L'avenir en 2035, une utopie parmi d'autres

Sur cette page je décris la vie quotidienne que l'on peut espérer dans le futur si nous réalisons les réformes structurelles de nos sociétés.  J'ai commencé ce texte en juillet 2003 et j'ai poursuivi de temps en temps son écriture au fur et à mesure des informations que j'ai recueillies. Ce texte représente mon utopie, ma première utopie, celle pour laquelle j'agis à travers ce site d'information et de prise de conscience. Certains passages m'apparaissent aujourd'hui dépassés par l'évolution du monde et si je les laisse en ligne, c'est pour que vous lisiez ce à quoi je croyais entre 2003 et la mi 2004. J'ai ajouté des remarques (en bleu) entre certains paragraphes pour critiquer ou confirmer ce que je pensais à l'époque. L'essentiel du site est relativement pessimiste, il y a beaucoup plus de place à l'effroi qu'à l'espoir. Voici une des pages les plus positives, alors j'attends vos réactions et j'espère que vous serez autant mobilisé que je le suis.

Il était une fois...

Ou plutôt, il sera peut être une fois...

Ce matin de janvier 2035, dans la région de Nantes, tout le monde se lève dans la maison de la famille Dubois. Le père de famille, Raymond, agriculteur, regarde rapidement sur son ordinateur l'état de charge des batteries. Pendant la nuit hivernale le vent a bien soufflé. L'éolienne qui alimente le hameau a permis de charger la batterie toute la nuit. Les Dubois sont modestes et ont opté pour des batteries au lithium.

 Dans le hameau voisin, la famille LaFrance dispose d'une pile à combustible et d'un électrolyseur d'eau de pluie. "Ils ont dû produire beaucoup d'hydrogène cette nuit! " s'exclame Raymond qui regarde la colline voisine à travers la fenêtre de double vitrage. L'hydrogène permet une fourniture d'énergie électrique, grâce à la pile à combustible. L'hydrogène n'est pas une source d'énergie mais un vecteur énergétique. L'énergie produite par l'éolienne est stockée sous forme d'hydrogène, qui peut être restituée à la demande par la pile à combustible. Le réservoir est généralement volumineux pour le stockage terrestre, ce qui assure une grande autonomie énergétique. Les batteries au plomb ont moins de capacité mais coûtent aussi six fois moins cher. L'hydrogène a un côté pratique, mais il reste un luxe et une majorité de la population a appris à s'en passer.

L'exploitation des énergies renouvelables a obligé les gens à devenir copropriétaires des éoliennes proches de leur domicile. Au début personne ne voulait de ces machines car malgré leur relatif silence de fonctionnement, elles gâchent le paysage et tout le monde trouvait une bonne raison pour gâcher la vue de son voisin sans gâcher la sienne. Le problème a été résolu en permettant aux gens lésés de devenir actionnaire de l'aérogénérateur qui pouvait alors leur rapporter de l'argent. Au début les éoliennes appartenaient à des industriels ou à de grandes collectivités et ne partageaient pas les bénéfices de l'exploitation de ces monstres de 180 tonnes et hauts de 120 mètres. L'intérêt général devait primer sur l'intérêt des particuliers et avec cette politique il y a eu de nombreuses résistances locales qui ont retardé l'installation d'éoliennes de grandes dimensions. Puis des entreprises étrangères, danoises en particulier, ont implanté des éoliennes bon marché clé en main en permettant aux habitants de devenir actionnaire des machines qui se trouvaient dans un rayon d'un kilomètre. 

En devenant actionnaire, l'habitant voisin d'une éolienne recevait régulièrement de l'argent et la mode des éoliennes s'est répandue comme une traînée de poudre. 

Comme j'ai pu l'étudier sur ma page consacrée à l'énergie éolienne, l'éolien et le nucléaire ne font pas bon ménage et il est peu probable que la France de 2035 soit couverte d'éoliennes que s'arracheraient des propriétaires.

Beaucoup de personnes avaient parié sur l’hydrogène pour remplacer le pétrole il y a vingt ans. Les espoirs de tous ces gens sont tombés à l’eau lorsqu’ils se sont rendus compte des difficultés que l’on avait pour stocker l’hydrogène et aussi l’utiliser. L’hydrogène est un corps simple, gazeux, extrêmement léger (quatorze fois plus léger que l’air), se solidifiant à –259.14°C et se liquéfiant à –252.87°C à la pression atmosphérique. Il pose d'énorme problème de confinement. Il est extrêmement inflammable et combiné à de l’oxygène, il forme de l’eau. Le fait de liquéfier l’hydrogène en le refroidissant consomme la moitié de l’énergie contenue dans un quelconque réservoir. La production d’une telle fraîcheur coûte très cher. Pour limiter les pertes liées au stockage, on comprime l’hydrogène. L’énergie perdue pour le stockage par compression correspond alors à un quart de ce qui est contenu dans le réservoir. Cependant la résistance des réservoirs aux énormes pressions de stockage les rend lourds, même en utilisant des fibres de carbone et des alliages métalliques particulièrement résistants. On réserve l’hydrogène à des applications chères, lourdes et peu mobiles. Et malgré toutes les précautions prises, les utilisateurs doivent faire face à des fuites d’hydrogène qui diminuent le rendement de ce vecteur énergétique.
D’autre part les piles à combustible nécessitent du platine ou du palladium ainsi que des membranes échangeuses d’ions en polymère très coûteuses pour produire de l’électricité. Les piles sont très chères et peu de gens peuvent se les offrir, ne serait-ce que pour accumuler l’énergie domestique d’une éolienne par exemple. La famille LaFrance fait partie de ces fortunés et leur confort domestique est intéressant par rapport à la famille Dubois. 

