéme et au IIIéme siècle décimant jusqu’à un tiers de la population dans certaines régions de la péninsule. Ce déclin de la population fit sentir ses effets jusque dans les secteurs agricoles, administratifs et militaires.
En 313, l’empereur Constantin promulgua un décret imposant à certain nombre de fils de soldats de devenir automatiquement des conscrits, établissant ainsi un service militaire héréditaire. Constantin introduisit le système de la colonie agricole, qui revenait à enchaîner les travailleurs agricoles à la terre sur laquelle ils vivaient, ce qui s’apparentait au servage. Ce système survit à l’Empire et traverse le Moyen Age jusqu’aux grands décrets d’enclosure promulgués au XVIéme siècle dans l’Angleterre des Tudors. 
Au IVéme siècle, la population rurale s’était tellement réduite dans des proportions telles que, malgré les lois qui les liaient à la terre, les paysans n'étaient pas assez nombreux pour relancer la production agricole sur des terres arides. Rome se heurtait ainsi aux dures réalités qu’imposent les lois de la thermodynamique.
Affaibli par l’épuisement de ses ressources énergétiques, il commença à se désagréger. L’armée ne parvient plus à contenir les hordes de barbares et au VIéme siècle, les envahisseurs étaient aux portes de Rome, qui comptait alors 30 000 âmes.
En terme d’entropie ; le bilan était désastreux, la machinerie impériale avait engouffré les ressources énergétiques de l’espace méditerranéen, de l’Afrique du Nord et de vastes régions de l’Europe continentale, jusqu’en Espagne et en Angleterre. L’Empire laissait pour tout héritage la déforestation, l’érosion des sols et l’appauvrissement de populations éprouvées par les épidémies.

En guise de conclusion sur ces civilisations anciennes nous pouvons retenir plusieurs grandes idées que nous retrouverons par la suite :

Le Moyen Âge et les grandes découvertes

Le Moyen Âge paraît être une période trouble où l’humanité a peu évolué comparée aux années richissimes de l’Empire romain. La perception de cette période est qu’on a perdu 1000 ans entre la victoire de Constantin sur Maxence et le début de la renaissance. Au coeur du Moyen Âge il n’y avait que deux employeurs de niveau international pour ceux qui aimaient les défis : l’église et l’armée. Dans la société du Moyen Âge, l’église a tué la plupart des initiatives personnelles qui s’éloignaient du dogme. 

« On peut se demander si le dogme ecclésiastique et les régimes totalitaires de toutes sortes ne sont pas des réflexes des sociétés pour se protéger du manque de ressources, pour réagir à l’incapacité de s’organiser ou d’assurer un système de partage plus égalitaire. Est-ce à dire que dans le futur, si la rareté devient réalité, il faudra se résigner à vivre de façon austère, collectivement, sans aspirations individuelles ? » Gaëtan LaFrance

Pourtant un certain nombre d’inventions vont permettre à la population mondiale de passer de 500 millions d’habitants aux environ de l’an 1000 à un milliard en l’an 1800. L’extension des surfaces cultivées permit, sans conteste, le déblocage du système. Cette extension avec en parallèle une augmentation de la productivité agricole (le rendement agricole doubla entre le Xéme et le XIIIéme siècle) fut possible grâce à plusieurs améliorations.

Les méthodes de culture changent. Les engrais étaient insuffisants mais la rotation des cultures (l’assolement triennal des cultures) associée aux labours ont permis une augmentation importante du rendement de l'agriculture.

La métallurgie progresse considérablement.
La première amélioration concerne l’outillage. Le fer a remplacé le bois dans de nombreux outils. Cette évolution a été possible grâce aux progrès de la métallurgie rurale. On a pu l'améliorer grâce à l'usage de l'énergie hydraulique.
Les moulins ne sont pas seulement de beaux objets. Agents fidèles de la domestication des énergies naturelles, ils ont été les supports de l’activité économique de tout un terroir avant d’être réduits à leur triste marginalité actuelle. Outre le fer, le moulin permettait la fabrication du papier, de la farine de blé (L’eau permettait de mouvoir des meules en grès de 700 kg.), de l’huile végétale (noix en particulier), des tissus (les filatures). Les forges étaient à proximité de barrage et de moulin.  L’usage de la force hydraulique va jouer un rôle essentiel dans la métallurgie qu’il va élever au rang d’une industrie lourde. L’énergie hydraulique permet grâce à l’utilisation de soufflets d’obtenir une meilleur combustion du charbon de bois par un apport régulier d’oxygène. L’énergie thermique vassale de l’énergie hydraulique, cela fait sourire. 

