Une serre à tomate est-elle un puit de carbone ?
Présentation de la serre
Dans le cadre de ma formation en maraîchage, j’ai pu faire un stage de quatre semaines dans une serre à tomate. Ce stage s’est déroulé en deux périodes : du 5 au 23 décembre 2005 et du 2 au 6 janvier 2006. L’entreprise qui m’a accueillie se situe dans la région nantaise. A l’occasion de ce stage, j’ai également pu assister à une réunion de synthèse animée par un spécialiste international des serres. Vous retrouverez à travers cette page les trucs de terrain qu’il nous a enseigné.
Cette exploitation dont je souhaite garder l'anonymat pour des raisons évidentes de confidentialité compte deux hectares de serre et produit uniquement la tomate en hors sol. L’exploitation fait partie d'un groupement de producteurs qui s’occupe de trouver des débouchés aux légumes produits. Une plate-forme de chargement de semi-remorques est en projet non loin de la serre.
L'exploitant est assisté de ses parents dans certaines tâches et emploie 6 salariés permanents, plus une dizaine de salariés saisonniers l’été. Certaines années, c’est plus de trente personnes qui sont passées travailler dans l’exploitation.
L’exploitation compte trois serres, nommée par des numéros :
La densité moyenne des plants de tomate va de 2.4 à 3 par m². Pour les calculs de rendement, les exploitants comptent une surface totale de 19634 m²
Grâce au dessin ci-dessous, vous pouvez vous rendre compte de l’organisation géographique de l’exploitation.
L’exploitation comporte deux chaufferies brûlant du gaz. Le local technique de la chaufferie n°2 comporte un bureau avec l’équipement informatique et aussi tous les outils permettant de filtrer l’eau de l’étang et d’y ajouter les engrais. Le hangar abrite une trieuse/calibreuse à tomate ainsi qu’une chambre froide permettant de stocker jusqu’à 30 tonnes de marchandises.
Présentation de l'environnement immédiat d'un pied de tomate
Dans les serres, il y a deux formes de mise en place. Dans les serres anciennes (1 et 2) les pains de laine de roche sont posés directement sur une bâche au sol. Dans la serre n°3, plus moderne et surtout plus haute, les pains ont été installés sur des gouttières.
Vous pouvez voir sur ce schéma comment sont installés les pieds de tomate
dans une serre moderne, ici la serre n°3. Dans l’environnement immédiat du
pied, on trouve 2 zones de chaleur : les forcas (longs tuyaux suspendus aux
poutres par des câbles) et les rails sur lesquels roulent les chariots
nécessaires à la maintenance et la récolte.
Les goutteurs sont reliés par des capillaires à un tuyau mère posé
simplement dans les gouttières. Lorsque les pains débordent, l’eau tombe
dans les gouttières et est évacuée. L’intérêt des gouttières est énorme
car il évite que des flaques s’accumulent sur la bâche, empêchant ainsi l’émergence
de maladie dans la serre.
Les cubes sur lesquels sont les plants font 10 cm de côté. Lorsqu’il y a deux pieds sur un même cube, il vaut mieux avoir un pavé de 10 * 15 cm.
Étude des contraintes culturales
La production des tomates hors sol exige des conditions de culture particulières que l’exploitant devra réunir s’il veut espérer dégager un bénéfice. Le rendement de ce type de culture est de 45 à 55 kg par m². En 2005, le rendement a été exceptionnel, puisqu’ils étaient à 56 kg par m².
Quelles sont les conditions idéales pour obtenir de tels rendements ?
Température ambiante
Sur ce graphique, je vous présente l’évolution de la température au cours d’une journée d’hiver (janvier à février). Il faut maintenir la serre à 17°C la nuit. La température doit monter à 19°C au cours de la journée et atteindre un pic à 21°C pendant deux heures lorsque le soleil est au plus haut dans le ciel. Ce pic est nécessaire à la floraison.