L'économie hydrogène reste toujours pour moi un rêve inaccessible. Trois problèmes majeurs restent difficiles à résoudre :

Pour poursuivre la réflexion sur l'hydrogène, visitez la page que j'ai consacré à ce vecteur énergétique.

Pendant ce temps, la femme de Raymond, Isabelle s'affaire dans la cuisine. Le petit déjeuner vient juste de se terminer. Comme dans beaucoup de familles, ce repas est composé d'un bol de chocolat ou de café au lait accompagné de pain, de beurre et de confiture. Les ingrédients n'ont donc pas tellement évolué depuis 50 ans. Par contre les moyens de transports qu'ils ont emprunté pour arriver dans notre assiette ont radicalement changé.

Le chocolat et le café proviennent de pays tropicaux. Auparavant ils voyageaient par camions, cargos et trains. Aujourd'hui les pays du sud n'ont pas encore les moyens de disposer d'un réseau ferroviaire aussi efficace qu'en Europe. Pour voyager de la plantation au port, ces grains de café ou de chocolat sont chargés sur des charrettes tirées par des chevaux. Les camions ont disparu faute de pétrole. Une fois arrivés au port, ils sont stockés dans des hangars en attendant le prochain bateau.

La marine à voile en 2035 

Les bateaux que l'on trouvent en cette année 2035 sont des bateaux à voile qui mettent plus d'un mois pour rallier l'Europe. Il existe quelques cargos fonctionnant avec le vent et aussi le soleil, mais il faudra du temps pour en construire d'autres car l'énergie est rare et l'essentiel du métal dont dispose l'industrie provient de la récupération des déchets, ce qui nécessite beaucoup de temps de travail à la main d'oeuvre. Les bateaux les plus courants sont construits en bois avec des techniques issues de 4 siècles.

La grande différence avec les bateaux anciens est que nos bateaux disposent de l'électronique, du sonar et d'un confort interne exceptionnel. La taille des bateaux est généralement modeste, environ 40 mètres. Ceci est dû au fait qu'ils sont plus faciles à entretenir dans les petits ports. Nos grains de cacao et de café arrivent en Europe dans les anciens grands ports qui accueillent de moins en moins les gros cargos métalliques fonctionnant au pétrole. Les grains sont déchargés par les dockers qui les placent dans des entrepôts. La taille des bateaux permet de remplir seulement trois wagons. Alors pour optimiser le transport il faut stocker les marchandises, qui partiront lorsque un train d'une quinzaine de wagons sera constitué. Depuis plus de 15 ans les camions ont définitivement été remplacés par une gestion rigoureuse du transport ferroviaire.

Transporter les marchandises sur des trains ou sur des bateaux, cela reste d'actualité. Je ne suis pas certain cependant que la traction animale sera suffisante pour assurer les transports annexes.

Isabelle se dépêche car elle va être en retard et le train n'attend pas. Elle embrasse Charlotte et Nicolas, ses deux enfants âgés de 8 et 13 ans. Ils se sont habillés avec des pulls de laine traditionnels. Nicolas a mis son pantalon en fibre d’orties. C’est l’équivalent du coton mais il faut moins de traitements phytosanitaires, c’est donc une fibre plus respectueuse de l’environnement. 

Isabelle monte sur son vélo après s'être chaudement vêtue car nous sommes en hiver et il fait de plus en plus froid. Les gens savent que le Gulf Stream les protège de moins en moins à cause du réchauffement climatique. Nantes est à la même latitude que Québec et clairement les hivers ne sont pas les mêmes. Ceci est dû au fait que le Gulf Stream réchauffe l'air qui arrive en Europe. On sent de plus en plus que sa protection faiblit. "Le réchauffement climatique dû à nos émissions de gaz à effet de serre, quel diable ! Heureusement que Raymond plante des arbres pour capter les émissions de carbone de nos parents" pense Isabelle en pédalant vigoureusement sur la route qui mène à la gare. Elle va pédaler 4 km jusqu'à la gare de Héric. Héric est à 20 km au nord Nantes. Autrefois il y avait une quatre voies qui reliait Rennes à Nantes. En 2010, un des côtés de la route a été utilisé pour construire une voie ferrée d'une grande qualité qui relie rapidement ces deux villes. Cela s'est passé comme ça un peu partout en France, on a construit des voies ferrées sur le bitume des routes anciennes. Isabelle arrive enfin à la gare construite également en 2010. Elle range son vélo dans l'immense parking adapté à cet usage. 