L’approvisionnement en charbon de bois est essentiel aux forges. D’un volume réduit, transportable en sacs à dos de mulet ou de cheval, le charbon de bois est l’aliment de base des forges à haut fourneau ou à bas foyer. Pour faire du charbon de bois, les charbonniers constituaient des fosses où ils empilaient du jeune chêne, du hêtre, du charme. Après avoir constitué son foyer, le charbonnier l’entourait d’une couche épaisse de cendres et de terre, mais laissait une ouverture au sommet pour le tirage. Lorsque la combustion était arrivée à maturité, le foyer ayant fortement diminué de volume, le charbonnier étouffait le feu en bouchant l’orifice supérieur. Ces campagnes se déroulaient en août, septembre et octobre, au moment où les bois étaient le plus sec.
En 1771, la forge de Montclard consomme en deux fondages « tous les bois de son voisinage à une lieue à la ronde, il faut qu’elle attende ensuite au moins dix ans sans rien faire, afin de laisser revenir le bois… ». Ceci illustre la concurrence qui régnait entre les forges et la nécessité d’utilisé plus tard d’autres combustibles.

Grâce aux progrès de la métallurgie, la charrue, la herse et la faux ont représenté une révolution dans les pratiques agricoles. La diffusion de la charrue a permis de livrer à la culture les grandes plaines de l’Europe du Nord, les forêts et les marécages. La charrue permet de retourner le sol en profondeur et un drainage plus efficace. La faux est apparue en France au XVIIIéme siècle.

La productivité animale a été augmentée.
Le couple cheval charrue remplace le vieil attelage boeuf araire. Cette évolution a été possible encore une fois grâce aux progrès de la métallurgie rurale. Elle a permis le ferrage des sabots des chevaux de trait. S’ajoute à cette amélioration l’adoption de l’attelage en ligne pour les chevaux, plus efficace que l’attelage côte à côte avec des boeufs. Les harnais fixés autour du cou du cheval qui l’étranglaient lorsque l’effort demandé devenait trop considérable, disparaissent au profit du collier. Grâce au cheval et à ces nouvelles techniques, la force mécanique se trouvait multipliée par 7,5.

Les moulins à eau se développèrent au Moyen Âge. Ils ne s’étaient pas développés avant car les antiques disposaient d’esclaves et les besoins étaient moindre. Un moulin vaut le travail de 100 hommes, environ 2 à 3 chevaux de puissance. Un homme vaut 0.1 cheval pendant 10 heures. 

C'est seulement au Moyen Âge, que les moulins à vent font leur apparition en Italie, en France puis en Espagne et au Portugal. On les rencontre, un peu plus tard, en Grande-Bretagne, en Hollande et en Allemagne. On pense que leur introduction en Europe est due aux Croisés revenus du Moyen-Orient. Les moulins servent principalement à moudre du grain et surtout du blé. Les Hollandais développèrent les moulins à vent qui permettaient de s’affranchir des moulins hydrauliques possédés par les seigneurs. Ils s'en servirent à partir de 1350 pour l'assèchement des polders. Les moulins étaient accouplées avec des roues à godets ou à des vis d'Archimède qui peuvent élever l'eau jusqu'à cinq mètres. On les emploie également pour extraire l'huile des noix et des graines, pour scier du bois, pour transformer les vieux chiffons en papier, pour la préparation des poudres de couleur entrant dans la composition des teintures et pour la fabrication du tabac à priser qui remplaçait les cigarettes autrefois. Les chinois ont découvert la poudre à canon. La chimie et la sidérurgie servent à fabriquer de nouvelles armes, ce qui annonce les gigantesques boucheries que nous avons connu au cours du XXéme siècle. 

Au Moyen Âge, l’énergie de base était le charbon de bois, car il était facile à transporté. Grâce à lui les hommes ont pu améliorer considérablement l'agriculture comme nous l'avons vu précédemment. On a commencé à utiliser le charbon dans les hauts fourneaux et aussi pour le chauffage il y a environ 900 ans. Ceci réduisit la dépendance des hommes à l'égard du bois. Ils purent déboiser davantage pour satisfaire leur besoin alimentaire. La déforestation permettait également d’approvisionner en cendres végétales les industries artisanales, notamment la verrerie et la fabrication du savon. Le principal écueil sur lequel butaient les Moyen Âgeux restait le transport terrestre du combustible et des marchandises, problème qui sera résolu par la révolution industrielle.