Au cours du printemps, alors que la récolte a déjà bien commencée, la température le jour peut atteindre 23 – 25°C avec un pic à 27°C. L’été, il faut savoir que la température à l’intérieure de la serre est plus basse qu’à l’extérieur dès lors qu’il fait plus de 30°C à l’extérieur. Cet écart de température est du à l’importante surface foliaire qui créé une zone froide sous les feuilles. La forte hygrométrie participe également au refroidissement de la serre. Il est en effet plus difficile de chauffer de l’eau que de l’air. Il faut ajouter aussi que l'été, les serres sont recouvertes de blanc d'Espagne (de l'eau avec de la chaux), ce qui diminue l'impact du rayonnement solaire.
La température de l’eau atteint dans les tuyaux 45 à 50°C le jour et 35 à 40°C la nuit. Les forcas sont toujours plus chauds que les rails. Lorsqu’il gèle très dur (sous les -2°C), la température peut monter à 80°C pour conserver les 17°C de température minimum.
Plus les plants sont proches des tuyaux d’eau chaude, plus il y a des risques de fragilité. L’idéal est de suspendre les plants à 70 cm de hauteur avec une gouttière. Les ventilateurs sont alors placés sur le sol ce qui évite le brassage de l’air froid en hauteur. Ici les serres sont équipées de ventilateurs en hauteur. Ce système coûte cher en hiver par rapport aux serres équipées de gouttières suffisamment hautes pour y assurer une ventilation basse.
Le chauffage des tuyaux collecteurs pose un problème d’homogénéité dans la serre. Ces tuyaux collecteurs, situés de préférence sur le côté nord de la serre chauffent trop une partie de la serre. Une astuce consiste à les peindre avec la couleur argent. Pour une eau à 45°C dans les tuyaux, la température ambiante à l’extérieur des tuyaux blancs est mesurée à 40°C. Si on prend un tuyau couleur argent, la température extérieure descend à 30°C.
Luminosité
Un temps clair (sans nuage) est dit régénératif. Un temps sombre (avec
nuage) est dit végétatif. La lumière reçue par le plant de tomate dépend de
la météo et aussi de la hauteur de la serre. Plus la serre est haute, plus
elle est lumineuse.
L’été, on limite la luminosité pour éviter de brûler les feuilles en
aspergeant grâce à un hélicoptère un produit masquant (blanc d'Espagne) qui
se dégradera au bout de quelques mois.
Composition de l'air ambiant
Un seul facteur nous intéresse : le taux de CO2. Ce gaz va doper la plante et favoriser la photosynthèse (équation ci-dessous). Il est particulièrement utile pour les plantations hors sol dès décembre ou janvier.
6 CO2 + 6 H2O === lumière ==è C6H12O6 + O2
L’air ambiant en contient aujourd’hui 390 ppmv. Ce taux augmente de 1 à 3 ppmv tous les ans du fait des activités humaines. Le serriste va essayer de monter le taux de CO2 en l’injectant directement autour de la plante. La concentration recherchée autour de la plante se situe entre 400 et 1200 ppmv. Il faut faire attention à ne pas trop en injecter car à partir de 1500 ppmv, les bourdons utilisés pour la pollinisation ne volent plus. Le CO2 est injecté seulement le jour pour satisfaire les seuls besoins liés à la photosynthèse. Il faut prendre conscience que le gaz carbonique ne s’accumule pas indéfiniment dans la serre. Dès qu’on aère pour faire descendre un peu l’hygrométrie, le CO2 s’échappe dans l’atmosphère et rejoint le CO2 émis par les autres activités humaines.
Dans l’exploitation où j'ai pu travailler, le CO2 provient de la combustion du gaz naturel. Lorsque le chauffage nécessite d’autres combustibles (plus sales) comme le charbon ou le pétrole, les serristes utilisent des bombes de CO2 pour doper la photosynthèse. Le gaz naturel permet de recycler efficacement le CO2 des gaz de combustion et évite des coûts supplémentaires liés aux bombes de CO2. Se pose quand même le problème du chauffage des serres l’été. Pour injecter du CO2 l’été, il faut en effet brûler du gaz avec ce système. A l’avenir, alors que le coût de l’énergie pourrait augmenter, il faudra étudier à nouveau l’intérêt des bombes de CO2 où du moins se poser la question de l'intérêt du chauffage l'été.