Toutes les gares sont bordés d'immense parking à vélo.

Regardez ce parking et imaginez le nombre de voitures qu'on aurait pu mettre à la place de tous ces vélos. Quel gâchis ... 
De ne pas y avoir pensé plus tôt !

Isabelle ne peut s'empêcher de songer à un vieux voyage en Hollande où les habitants avaient déjà adopté ce mode de vie. Vite ! Le train arrive. Isabelle monte en vitesse dans le wagon. Elle prend place dans un siège spacieux et s'adonne à sa distraction favorite : la lecture. Parfois elle rencontre une amie et prend un café dans la voiture réservée à cet usage. Le train qu'emprunte Isabelle est un train Omnibus qui fonctionne à l'électricité captée sur les caténaires. Il s'agit d'un modèle en aluminium très léger qui comporte une motrice et six wagons. La vitesse de croisière de ce train est de 120 km/h. Un des wagons est réservé aux loisirs et peut accueillir les voyageurs qui n'auraient pas trouvé de place dans les autres voitures quand il y a foule. Dans ce wagon on peut prendre un café, acheter son journal ou lire les dernières nouvelles du jour grâce à internet. Il y a même un coin jeu pour les enfants en manque d'activités.

Isabelle regarde le paysage hivernal de la campagne nantaise. Les éoliennes lui sont familières. C'est d'ailleurs grâce à elles aujourd'hui que le train avance. Il y a des nuages et du vent. Les éoliennes de la SNCF sont disposées régulièrement le long de la voie de telle sorte qu'il y a toujours suffisamment de courant dans la caténaire. Lorsqu'il n'y a pas de nuage ni de vent, une batterie de panneaux solaires prend le relais. 

Lorsqu'il n'y a ni vent ni soleil, les barrages donnent l'électricité manquante. Et lorsqu'il y a une pénurie importante de toutes ces énergies renouvelables, la motrice dispose d'une petite réserve d'hydrogène qui permet au train de démarrer car c'est à ce moment là qu'il consomme le plus d'énergie. Depuis 10 ans, les trains fonctionnent ainsi et il y a eu très peu de jours où ils durent rouler au ralenti. 

Dans certaines régions la force des courants marins est captée par des hydroliennes qui ont un énorme avantage sur leurs cousines aériennes, elles ne s'arrêtent jamais de tourner et fournissent en permanence de l'électricité. On en a installer beaucoup en Bretagne et cette énergie bon marché a attiré de nombreuses entreprises.

Pour confirmer la faisabilité de cette hypothèse, j'attend les explications d'un spécialiste dans les mois à venir. Je devrais enfin savoir si des trains peuvent espérer être propulsés par les énergies renouvelables. A priori, ce n'est pas gagné du tout. Ce pourrait être une vrai utopie, totalement irréalisable. 

Le train omnibus arrive à Nantes avec deux minutes d'avance, normal puisque ce jour était venteux, le mécanicien a pu dépasser la vitesse de croisière habituelle. Isabelle descend du quai et profite de l'avance de son train pour regarder les panneaux d'affichage du hall de la gare. On peut y voir le temps de parcours prévisible des trains rapides qui rallient directement les grandes villes. Ces trains rapides partent toujours à l'heure mais leurs heures d'arrivée varient en fonction de la météo. Quand les conditions sont défavorables, il faut 3 heures pour atteindre Paris qui est distant de 380 km. Aujourd'hui il y a du vent et les temps de parcours sont beaucoup plus courts : seulement 1 heure et 20 minutes pour rallier Paris et 3 heures pour Toulouse. Isabelle prend son deuxième vélo qui l'attend à Nantes, il lui faudra cinq minutes pour rejoindre son lieu de travail : le lycée. Isabelle y enseigne la biologie. Il est 8h45, les enfants arriveront au compte goutte jusqu'à 9h00. La plupart d'entre eux ont réalisé un parcours similaire à celui d’Isabelle pour arriver à l'heure en cours. Aujourd'hui le programme du cours portera sur l'étude des arbres dans leur environnement.