La révolution industrielle avec le couple charbon / vapeur

Au XIVème siècle, l’Europe se trouva confrontée à un problème d’entropie : une population qui ne cessait d’augmenter consommait les ressources énergétiques à un rythme supérieur à celui du renouvellement naturel. La tendance générale à la déforestation et à l’érosion des sols fut ainsi à l’origine d’une crise énergétique. Le bois ne servait pas que comme combustible. Il était un matériau de base pour réaliser les outils, les charpentes, les chaussures, les navires, les pressoirs, les canalisations… Le bois constituait la principale ressource industrielle de cette époque.
Entre 1550 et 1680, l’Angleterre subit une crise du bois de feu. Son prix fut multiplié par sept. La marine anglaise exerça la plus forte ponction sur les forêts. En Angleterre d’abord, puis sur le continent, le charbon remplaça progressivement le bois.
Le charbon fut utilisé et au cours du XVIIème siècle le coût du bois s’est stabilisé.
Le charbon était utilisé depuis longtemps par les Romains et les Allemands, mais l’odeur de sa combustion n’était pas appréciée. Il apparut d’abord comme une ressource énergétique inférieure, difficile à extraire, à transporter et à stocker, salissante à manipuler et polluante à brûler. Avec le charbon, les hommes sont passés d’une énergie renouvelable (le bois) à une ressource fossile (le charbon).

Au début le grand atout du charbon était son prix, et en particulier son coût de transport faible car souvent maritime. Le charbon avait d’autres avantages. C’était une énergie plus compacte et la température de chauffe était plus grande et maintenue plus longtemps. Le charbon devint populaire grâce à son utilisation en éclairage : le gaz de houille.
En 1840, les mines de charbon nécessitent de la main d’oeuvre et ont fait travailler des enfants qui sont à la merci des coups de grisous. Dans les 40 années suivantes, le travail n’allait pas manquer. En 1860, on a produit 130 millions de tonnes de charbon, en 1900, on en a produit 700 millions ! Vers 1880, le charbon a dépassé le bois comme source d’énergie.

Parallèlement à l’exploitation du charbon, les progrès de la métallurgie permirent la construction des machines à vapeur. La première fut mise au point par New Comen en 1705 et ensuite par Watt.

L’exploitation minière n’était pas une mince affaire. Une fois épuisée la couche de charbon affleurant à la surface du sol, les mineurs devaient descendre plus profond. Au delà d’un certain seuil, on atteignait le niveau des eaux, et le drainage devenait un des principaux obstacles à l’extraction. En 1698, Thomas Savety breveta la première pompe à vapeur, dotant ainsi les mineurs d’un outil permettant de ramener l’eau à la surface et d’extraire le charbon gisant à de plus grandes profondeurs.
Pour transporter le charbon, les chevaux étaient inadaptés et les hommes pour résoudre ce problème ont mis au point la première locomotive, une machine à vapeur montée sur des roues d’acier.
Les progrès humains s’apparentent davantage à un tâtonnement fait d’expérimentations et d’échecs, souvent motivé par le désespoir. L’ingéniosité est la fille de la nécessité.
Vers 1880, les bateaux à vapeur détrônèrent les voiliers. Le boom du chemin de fer dut attendre 1840 – 1873. Son développement a été un incroyable moteur pour l’économie. Entre 1850 et 1860, on posa 33 000 km de rails. A prix égal, le rail permettait de transporter le triple du chargement embarqué à bord d’une péniche. En 1891 le Pennsylvania Railroad employait 110 000 personnes presqu’autant que le gouvernement fédéral de l’époque.
L’historien économique Alfred Chandler souligne que les chemins de fer furent la première entreprise commerciale moderne à séparer la propriété de la gestion. Il a fallu définir la hiérarchisation, le niveau d’autorité entre les cadres…
Les économies d’échelle et de temps furent déterminants pour le développement des chemins de fer et du télégraphe aux Etats-Unis.