En période estivale, les chaudières fonctionnent seulement le jour. L'objectif n'est pas de produire de la chaleur autour de la plante pendant la journée, le soleil va en donner suffisamment. On cherche d'abord a chauffé de l'eau qu'on stocke dans d'énormes ballons d'eau chaude et on profite du chauffage diurne pour injecter du gaz carbonique au moment où la plante en a le plus besoin pour réaliser la photosynthèse. L'eau chaude contenue dans les ballons est distribuée dans la serre pendant la nuit pour diminuer l'écart entre la température diurne et nocturne. Le chauffage des serres pendant la période estivale a un autre avantage, il évite les maladies qui prolifèreraient dans les feuilles des pieds de tomate laissée au sol après les nombreux effeuillages. La solution a ce problème en supposant qu'il faudrait se passer du chauffage l'été serait de demander aux ouvriers de mettre les feuilles qu'ils arrachent dans des seaux pour éviter une accumulation de matière organique sur le sol. Cela demanderait beaucoup plus de temps aux ouvriers et cela coûterait très cher à l'exploitant, d'où le choix actuel de maintenir le chauffage estival dans la plupart des serres. Jusqu'à quel prix du gaz les exploitants pourront-ils maintenir cette politique ? Il est difficile de la dire mais de plus en plus d'exploitants regardent sérieusement l'opportunité de cesser le chauffage estival.
Un point que nous avons abordé en réunion de synthèse a été l’étalonnage des appareils de mesure du taux de CO2. Il existe apparemment deux sortes de bombes d’étalonnage pour les capteurs : soit 700 ppmv, soit 2000 ppmv. Sachant que la concentration idéale se situe autour de 600, l’étalonnage doit s’effectuer avec une bombe de 700 ppmv. Les mesures sont ainsi plus précises et permettent d’économiser l’énergie l’été.
L'eau et la qualité de la solution nutritive
L’alimentation en eau du plant de tomate se fait grâce aux goutteurs. Un goutteur alimente un pied et chaque pain de laine de roche accueille plusieurs pieds, ce qui limite les risques liés à l’obstruction des capillaires. La consommation d’eau journalière d’un pied est de 120 à 130 cc pendant l’hiver. L’été, elle monte à 2 litres ! L’arrosage dépend du soleil. L’énergie lumineuse est mesurée avec un solarimètre, ce qui permet à l’ordinateur de gérer la quantité d’eau injectée dans les tuyaux.
Selon les modes de conduite des cultures, on peut arroser la nuit ou le jour en milieu de journée.
Pendant les premiers mois, les pains sont remplis d’eau. Ils seront desséchés progressivement (7 à 8% par semaine) entre le premier bouquet et le quatrième. C’est important de ne pas stresser la plante avec un retrait de l’eau trop rapide, jamais plus de 10%.
L’eau est additionnée de diverses substances, on parle alors de solution nutritive caractérisée par l’Ec (électro-conductivité), la charge. L’Ec ne doit pas dépasser 3.8 car il y a un gros risque d’obstruction au-delà de 4. On commence généralement avec une Ec de 3.5.
Exemple de composition de la solution nutritive (pour le démarrage de la culture) :
Bac A |
Bac B |
||
Pour 1000 litres |
|||
Nitrate d’ammonium Phos monopotassique Sulfate magnésie Sulfate de potasse Nitrate de potasse Nitrate de magnésie Oligoveg |
1 kg 54 kg 76 kg 0.5 kg 65 kg 0.5 kg 1 kg |
Nitrate de Ca Chlorure de Potasse Gikafer |
185 kg 50 kg 30 kg 10 litres |
Total |
198 kg |
Total |
275 kg |
Le pH de l’eau est également très surveillé. La solution est légèrement acide (entre 5 et 5.8) à neutre (7). Si le pH augmente, les goutteurs et les capillaires peuvent se boucher. En dessous de 5, on dissous les pains de laine de roche. Il est déjà arrivé que de l’eau de javel soit injectée dans les pains par erreur (au moment du vide sanitaire), ce qui les a dissous. L’exploitant utilise de l’acide sulfurique mais il est possible d’utiliser de l’acide nitrique qui apportera en plus de l’acidité de l’azote.