Pendant ce temps là, à 25 km de Nantes, dans la ferme des Dubois, Raymond se prépare avec ses enfants. Il va les emmener à l'école avec sa dernière acquisition : une voiture à air comprimé. Depuis 2005, ce type de voiture a progressivement remplacé les voitures fossiles, sous-entendu brûlant du carburant fossile (pétrole et gaz). En 2007, les gens ont même été payés pour acheter ce type de voiture, car il fallait accélérer le remplacement du parc automobile. Le principe est simple, efficace et révolutionnaire. Un compresseur comprime de l'air dans plusieurs réservoirs disposés sous la voiture. L'air sous pression est injecté directement dans les cylindres d'un petit moteur qui entraîne les roues de la voiture. L'autonomie est certes modeste (250 km à 60 km/h) mais suffisante pour les trajets habituels de la campagne. Le confort de la voiture de Raymond est tout à fait honorable. Il dispose d'un autoradio, de sièges confortables, de beaucoup d'espace pour emmener les enfants et à l'occasion faire une petite escapade sur la plage la plus proche. Sa voiture a été construite par une petite entreprise de Nantes. Les grosses usines fabricant des voitures jetables pour tout un continent ont disparu au profit de petites usines de 200 personnes et sortant 4000 véhicules par an. Elles assurent bien mieux la maintenance du matériel car elles connaissent parfaitement ce qu'elles fabriquent. Ce concept se nomme "l'usine concessionnaire", on y vend ce que l'on y fabrique avec peu de stocks. Généralement, au bout de quelques années, l'usine concessionnaire dispose d'assez de clients pour faire vivre ses employés en entretenant et en réparant ce qui a été fabriqué. Une voiture qui sort de ces petites usines peut avoir une durée de vie de 150 ans ou 2 millions de kilomètres. Dans la société humaine de 2035, le durable est toujours préféré au jetable.

Depuis un an environ, je commence à avoir de sérieux doute sur la voiture à air comprimé. J'ai écrit une page à ce sujet. Peut être que la société luxembourgeoise MDI qui souhaite les commercialiser y arrivera ? Aujourd'hui, après les nombreux retards, le manque de communication avec les journalistes, je doute de plus en plus du rêve des voitures à air comprimé. Par quoi remplacerons-nous nos voitures thermiques ? pas grand chose...

Sur le marché, il existe des voitures sportives beaucoup plus performantes mais aussi beaucoup plus spartiates. La dernière Renault par exemple flirte avec le 150 km/h sur 80 km ou 600 km à 60 km/h. Elle se présente comme une voiture basse, très aérodynamique avec de grosses réserves d'air, le conducteur peut emmener un seul passager qui se place derrière lui les jambes écartées. Le coffre est de seulement 70 litres et permet juste de transporter quelques courses. Dans un monde où la majorité des voitures roulent à 70 hm/h, la vitesse est devenu un luxe car elle permet des trajets moins longs. La recherche de vitesse n’est plus en contradiction avec la préservation de l’environnement car l’énergie provient de la lumière solaire actuelle. Quand on achète une voiture, on choisit ses inconvénients et ses avantages. Raymond a connu des modèles plus rapides étant jeune, mais les enfants lui ont imposé de les revendre, au profit d'une familiale plus lente.

Voilà ce qu'on appelait en l'an 2000 un ORNI, un Objet Roulant Non Identifié. Les gens pensaient qu'il y avait des extraterrestres à l'intérieur.

En 2035, ces véhicules très sobres sont très courants et permettent des trajets que l'on faisait auparavant en voiture ou même en train !

Il existe aussi des motos à air comprimé. Le pilote est assis sur le réservoir d’air qui s’étale sur toute la longueur de la moto. Les performances sont généralement impressionnantes (230 km/h pour les plus rapides) mais l’esthétique de ces bolides n’égale pas les anciennes motos fonctionnant à l’essence. Dans les zones urbaines, elles sont très prisées car elles se faufilent partout et coûtent moins cher en électricité que les voitures.

Ce jour là, j'avais du lire mes BD Joe bar team... :-)

Raymond a vérifié l'état de compression de ses réservoirs, 250 bars, c'est largement suffisant pour les cinq jours à venir. Les enfants montent dans la Berline bien couverts également car il n'y a pas de chauffage dans une voiture à air comprimé, cela consommerait beaucoup trop d'énergie. Le moteur monte à 80°C au maximum et ne permet pas de réchauffer l'habitacle. L'avantage de cette faible température de fonctionnement est que l'on utilise de l'huile végétale pour lubrifier les pièces en mouvement. Raymond fait lui-même son huile de vidange avec des vieilles noix. Généralement il n'a besoin que de quelques litres par an pour cet usage. Depuis que les gens achètent des voitures à air comprimé, ils sont beaucoup plus indépendants et produisent eux-mêmes ce qu’ils ont besoin pour se déplacer. L’électricité provient d’une éolienne, l’huile de vidange est issue des noyers que l’on trouve à proximité du hameau et seuls les pneus en latex sont originaires de pays lointains où pousse l’hévéa.

L'école se trouve à 6 km du hameau des Boucher. La route n'est pas en très bon état car depuis 15 ans la priorité va au rail et les routes ne sont plus entretenues. Il est vrai que les besoins d'entretien sont moindres car les camions de plus de 10 tonnes ont disparu de la circulation. Ils étaient les principaux responsables de la dégradation de la chaussée. Les voitures à air comprimé de moins de 800 kg respectent bien la route, alors on s'en contente, surtout à 60 km/h.