Les combustibles fossiles favorisaient les grosses usines (et donc le capital) au détriment des petits ateliers.
Le métal était devenu le matériau universel et on lui doit la tour Eiffel et de nombreux ponts et navires métalliques.
La Chine consommait la moitié de l’énergie mondiale au début du XVIIIème siècle. Avec l’arrivée du couple charbon vapeur, c’est au tour de l’Europe.
Le trio charbon métal vapeur est à l’origine de la division et de la mécanisation du travail.
La révolution industrielle est devenue démographique. Entre 1800 et 1900, l’Europe passe de 146 millions d’habitants à 295 millions. Sur la même période, l’Amérique du Nord voit sa population passer de 5 à 75 millions d’habitants.
La guerre de 1870 plonge l’Europe dans la crise alors que la concurrence impose déjà tant de sacrifices aux travailleurs. Depuis 1873, la dépression économique frappait l’Europe et beaucoup ont embarqué pour l’Amérique.
Tout devait être rationalisé pour assurer de meilleurs rendements.
Frederick Taylor rationalisa le comportement humain. Il chronométrait les gestes effectués en usine. 
Le chemin de fer permit l’établissement des fuseaux horaires mondiaux en 1884. Greenwich fut retenue pour marquer la longitude zéro.
En Amérique, le pétrole changeait les règles du jeu et l’Europe allait devoir suivre. Le moteur à combustion était au point et tout semblait s'accélérer.

L'ère du pétrole

Ernest Bevin remarqua un jour que « si le royaume du ciel fonctionne à la vertu, le royaume terrestre tourne au pétrole. » 

Le pétrole, ou plutôt l’un de ses dérivés naturels, le bitume, est déjà connu du Proche-Orient ancien, où il sert de mortier aux constructions babyloniennes et de produits de calfatage aux navires des Phéniciens. C’est ainsi qu’Homère mentionne les « noirs vaisseaux » de ces derniers dans l’Odyssée. Les Égyptiens momifiaient leurs morts en les badigeonnant de pétrole. 
Il servait à l’éclairage dans les zones où il affleurait à la surface du sol. Il restait peu utilisé à cause de la mauvaise odeur que dégage sa combustion.
La production de pétrole est rudimentaire. Généralement, les prospecteurs reprennent la tradition des Indiens Senera : ils étendent une couverture sur l’eau où le pétrole affleure, la laisse s’en imprégner, puis l’essorent dans un récipient ; ou bien, comme on le voit encore faire en 1833, ils raclent des cartons laissés à tremper dans cette eau. Les petites quantités ainsi récupérées servent essentiellement à la confection d’ « huiles médicinales », vantées par des charlatans qui parcourent le pays pour écouler leur élixir miracle.
Depuis de nombreuses années déjà, les chercheurs d’eau salée ont mis au point un système de forage pour récupérer la saumure dans les profondeurs du sol, et ils ramènent de plus en plus fréquemment à la surface du pétrole infiltré dans l’eau.
On peut citer de nombreux exemples. Celui de l’Américain Well est resté célèbre : un forage d’eau de saumure du Kentucky atteint une poche de brut en 1829 et libère le pétrole avec une telle violence que des geysers de dix mètres de haut jaillissent du puits. Plus de mille barils par jour sont produits à cette occasion, avant le tarissement de la poche trois ou quatre semaines plus tard.
La première compagnie pétrolière, la Pennsylvania Rock Oil Company est fondée par deux Américains, Georges H. Bissel et Jonathan G. Elvereth, en 1854. Les deux hommes entendent se lancer de manière systématique dans la récupération de l’ « huile de pierre » et dans le lucratif commerce des huiles médicinales, ainsi que tout autre sous-produit du pétrole. Ils acquièrent le bail de terrains situés à Oil Creek, près de Titusville, Pennsylvanie, où les affleurements de pétrole brut les assurent d’une source d’approvisionnement sûr.
Avant d’envoyer un de leurs employés, William Drake, à Titusville, les deux entrepreneurs donnent à analyser un échantillon de pétrole brut à Benjamin Silliman Jr, un célèbre professeur de chimie générale et pratique de l’université de Yale, pour qu’il leur indique les propriétés commercialisables du produit.
Le rapport Silliman a des conséquences décisives pour l’avenir de l’industrie pétrolière. Personne avant lui n’avait pris conscience de son potentiel industriel. Silliman révèle qu’il s’agit d’un excellent produit lampant, susceptible d’être utilisé comme produit de substitution au gaz d’éclairage, et d’un lubrifiant exceptionnel, ce qui ne manque pas d’encourager les deux hommes d’affaires, qui dépêchent Drake à Titusville avec mission de forer.