Les contraintes liées aux maladies
D’une façon générale, les maladies se développent davantage dans une ambiance humide et chaude. La chaleur est un paramètre propre aux serres, il n’est pas possible de jouer sur ce critère, à moins de renoncer aux 55 kg par m²… Le paramètre a bien surveillé est l’humidité. Il faut éviter les accumulations d’eau et surveiller l’hygrométrie. La serre réagit à la météo pratiquement d’une façon automatique. Dès que le temps est sec et chaud, la serre s’ouvre pour aérer et diminuer l’hygrométrie. Quand il fait très chaud, il faut disperser de l’eau dans l’air pour refroidir et il y a alors un risque important de maladie. La surveillance des ouvriers est vitale. Dès qu’un plant malade est repéré, il est analysé, puis traité ou éliminé.
Il y a une maladie qui exige une précaution supplémentaire. Il s’agit du Pithium, maladie qui se développe lorsque de l’eau froide arrive dans les pains et refroidit les racines. On évite le risque en faisant séjourner la solution nutritive quelques minutes dans le tuyau mère pour que cette eau soit réchauffée par l’ambiance thermique de la serre.
La tomate développe une couleur noire à la base de la rafle. On appelle cela " cul noir ". Ce problème qui déclasse la tomate au moment du tri peut être lié au manque d’eau (particulièrement vrai pendant les 3 premiers mois si les pains ont été mal remplis ou percés) ou à une faiblesse de la plante liée à un stress.
Les plants de tomate sont également sensibles aux insectes ravageurs : pucerons, mouches blanches… Pour y faire face les serres font appel à la lutte intégrée. Il s’agit de lâcher dans la serre des insectes qui vont manger les ravageurs. Cette forme de lutte biologique est subventionnée par la communauté européenne.
Les contraintes posées par la fragilité des plants :
Un pied de tomate producteur de tomate vrac atteindra 7 m de longueur. Pour les tomates grappe, il atteindra 13 m ! Une telle longueur exige un soutien qui est assuré par des ficelles suspendues à des câbles horizontaux. Ces ficelles sont enroulées autour du pied pendant toute sa croissance.
Sur ce dessin, le premier plant de tomate (à gauche) vient juste d’être
installé. Une ficelle est enroulée autour de la tige avec d’infimes
précautions pour ne pas casser la tête.
Le deuxième plant a grandi verticalement en suivant la ficelle. Le troisième
plant a continué sa croissance au fil des mois et on l’a couché à l’horizontale
sur des arceaux de soutien.
Cette façon de procédé permet aux ouvriers de toujours travailler debout, ce qui est un facteur de confort et de productivité.
Le plant de tomate présente une faiblesse supplémentaire au niveau de la rafle du bouquet. Pour renforcer la rafle, obligatoire pour les tomates grappes, il y a deux possibilités : soit on place une virgule en plastique à sa base pour l’aider à soutenir les tomates, soit on pratique une petite coupure avec une lame de scie, la coupure ayant pour effet de renforcer la base de la rafle par cicatrisation. Si la deuxième possibilité est choisie, il faut que les ouvriers blessent la plante à la base de la rafle car à cet endroit la cicatrisation se fait vite et permet d’éviter le risque de maladies.
Contraintes liées à la vente
Il faut savoir que l’exploitant dégage un bénéfice au printemps et à l’automne. Souvent c’est soit l’un soit l’autre. Par exemple, après la canicule de 2003, ils ont gagné beaucoup d’argent à l’automne, alors que le printemps n’avait pas été bon. En été, la vente des tomates rapporte juste assez pour payer les charges fixes et les salaires.