Raymond se souvient qu'en 2030, l'État a autorisé les collectivités locales à financer des pistes cyclables en sable collé. Comme plus de 60% des déplacements se font à vélo, les gens ont insisté pour disposer de voies de circulation séparées des routes goudronnées où circulent les voitures et les camionnettes. Depuis, le développement de ces bandes cyclables est impressionnant. Les chevaux ont aussi le droit d'emprunter ces voies. Le sable est moins traumatisant que le bitume pour eux. Chevaux et vélos cohabitent sur ces voies de circulation qui couvrent tout le pays.

Voilà une réalité sur laquelle j'aurai du davantage insister. Le moyen de transport du futur, s'il ne peut pas être la voiture à air comprimé ou la voiture à hydrogène, sera le véhicule à propulsion humaine : le vélo. A ce sujet une page très intéressante est en cours de préparation Je suis sur qu'elle vous intéressera énormément.

L'école est en vue, Charlotte et Nicolas vont rejoindre leurs petits camarades. La plupart des enfants arrivent à l'école en vélo car ils n'habitent pas très loin. Quelques parents déposent leurs enfants comme Raymond. Aujourd'hui, plus que d'habitude car le vent a été généreux cette nuit et les voitures ont pu se charger au maximum.

Raymond passe ensuite à la boulangerie du bourg. Il rencontre un ami : Lucas. Lucas est ouvrier agricole, il est spécialisé dans le travail des chevaux, il en possède six dont deux percherons. Il travaille beaucoup l'été à l'époque des moissons. Les tracteurs sont rares dans les champs et l'essentiel des travaux s'effectue grâce aux chevaux.

Ce matin Lucas est à vélo mais habituellement il vient avec une voiture à air comprimé sportive. Raymond le salue et lui demande aussitôt "Alors, on a laissé la bête de course au garage ?" Lucas lui répond qu'il est en train de la préparer pour les prochains 24h du Mans qui auront lieu en avril. Les 24h du Mans, la course mythique par excellence fait rêver beaucoup de gens. Autrefois, on faisait courir des voitures avides de pétrole. Quand le gouvernement réformateur est arrivé au pouvoir en 2007, la première réforme qu'il a mis en place a été de taxer le gaspillage du pétrole. Tout ce qui était considéré comme du luxe a été taxé lourdement. En quelques années la course mythique a perdu son prestige car les places pour assister au gaspillage étaient horriblement chères. Georges se souvient que même la télévision de l'époque avait refusé de retransmettre l'évènement tellement la taxe sur le gaspillage était énorme. A partir de 2010, les 24h du Mans sont revenus au premier plan car le maire de l'époque eut la géniale idée de faire courir des voitures à air comprimé. L'objectif était de développer la technologie et les performances de ces voitures. L'état considéra que cette course était tout à fait en phase avec ses convictions, à condition que l'énergie utilisée pour comprimer l'air provienne d'une source d'énergie renouvelable. Le maire du Mans installa rapidement aux abords du circuit une batterie d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques. Dès lors les "24h comprimés" sont devenus subventionnés par l'état.

Il existe un autre circuit en France qui s'est spécialisé dans les courses de voitures solaires et qui a survécu à la taxation du gaspillage. Il se trouve près de Marseille au Castelet et sa spécialisation dans les voitures solaires est logique car il y a davantage de soleil dans le sud. Les voitures solaires sont généralement fines et légères, leur vitesse de pointe atteint les 170 km/h quand le soleil est au zénith. Dans le sud de la France de 2035, on trouve peu de voitures solaires car elles sont conçues comme des voitures à air comprimé sportives, elle peuvent transporter deux personnes et quelques affaires à 100 km/h quand le soleil est favorable. Quand les nuages couvrent le pays, la vitesse maximum de ces voitures tombe à 40 km/h. Certains constructeurs ont prévu des pédales, ce qui transforme la voiture solaire en voiture à pédale lorsque les conditions d’ensoleillement deviennent trop mauvaises. Les « 24h solaires du Castelet » sont célèbres car ils mettent en jeu l’énergie du soleil et aussi l’énergie musculaire. Le jour, les voitures roulent à l’énergie solaire, la nuit les pilotes pédalent. Ils sont de vrais sportifs d’endurance. Qui aurait pu imaginer qu’en cette année 2035, le soleil serait autant mis à l’honneur dans des cérémonies entièrement vouées à son rayonnement universel ?

Bon, c'est rigolo de se relire ! Je ne sais plus ce que j'avais fait pour imaginer tout cela... Plus sérieusement, je ne crois pas que les évènements sportifs de renommées nationales voire internationales auront autant de succès dans l'avenir qu'aujourd'hui. Il faut compter avec la décroissance  et la fait que les gens ne pourront pas se déplacer en aussi grand nombre pour assister à ce genre d'évènement. Je crois beaucoup plus à des évènements locaux autour des compétitions en équipe des sports d'endurance. 