Drake entreprend donc de dresser un puits de pétrole, le premier de l’histoire. La nouvelle technique d’extraction pétrolière de Drake ressemble en tout point à celle des foreurs d’eau de saumure. Il achève la construction du puits au mois de mai 1858. Il s’équipe d’une machine à vapeur pour fournir l’énergie nécessaire à la foreuse. Le forage commence vers le milieu du mois d’août 1859. La tête de la foreuse atteint le gisement dans l’après midi du 27 août. L’annonce de la découverte provoque, dans les semaines suivantes une ruée vers la Pennsylvanie comparable à la ruée vers l’or californienne.
Ce n’est qu’à partir de la découverte de pétrole à Titusville, en Pennsylvanie d’Edwin Laurentin Drake le 27 août 1859 que démarre l’ère du pétrole. Drake était un conducteur de locomotives à la retraite et un original qui se faisait appeler « le colonel ». En utilisant un matériel de forage de fortune il trouva du pétrole à 21 mètres sous terre. Le débit de pétrole remontant à la surface atteignait 20 barils par jour.

A ses débuts le pétrole n’intéressait pas beaucoup de monde. On s’en servait pour l’asphalte, les lampes, les engrenages et comme substitut de la térébenthine pour l’armée. Le premier brûleur à huile fut breveté en 1861 et on commença à expérimenter le pétrole dans tous les domaines avides d’énergie. On l’essaya comme combustible dans les locomotives (consommation : plus de 10 litres de pétrole au kilomètre ! ou une tonne de charbon à l'heure...) et les navires. Le distillat léger servait à l’éclairage, mais l’électricité arrivait et Edison avait mis au point la lampe à incandescence.

Les champs pétrolifères représentaient un véritable gâchis car les derricks faisaient jaillir du pétrole à la surface sans qu’on puisse l’emmagasiner. Pour pallier à ce problème les hommes ont conçu rapidement les outils nécessaires à l’industrie pétrolière, notamment ceux qui permettent de transporter cet or noir. Le premier pipe-line est construit au États Unis par Van Sickle en 1874. Alfred Nobel construit en 1876 un pipe-line en Russie d’Europe. Le premier tanker destiné à transporter du pétrole brut est construit en 1877.
L’industrie de l’alcool avait tout juste développé un appareillage pour la distillation. On l’appliqua au pétrole. A partir du pétrole brut on obtient du kérosène, le concept du raffinage était né. En 1886, le premier brevet pour le craquage du pétrole est déposé par les Américains Benton et Pielsticker.
L’idée de développer un moteur à combustion interne commence à se préciser au cours du XIXème siècle. Ce type de moteur s’oppose à la machine à vapeur qui fonctionne par combustion externe (de bois ou de charbon). Le développement de cette technologie nouvelle sera relativement long. Les premiers moteurs se révèlent peu économiques en combustible et peu puissants. Le principe du moteur quatre temps est énoncé en 1862 par le Français Alphonse Beau. Le premier moteur à gaz quatre temps est construit en 1878 par l’Allemand Nikolaus August Otto.
Il faudra attendre 1885 pour que le premier moteur à essence voit le jour dans les ateliers des Allemands Carl Benz et Gotlieb Daimler. L’Allemand Rudolf Diesel dépose le brevet du moteur du même nom en 1892. C’est le moteur Diesel, qui devient au XXème siècle le moteur de prédilection sur les navires, les sous-marins, les locomotives et les camions, ainsi qu’un auxiliaire précieux pour l’industrie et pour l’armée.

John Davison Rockefeller se présenta à Oil Creek Valley. C’était un ancien employé comptable originaire de Cleveland. Il installa à Cleveland une raffinerie et son idée était de contrôler le transport de cette énergie. Il passa un contrat très avantageux avec les compagnies ferroviaires et put fonder la Standart Oil Company en 1868. En 1870, la compagnie contrôlait la moitié des raffineries américaines, et en 1879 elle en contrôlait 95%. Par la suite il acheta des champs de pétrole de manière à maîtriser toute la chaîne de production de produits pétroliers.