Le prix du kilo de tomate est bien plus déterminant pour l’exploitant que le rendement annuel. Il ne sert à rien de produire 60 kg/m² si c’est pour les vendre à moins de 70 centimes d’euro. Dans l’exploitation où j'ai pu faire mon stage, ils suppriment un bouquet en juillet car ce n’est pas très rentable pour l’exploitant de vendre à cette période. Cela économise de la main d’œuvre et cela permet de renforcer la plante qui va produire davantage à l’automne. Cependant, on ne peut faire ce genre de chose qu’une seule fois dans la saison.
Le prix de vente des tomates dépend de la concurrence étrangère (Pologne, Espagne) et des aléas climatiques affectant ou non la production (Canicule, Temps gris…).
Chronologie des gestes à effectuer pour bien mener une culture de tomate
Mise en place des plants possible à partir de décembre.
Vide sanitaire – Pose des pains de laine de roche – Installation des
goutteurs en perçant le haut des pains – Remplissage des pains – Pose d’un
feuillet absorbant sur l’orifice destiné à recevoir les cubes –
Installation des arceaux de soutien – Installation des portes ficelles grâce
aux chariots élévateurs – Pose des cubes de laine de roche contenant les
plants – Installation des goutteurs dans les cubes (sans percer le feuillet
absorbant) – Enroulage des ficelles autour des tiges
Au bout de quelques semaines, les feuillets sont retirés, ce qui permet aux racines de se développer dans les pains de laine de roche.
Au cours des semaines de production, plusieurs tâches s’alternent d’une
façon monotone :
Cueillette des tomates – Effeuillage – Enroulage de la ficelle – Pose des
virgules – Installation des demi-lunes (pièces en plastique qui accroche la
tige à la ficelle) – Surveillance des feuilles et dépistage des maladies
L’effeuillage consiste à enlever des feuilles pour que la plante nourrisse prioritairement les fruits. Il faut enlever 2 feuilles par semaine entre chaque bouquet pour la tomate en vrac et 3 pour la tomate grappe.
Le débarrassage des serres s’effectue en novembre / décembre.
Place de l'informatique dans la serre
Les serres modernes sont entièrement pilotées par des ordinateurs. Plusieurs systèmes cohabitent avec des objectifs différents. Un système permet de contrôler les données climatiques de la serre et la bonne qualité de la solution nutritive. Et un dernier permet à l’exploitant de mieux gérer le personnel et l’état d’avancement des travaux.
Système de contrôle des données climatiques et de la solution nutritive :
Liste des capteurs |
=========> informations afférentes |
Logiciel intégrateur |
========> informations efférentes |
Liste des sorties |
Température externe Température serre Contrôle des vannes |
Chaudière à gaz Mélangeur solution Ecran de contrôle Ouverture des toits |
|||
Concernant le contrôle informatique du personnel, les serres sont équipées de petits capteurs d’entrées. Les ouvriers entrent sur le clavier leur numéro ainsi que la tâche qu’ils vont effectuer et dans quel rang. Le logiciel intégrateur prend en compte l’horloge et le gérant de l’exploitation peut ainsi savoir à tout moment qui fait quoi et où. Cela permet de faire un bilan annuel du nombre d’heures travaillées en s’assurant que la méthode de travail choisie est bien la plus efficace.
Dans ce type d’exploitation, l’informatique est indispensable pour faire gagner du temps au gestionnaire et pour s’assurer que les conditions de cultures sont optimales.
Cette forte informatisation a une contre partie, elle augmente la dépendance de l’exploitation à l’égard de l’électricité. Pour faire face aux éventuelles coupures de courant, l’exploitation dispose d’un groupe électrogène.
Étude budgétaire
Le chiffre d’affaire est variable d’une année sur l’autre et
conditionne la prise de bénéfices par l’exploitant.
Un chiffre d’affaire moyen se situe dans une fourchette allant de 800 000
à 950 000 euros avec un prix au kilo de 0.89 euros en moyenne.