Raymond rentre chez lui, il a du travail à la ferme. En arrivant il jette un regard sur les bêtes qui se trouvent dans l'étable. Raymond possède sept vaches, trois chevaux, un poney, dix moutons et 4 cochons. L'hiver il les nourrit avec du fourrage. Les cochons ont une mixture spéciale à base de glands, de châtaignes et de fourrage. Nourrir ces bêtes n'est pas difficile. En prenant son temps, Raymond n'y passe pas plus d'une heure. L'été c’est encore plus simple, il suffit de surveiller les animaux dans les champs.

Raymond va également regarder sa cuve de fermentation. Cette cuve permet la production de méthane qui est utilisé pour le chauffage de la maison l'hiver et aussi la cuisson des aliments. La production de méthane est beaucoup plus importante en été et à l'automne, car on dispose d'une grande quantité de matière organique décomposable dans le réacteur à fermentation. Non loin du réacteur, Raymond a installé un réservoir de méthane. Pendant l'été et l'automne, on stocke le méthane. Pendant l'hiver et le début du printemps, on le brûle pour chauffer la maison. Avec son réservoir, Raymond peut maintenir une température ambiante de 19°C. L’isolation de la maison est aussi responsable de cette performance. La structure de la maison abonde de matériaux nobles comme le bois, la pierre, l’ardoise, la brique, la chaux, le chanvre et le verre. Certains murs sont fait d’un assemblage de bouteilles en verre récupérées. L’isolation de ce type de mur est exceptionnelle.

Il faut que je regarde de plus près cette possibilité de produire du méthane. Je n'ai aucune idée de la quantité de matière organique qu'il faut pour produire suffisamment de méthane pour chauffer une maison pendant tout un hiver. Peut-être est-ce irréalisable ?

Entre l'éolienne, les quelques panneaux solaires, le méthane et une très bonne isolation, la maison des Dubois est autonome énergétiquement. Raymond savoure cette indépendance mais il doit aussi réparer les erreurs de ses parents. Ce matin, le gros de son travail consiste à planter des arbustes sur d'anciennes terres agricoles.

Pendant ce temps Isabelle donne son cours de biologie. Quel est le rôle des arbres ?

Les arbres sont une faible source d'oxygène par rapport au phytoplancton des océans. Malgré ce que vous pouvez lire dans les journaux ils ne constituent pas les poumons de notre planète, et cela pour deux raisons.
Les arbres « inspirent » le dioxyde de carbone que nous rejetons, puis l'exhalent sous forme d'oxygène. Les poumons font l’inverse, ils prélèvent de l’oxygène et rejettent du gaz carbonique.
Les forêts consomment la nuit la majeure partie de l’oxygène qu’elles produisent grâce à la photosynthèse le jour. En conséquent les forêts anciennes et stables produisent très peu d’oxygène pour l’humanité.
Par contre les forêts en croissance stockent le gaz carbonique que nous avons rejeté avec notre industrie et notre mode de vie. Elles ont donc un rôle non négligeable dans la lutte contre le réchauffement climatique. A l’inverse lorsque les forêts ancestrales brûles, elles deviennent des consommateurs importants d’oxygène et participent au émission de gaz à effet de serre en rejetant dans l’atmosphère du dioxyde de carbone et du méthane.

Mais les arbres sont essentiels à d’autres cycles que ceux du carbone et de l’oxygène et c’est ce qu’Isabelle va démontrer dans sa leçon.

Elle montre à ses élèves un dessin en coupe d’un arbre avec ses différents constituants. Les élèves au fur et à mesure de l’étude du schéma posent des questions.

« Quel est le rôle des racines ? » demande Jérémie.
Les racines ont un rôle de pompes à eau. Les arbres aspirent l'eau du sol. Sans le rejet dans l'atmosphère de millions de tonnes d'eau par les arbres d'une forêt déterminée, il y aurait peu d'humidité dans l'air, c'est-à-dire peu de nuages et, de ce fait, peu de pluie. Par conséquent, là où, autrefois, s'étendait une forêt aujourd'hui disparue, les pluies ne tombent plus et un processus appelé désertification s'amorce. Dans nos régions continentales, seuls les arbres recyclent effectivement de grandes quantités d'eau dans l'atmosphère.