En 1896, on réalise le premier forage pétrolier offshore en Californie, depuis des jetées de bois avancées dans la mer. Le système est rapidement introduit en Louisiane et au Venezuela.
En 1906, le pouvoir de Rockefeller sur le marché du pétrole américain était devenu tel que le gouvernement engagea une action en justice en vertu du Sherman Anti-Trust Act. En 1911, le groupe Standart Oil fut démantelé par la Cour suprême.
Sous Rockefeller le pétrole était vendu à bas prix, ce qui permit sa démocratisation. Après le démantèlement de sa compagnie, les prix fluctuèrent pendant vingt ans.
Le pétrole montra son importance et sa supériorité lors des deux guerres mondiales.
Churchill convertit un peu avant la guerre 14-18 la marine britannique au fuel. Il est convaincu de la supériorité du pétrole sur le charbon en mer. Le pétrole permettait la construction de navires plus légers, plus rapides et facilement ravitaillables en pleine mer. Cinq navires à mazout sont construits en 1912.
La première guerre mondiale fut une guerre modifiée par le pétrole. Grâce à ce combustible elle était mondiale et dura peu de temps.
Les anglais mirent au point les tanks et démontrèrent à tous la supériorité du pétrole en mer. Lord Curzon proclama que « La cause alliée avait atteint la victoire, portée par une vague de pétrole ».
Les navires, les locomotives, les camions et les avions dépendaient du pétrole et avaient surpassé le charbon.
Après la guerre un vent de changement technologique et social soufflait partout. En 1920 la production mondiale de pétrole atteint 100 milliards de tonne. L’automobile se démocratise. Ford voulait « vendre une automobile à tout le monde ». En 1916, les États Unis comptaient 3.4 millions de voitures, en 1930 il y en a 23.1 millions. L’automobile est le plus gros dévoreur de matières premières. Elle permit le développement des banlieues pavillonnaires.
Les États Unis sont devenus la première puissance industrielle du monde parce qu’ils disposaient d’importants gisements de pétrole. Les puits de pétrole du Texas et l’usine Ford étaient les symboles des États Unis.
La crise de 1929 révèle un cycle infernal de croissance consommation.
La première plate-forme pétrolière équipée d’une barge semi-submersible est mise en place en 1932 sur la côte ouest des États Unis.
Keynes explique en 1936 que l’insuffisance de consommation entraîne le sous emploi.

De 1930 à 1973 le pétrole est gérée par les 7 Majors, les plus grandes compagnies pétrolières.
  • Standart Oil (New Jersey, USA)
  • Socony Mobil (USA)
  • Standart Oil (Californie, USA)
  • Gulf Oil (USA)
  • Texas Company (USA)
  • British Petrolium (GB)
  • Shell (GB et NL)

Après la défaite de l’Allemagne en 1918, Hitler comprit qu’il fallait disposer d’une armée mobile. Le pétrole dévorée par la machine de guerre allemande devait provenir du charbon extrait des mines allemandes (pétrole synthétique) et des champs pétrolifères du Caucase qui seraient obtenus en envahissant la Russie. L’Allemagne développa une très importante filière de production nationale de pétrole synthétique. En 1940, les raffineries allemandes produisent 72 000 barils de fuel synthétique par jour, soit 46% de tout l’approvisionnement de l’Allemagne. En 1944, 92% du carburant aérien provenait du charbon.
Les Japonais ont attaqué les États Unis car ils avaient besoin de pétrole. Il fallait anéantir la flotte américaine pour s’emparer du pétrole d’Indonésie. En 1945, les Japonais n’avaient plus de pétrole, ils ont alimenté leurs avions avec du carburant produit à partir des racines de pin.
C’est à la fin de la seconde guerre mondiale que le pétrole détrône le charbon comme source principale d’énergie dans le monde.

Le pétrole représente un véritable Empire, une Amazone pétrolière. Cet Empire comprend les puits de pétrole, les raffineries, les compagnies pétrolières, les pipelines, les réseaux de transport terrestres, les tankers maritimes, les camions citernes, les stations services et les divers noeuds de communication qui s’assurent que le flux de combustible alimente en permanence ce réseau complexe parfaitement coordonné. Les connaissances requises pour exploiter le pétrole nécessitent des investissements beaucoup plus lourds que par le passé. Les coûts d’activation sont très élevés, c’est-à-dire l’argent qu’il faut dépenser pour pouvoir exploiter le pétrole. Plus il est difficile d’extraire et d’utiliser une énergie, plus la société est hiérarchisée et centralisée. La civilisation du pétrole est la plus centralisée que l’histoire ait connue. Ce réseau a inspiré un bon nombre d’autres secteurs comme les chemins de fer et le télégraphe.