En 2003, année de la canicule, les tomates ont bien rapporté pendant l’automne,
le chiffre d’affaire s’est établi à un peu plus de 1 000 000
euros.
En 2005, l’Espagne a gelé et les ventes de printemps ont été très
bonnes, le chiffre d’affaire a atteint 960 000 euros.
En 2004, on est revenu à un chiffre d’affaire moyen à cause d’une concurrence des tomates polonaises.
Prix moyen du kg de tomate au cours de l’année tel qu’il est payé
au producteur : 0.8 à 0.85 euros
Au mois de novembre 2005, les tomates vendues par l’exploitation coûtaient
0.38 euros aux vendeurs. Les consommateurs des grandes surfaces ont payé ces
mêmes tomates 1.88 euros ! Cela donne une idée de la marge que font les
grandes surfaces.
Les charges de l’exploitation peuvent être divisées en 5 parties :
Dont :
- Laine de roche : 30 000 euros
- Porte manteau (avec ficelle) : 5300 euros
- Bâche plastique : 9000 euros
- Plants : 48 000 euros (1.11 euros/plant) (1.5 euro en hiver et 0.7 en été)
En 2003, l’exploitation a demandé 15 193 heures de travail aux salariés, ce qui représente autour de 150 000 euros de salaire brut auquel il faut ajouter les charges patronales.
Remboursement des emprunts : 80 000 euros
Le gaz est un poste très important dans le budget d’une serre. Ces dernières années, son prix a fortement augmenté. Les récentes crises du gaz russe montrent les tensions qui existent sur ce marché. Ce poste est donc amené à évoluer dans les prochaines années.
Consommation de gaz en kWh |
Prix moyen du gaz en c/euro/kWh |
||
2000 |
10 192 080 |
2000 |
1.2 |
2001 |
10 613 681 |
2001 |
1.8 |
2002 |
9 753 193 |
2002 |
1.8 |
2003 |
9 739 298 |
2003 |
1.8 |
La serre consomme environ 10 000 000 kWh de gaz, ce qui représente environ 180 000 euros en tenant compte du prix du gaz des dernières années. Cette consommation permet de produire un peu moins de 1000 tonnes de tomates.
Sur l’année la consommation varie beaucoup. Elle est très forte pendant la période hivernale et reste importante l’été du fait de la demande en gaz carbonique dans la serre.
D’après mes calculs, pour produire 1 kg de tomates, il faut brûler 10 kWh de gaz et donc émettre 640 g d’équivalent carbone, ce qui correspondrait d’une façon très approchée à la combustion de 0.7 litre de pétrole raffiné. Il faudrait ajouter à cette énergie consommée uniquement pour le chauffage, l’énergie nécessaire à la synthèse des engrais, l’énergie nécessaire au transport et in fine l’énergie consommée par les distributeurs et les consommateurs. Nous pourrions atteindre et dépasser les 2 litres d’équivalent pétrole pour produire 1 kg de tomates.
Concernant l’électricité, l’exploitation a consommé 236 731 kWh en 2004, soit 11 557 euros. L’électricité est essentielle car elle alimente toutes les pompes ainsi que les brûleurs. Pour se prémunir des risques de coupure de courant, les serres disposent de groupes électrogènes de secours.