« Ne suffit-il pas de reboiser les zones où les arbres ont disparu ? » demande Aurélie.
Malheureusement, le reboisement ne permet pas de pomper l'eau.
La publicité de l'industrie forestière datant des années 1990 et montrant des bûcherons procédant à la reforestation après les coupes faites dans une forêt nous induisent totalement en erreur. En effet, ils remplacent peut-être les arbres, mais ils n'en créent pas moins une rupture de plusieurs décades dans le cycle de l'eau.
Un autre problème réside dans le fait que ces bûcherons provoquent un véritable désastre écologique en plantant la même espèce d'arbres dans une zone de déforestation. Lorsqu'une forêt entière n'est composée que de la même espèce d'arbres ayant tous approximativement le même âge, cette forêt se transforme en une gourmandise irrésistible pour les chenilles, les scarabées et les champignons. Ce phénomène a été constaté dans de nombreuses forêts d'Amérique du Nord et d'Europe. Les forêts composées d'arbres d'essences différentes sont beaucoup plus résistantes à ces parasites.
Dans le sud de l’Europe la désertification avait commencé à s’installer. Pour satisfaire les touristes, on plantait systématiquement des arbres à croissance rapide après les incendies qui ravageaient les forêts l’été. Le pin était courant et apprécié, pourtant sa sève riche en hydrocarbure était un excellent catalyseur d’incendie. Aujourd’hui on plante des arbres qui résistent mieux au feu et on dépense beaucoup d’argent dans l’entretien des sous-bois pour éviter toute reprise d’incendie. Les touristes devront attendre plus de quarante ans avant de retrouver des forêts respectables. Tel est le prix qu’il faut accepter de payer s’il on veut améliorer les conditions de vie des pays du sud.

« Comment la déforestation peut-elle affecter le cycle de l’eau ? » s’interroge Marc
La déforestation arrache les racines, affectant les eaux du sous-sol et le cycle de l'eau. Les nappes phréatiques d'eau potable disparaissent. L’eau des nappes tombe du ciel sous forme de pluie et s'enfonce dans le sol. En s'infiltrant dans les profondeurs souterraines, l'eau assimile de hautes concentrations de minéraux dissous, particulièrement des sels. Les racines des arbres, qui s'enfoncent profondément dans la terre, captent l'humidité située juste au-dessus de ces eaux salines et la pulvérisent dans l'atmosphère, utilisant les minéraux pour consolider leurs troncs et leurs branches. Ce prélèvement de l'eau du sous-sol crée alors un appel d'eau fraîche en provenance des pluies. Cette circulation liquide maintient ainsi le bon équilibre du sol.
Cependant, lorsque l'on abat les forêts, les eaux souterraines les plus salines commencent à remonter peu à peu vers les strates supérieures du sol. Ces eaux salines fragilisent le système immunitaire des arbres. Les infections provoquées par les scarabées, les chenilles et les champignons sont des manifestations externes qui provoquent la mort des forêts.
Lorsque les eaux salines remontent encore plus haut et parviennent à quelques mètres seulement de la surface du sol, les récoltes meurent. Et quand ces eaux atteignent la surface, la désertification s’installe, car le sol n’est plus capable de nourrir quelque végétation que ce soit. Plus les eaux salines remontent et plus la désertification s'installe.

« Pourquoi les arbres sont essentiels à la vie sur Terre ? » demande Elise.
La disparition des arbres provoque de façon irréversible, l'érosion des couches arables actuelles du fait de la salinité de plus en plus importante et de la désertification.
La formation d'humus est possible grâce aux racines des arbres qui puisent les minéraux utiles à la formation des matières végétales. Il faut, en moyenne, 400 années à une forêt pour créer 30 centimètres d'humus capable de nourrir des cultures utiles à l’homme.
Les forêts sont l’aboutissement d’une longue colonisation des sols par les lichens, les mousses et les herbes. Les puissantes racines des arbres ont pu fournir des minéraux qui ont favorisé leur foisonnement. En se décomposant la matière végétale donne l’humus.
Le fait de brûler une forêt entière ne permettra de créer que quelques dizaines de centimètres de terres fertiles qui ne pourront être utilisés pour l'agriculture que pendant quelques années. Ceci constitue une politique à courte vue.
Étant donné qu'il ne peut exister de récoltes sans terre arable, il semble que nous devrions nous sentir concernés à la fois par la perte des arbres créateurs de notre sol et par la disparition de notre sol actuel lui-même.
Les élèves d’Isabelle semblent bien comprendre l'importance des arbres dans notre écosystème. Ils comprennent mieux pourquoi les agriculteurs en replantent autant chaque hiver.

Isabelle leur explique aussi que les arbres replantés sur d'anciennes terres agricoles sont le seul moyen de capter le carbone de l'atmosphère. Le dioxyde de carbone est responsable en partie du réchauffement climatique. Une prairie naturelle et une forêt contiennent autant de carbone à l'hectare. Dans la prairie, le carbone est réparti dans le sol et peu dans la végétation. Dans la forêt, ce sont les arbres qui contiennent l'essentiel du carbone. Seules les terres agricoles sont pauvres en carbone. Ceci est du au fait que ces terres ont été labourées, le carbone de la terre a été mis en contact avec l'oxygène de l'air et au fur et à mesure des années le carbone de la terre a rejoint l'atmosphère. Ainsi nous avons du rationaliser notre agriculture pour libérer des terres agricoles où l'on a pu planter des arbres. Isabelle explique que les habitants des pays industrialisés ont dû choisir entre l'abondance de nourriture et un climat pas trop perturbé. On a du redécouvrir massivement les fruits des arbres et le symbole de notre alimentation est devenu la châtaigne.