Une des difficultés des équipes coordonnants le flux de pétrole est qu’il existe plusieurs types de pétrole. Les compagnies pétrolières classent le brut en fonction de sa gravité, de son indice de viscosité et de sa teneur en soufre. Les raffineries sont conçues pour traiter des pétroles spécifiques. Trop de soufre corroderait les tuyaux des raffineries inadaptées.
Les ventes de pétrole subissent des variations saisonnières. On consomme davantage d’essence l’été et de fioul l’hiver. L’industrie pétrolière s’apparente à un pipe line, il faut assurer le flux. Le pétrole est une marchandise qui fonctionne en flux tendu du puits au consommateur. Les stocks ne dépassent pas l’horizon de quatorze jours.
Les Américains s’allie avec le maître d’Arabie car ils ont besoin de pétrole.
Après la guerre, les tracteurs se vendent dans les campagnes, la main d’oeuvre devient moins essentielle. On assiste à un exode rurale massif dans les pays industrialisés. Heureusement la ville génère de nombreux emplois avec cette main d’oeuvre nouvelle. Il faut construire les logements de tous ces futurs citadins. Ce qui fut une révolution et un paradoxe, c’est que les villes étaient plus confortables que la campagne alors qu’elles ne produisent pas de biens primaires.

Dans les années 1960, les sociétés modernes réalisent qu’elles ne pourraient survivre que quelques mois sans pétrole et les pays créent des agences de l’énergie, c’est le début de l’interventionnisme en matière d’énergie et surtout d’isolation, mais c’est déjà trop tard car trop de bâtiments mal conçus ont été construits pour satisfaire les besoins d’une population vidée par la guerre. La télévision entraîne une révolution de l’éducation.
1969 voyage vers la lune. L’homme n’a jamais été aussi loin.
Le Club de Rome à Boston sort un rapport alarmant qui décrit que notre croissance nous emmène dans le mur en l’an 2000.
Cela va trop vite, les jeunes anxieux se retrouvent dans les mouvements écologistes et dans les mouvements pacifiques. C’est la génération peace and love.
En 1970, les Majors passent le flambeau de la régulation de la production du pétrole à l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (l'OPEP). En 1973 le cours du pétrole flambe, il est multiplié par quatre, les pays industrialisés prennent peur. Les gens changent peu leur comportement de consommateur suite à cette crise car il faut maintenir la croissance. Autour de 1974-1975 toutes les compagnies pétrolières ont réalisé des forages sur toute la planète. Ces forages ont permis de trouver d’autres gisements de pétrole qui ont permis une stabilisation relative des cours et ceci rassura tout le monde.
Depuis le choc pétrolier de 1973, le charbon est revenu. Plusieurs raisons l’explique :
- C’est l’énergie la moins coûteuse.
- Les réserves sont énormes (240 ans).
- Les réserves sont équitablement réparties entre les continents, sauf l’Afrique.
- Le charbon est sous contrôle local.

Le rail et les transports en commun sont concurrencés par la voiture particulière à partir de 1975. Entre 1973 et 1983, la consommation mondiale de pétrole est la même 3 milliards de baril par an. En 1985, c’est le contre choc pétrolier. Le prix du pétrole baisse. Entre 1982 et 1989, l’économie surchauffe à nouveau.

L’énergie bon marché est un droit, si on se fie aux réclamations des camionneurs lorsque le prix du carburant subit des hausses. Même son de cloche côté syndical, les salariés doivent disposer d'une énergie bon marché pour se rendre au travail.
L’informatique a aplati la hiérarchie organisationnelle. La hiérarchie a laissé sa place à des réseaux. 
Le problème actuel est que la concentration du pouvoir entre les mains d’un petit nombre d’institutions entraîne toujours un manque de flexibilité face aux défis nouveaux et une plus grande vulnérabilité aux chocs externes et internes.

1999 et 2000 création des Super majors comme Total Fina Elf par exemple. Chaque société est équivalente au société d’état des pays producteurs. Ces grosses compagnies ont vu leurs bénéfices progressés de 150% alors que les autres entreprises baissent leurs revenus en parallèle.

Prix du pétrole et fusions de compagnies pétrolières

On constate par ailleurs un rapport frappant entre le prix du pétrole et les fusions de géants, qui ont particulièrement marqué ce secteur. En août 1988, alors que l'or noir coûtait environ douze dollars le baril, British Petroleum fit l'acquisition d'Amoco, l'une des plus grandes compagnies américaines dotées d'importantes ressources en pétrole et gaz naturel domestiques. En novembre de cette même année, deux autres fusions géantes furent annoncées : Exxon acquit Mobil et Total acheta Petrofina. Ces trois fusions, ainsi que l'achat de Texaco par Chevron en octobre 2000, se sont traduites par une consolidation considérable du cartel pétrolier. Les Sept soeurs ne sont plus que cinq : Royal Dutch/Shell, BP, ExxonMobil, ChevronTexaco et Total (qui absorba aussi Elf Aquitaine). Déjà en 1984, Chevron avait acquis Gulf Oil.