Dont :
- Emballage carton : 70 000 euros (0.385 euros/unité de 6 kg de
tomate)
- Entretien du matériel (tracteur/pompes/chariots) : 12 000 euros
- Eau : 2000 euros
- Engrais : 21 000 euros
Chelate de Fer |
775 kg |
Potasse cristalisé |
7 025 kg |
Engrais phospho mono potassique |
4 200 kg |
Nitrate de chaux |
15 685 kg |
Chlorure ½ Potasse ½ Calcium |
8 560 kg |
Magnésium |
9 150 kg |
Nitrate potasse cristal |
7 200 kg |
Divers |
2 000 kg |
- Assurance : 12 000 euros (pour les bâtiments et les cultures)
- Cotisation liée au groupement de producteurs : 6 700 euros
Les plans opérationnels européens :
Il s’agit d’aides de l’Europe (distribué par l’organisme ONIFLORE) qui servent à payer la lutte intégrée (bourdons et insectes), le temps d’effeuillage (pour éviter les maladies), le recyclage de la laine de roche et des plastique, et aussi 17% des emballages
Bilan
Recette (Actif) |
Dépense (Passif) |
800 000 à 950 000 euros (950 tonnes de tomates) |
Mise en culture : 150 000 euros Main d’œuvre : 200 000 euros Énergie : 200 000 euros Divers : 150 000 euros Total : 850 000 euros |
Perspective de la culture de tomate hors sol
Comme j’ai pu m’en rendre compte au cours de ce stage de quatre semaines,
les exploitants travaillent dans un marché très concurrentiel. Ils sont
fortement encadrés par les contraintes qu’imposent le marché, mais aussi les
banques et plus généralement les consommateurs par l’intermédiaire des
grandes surfaces.
La culture de tomates demande beaucoup de soleil et de chaleur. Il semble que la
région nantaise soit plus propice à ce type de culture que la Bretagne ou la
Normandie.
La concurrence des tomates étrangères peut être redoutable. Les polonais s’équipent avec des vieilles serres hollandaises et bénéficient de tarifs gaziers avantageux. L’Espagne et le Nord de l’Afrique sont des régions très productives mais très sensibles aux maladies. Avec l’agrandissement de l’Europe, les coûts de main d’œuvre ont tendance à ce rejoindre. C’est notamment très vrai pour l’Espagne. La concurrence prochaine viendra probablement de l’Est où les coûts de main d’œuvre resteront encore longtemps inférieurs à ce qui se fait en France.
S’il y a une perspective à laquelle n’échapperont pas les serristes, c’est bien l’augmentation du coût des énergies fossiles parmi lesquelles figure le gaz naturel. Cette augmentation est inévitable de gré (parce qu’il faudra taxer l’énergie pour l’économiser dans le cadre des mesures pour lutter contre l’effet de serre) ou de force (parce que les réserves ne sont pas inépuisables). Il est souhaitable que les serristes anticipent cette hausse en réalisant dès maintenant les investissements permettant d’économiser ces énergies fossiles. Il serait possible de chauffer les serres avec la géothermie, voire la biomasse, mais cela suppose une révolution dans les pratiques culturales que la profession peine à anticiper.
En conclusion, ce stage m’a permis de voir de l’intérieur comment fonctionne une serre à tomates. J’ai pu acquérir des bases en matière de culture sous abris en étant immergé dans le langage des maraîchers. J’ai pu mesurer les progrès accomplis dans ce type de culture et j’ai bien pris conscience des contraintes qui pèsent sur cette profession.
A priori, c’est sans regrets que j’irai travailler dans un secteur maraîcher plus extensif et en contact direct avec les consommateurs.
Eric Souffleux (texte tiré d'un dossier personnel destiné à ma responsable de formation et écrit le 20 janvier 2006 à Nantes).
Mais au fait ! La serre à tomate est-elle un puit de Carbone comme le suggèrent ces propos recueillis dans l'Agriculture44 du 8 juin 2006 ?
J'espère qu'une réponse négative est pour vous évidente compte tenu des multiples explications données dans cette page. Ce n'est pas parce qu'on injecte du gaz carbonique dans la serre que le pied de tomate va l'utiliser en totalité. Les serres sont régulièrement aérées, surtout en été, ce qui provoque une évasion du gaz carbonique directement dans l'atmosphère.
Il y a l'équivalent d'un litre de pétrole dans un kilogramme de tomate. Comment voulez vous retrouver le contenu énergétique d'un litre d'huile dans un kilogramme de légume ? C'est impossible, la serre est un outil consommateur net d'énergie et il ne s'agit en aucun cas d'un puit de carbone comme semble le suggérer Jean-Luc Olivier.
D'après ma propre enquête, il s'agit d'une erreur de la rédactrice de l'article, une erreur qui illustre bien l'idée qu'une serre est un gouffre énergétique.
Eric Souffleux