Devant débourser des sommes astronomiques pour réaliser ces fusions, les géants pétroliers sabrèrent leurs investissements physiques (exploration, production, raffineries). Le Wall Street Journal (1er juin) observait qu'en périodes de pénurie et de prix élevés, la réaction normale de l'industrie pétrolière avait toujours été d'investir plus dans l'exploration et d'augmenter la production - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. ExxonMobil et ChevronTexaco, entre autres, ont « dit et répété qu'ils ne modifieraient pas leurs dépenses pour cette année ».

Pour ce qui est des capacités de raffinage, la situation est encore pire. Au cours des 20 dernières années, les investissements dans ce domaine aux Etats-Unis ont été presque nuls, en grande partie à cause des activités de fusions. Au cours de cette même période, le nombre de raffineries a chuté de 60% et la capacité totale est passé de 20 millions de barils par jour au début des années 90 à moins de 18 millions aujourd'hui. Par conséquent, les Américains ont commencé à acheter de l'essence à Rotterdam en quantités énormes, faisant monter les prix en Europe. Aux Etats-Unis aussi, le prix à la pompe explose. Le ministre américain de l'Energie, Spencer ABRAM, a convoqué le 4 juin une réunion d'urgence avec les directeurs de l'Institut pétrolier américain et de l'Association nationale des pétrochimistes et raffineurs, les exhortant à faire tourner au maximum absolu les raffineries afin d'empêcher des pénuries d'essence pendant la période forte des vacances d'été. Pourtant, faire tourner à fond ces installations est toujours très risqué, en raison du danger d'incendies et autres accidents qui finissent par paralyser la raffinerie. Alors que les consommateurs doivent payer un prix exorbitant, les raffineurs américains empochent leurs plus forts gains depuis 15 ans.

 

En quoi sommes nous des drogués du fossile aujourd'hui ?

Notre consommation de pétrole est de 24 Milliards de baril par an et nos réserves sont évaluées à 900 Milliards de baril. 
Le pétrole nous est vital aujourd’hui dans de nombreux domaines. Cette énergie qui fait avancer nos voitures, nos avions ou nos camions; qui chauffe nos maisons et nos bureaux ; qui nous nourrit grâce aux engrais et à la mécanisation de l’agriculture ou de la pêche et qui nous procure les matières plastiques. C'est le pétrole.
Nous avons en outre inventer les moyens les plus incroyables pour le gaspiller. Que penser de la tondeuse à gazon, polluante, bruyante et inutile ? ou du pousse feuille deux temps qu'utilisent les agents d'entretien des parcs urbains ?  et tous ces sports mécaniques ?
Le pic de la courbe de production globale de brut conventionnel s’annonce sur le fond de deux autres phénomènes dont les effets sont potentiellement déstabilisants : la montée du fondamentalisme islamique au Moyen-Orient et ailleurs, et le réchauffement de la planète.

Toutes les conditions semblent se réunir pour annoncer le déclin de la civilisation de l'ère du pétrole. Par quelle civilisation sera-t-elle remplacée ?  Nous ne pouvons pas attendre tout de la technique ou de la science, il faudra chercher en nous-même la plupart des réponses à nos questions. Moins et mieux consommer semble vital.

Eric Souffleux

Bibliographie :

BROOMHEAD Laurent, La Préhistoire, Paris, France Loisirs, 1982.
HARTMANN Thom, Les dernières heures du soleil ancestral, Québec, Edition Ariane, 2002.
LAFRANCE Gaëtan, La boulimie énergétique, suicide de l’humanité ?, Québec, Canada, Editions multimondes, 2002.
LE GOURIERES Désiré, Energie éolienne, Mayenne, Eyrolles, 1981.

MIQUEL Pierre, Au temps des Romains, Paris, Edition Hachette Jeunesse (collection La Vie privée des Hommes),1986.
RIFKIN Jeremy, L'économie hydrogène, Saint-Amand-Montrond, Editions La découverte, 2002.
WINDROW Martin, Les légionnaires romains, Paris, Editions Hachette Jeunesse (collection Ma Première Vie privée des Hommes), 1985.

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Dernière mise à jour : 6 février 2006
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