Raymond se dirige vers sa réserve d'arbustes. Seuls les conifères ont leur parure verte. L'hiver, les arbres à feuilles caduques perdent leurs feuilles. Pour reconnaître la variété de ses arbustes, Raymond leur a mis des étiquettes. Il a suivi les conseils d'un ami sylviculteur et aussi de sa femme, en réalisant la culture d'une grande variété d'arbres. Aujourd'hui, il a prévu de planter une vingtaine d'arbres dont une dizaine de châtaigniers, un noyer, des épicéas, des chênes et des peupliers.

Le châtaignier est l'arbre préféré de Raymond. Sans lui les hivers seraient durs. Les châtaignes sont ramassées entre le 15 octobre et le 15 novembre. Beaucoup sont fumées pour améliorer leur conservation, d'autres sont travaillées fraîches pour être congelées ou consommées rapidement. On réserve également une bonne part des châtaignes à l'alimentation des animaux.

Ah ! La châtaigne ! Je n'ai pas pu m'empêcher ce clin d'oeil à mon fruit préféré...

Depuis que les serres chauffées au pétrole ou au gaz ont disparu, les hommes ont du s'adapter à l'intermittence de la nourriture. Il fallait amasser suffisamment de réserve pour supporter les périodes difficiles comme l'hiver et le printemps. Les hommes sont revenus à une consommation marquée par les saisons et le climat de leur région.

Pour aller sur le lieu de plantation situé à 500 m de la maison, Raymond doit marcher à travers champs avec ses arbustes. Il fera trois aller et retour pour amener tout son chargement. Ensuite la procédure est immuable. Il faut creuser un trou dans le sol froid de l'hiver, on y installe l'arbuste qui a poussé dans un pot jusqu'ici. Il suffit d'aplanir le sol autour du plant et de l'entourer d'un grillage cylindrique pour le protéger des animaux. A chaque opération terminée, Raymond émet une pensée pour l’arbre. Il faut qu’il vive le plus longtemps possible car il sait que l'avenir de ses enfants dépend en grande partie de ces arbres. Deux heures ont passé, demain il faudra refaire la même chose, Raymond va rentrer se restaurer. Les plantations vont du 15 décembre au 15 mars et Raymond plante tous les ans 400 à 800 arbres sur 2 à 3 hectares, pas toujours sur ses terres. Pour ce travail qualifié « d’intérêt écologique » l'État le rétribue et c’est devenu au fil des années un vrai plaisir. Raymond constate une amélioration de ses rendements agricoles depuis que la campagne retrouve ses arbres.

La matinée se termine, le soleil pointe le bout de son nez à travers une fenêtre nuageuse. Il est temps de manger, Raymond revient tranquillement vers sa maison. Sur son chemin, il surprend une biche qui détale à travers les champs et les haies. Dans le ciel, une buse tournoie au dessus d'une jeune forêt, elle chasse les petits rongeurs. La vie grouille autour du hameau de la famille Dubois.

Ce midi Raymond va manger seul, ses enfants sont à la cantine et sa femme est à Nantes avec ses collègues. Ce soir et demain midi ils mangeront tous ensembles. Raymond prend le temps de préparer pour ce soir des légumineuses qu'il met à tremper dans le frigo hivernal. Ce frigo existe dans toutes les maisons maintenant. Il s'agit d'une boîte qui dispose d'un système de refroidissement utilisant l'air glacial qui souffle à l'extérieur. Les aliments à refroidir sont isolés de la pièce chaude où les hommes vivent. Ainsi la réfrigération des aliments coûte peu d'énergie en hiver. L'été les hommes utilisent un autre frigo situé à l'intérieur car c'est à l'intérieur de la maison qu'il fait le plus frais.

Le repas de Raymond se compose de pain, d'un morceau de saucisson, de châtaignes grillées congelées, de fromage et de jus d'orange pressé. Isabelle ramène à la maison une fois par semaine quatre à six kilogrammes d'oranges qui viennent par train d'Espagne. Depuis de nombreuses années, les fruits et légumes qui viennent de loin, ne sont pas présents en grande quantité tous les jours sur les étales des commerçants. Les habitants ont du s’adapter à une certaine intermittence de la nourriture. Par exemple, les oranges viennent depuis toujours d’Espagne. Il y a encore 20 ans des camions en amenaient tous les jours à Nantes. Aujourd’hui, deux trains d’une douzaine de wagons chargés d’oranges arrivent d’Espagne toutes les semaines, le lundi et le jeudi. Les habitants savent que le mercredi et le week-end il est difficile de trouver des oranges. Alors la majorité des habitants viennent une fois par semaine le jour de l’arrivage des agrumes et en achètent suffisamment pour tenir la semaine, voir deux semaines. La nourriture n’est pas pour autant très chère car l’état veille sur la stabilité des prix, elle est simplement moins disponible.

Les oranges espagnoles qui viennent chez nous par le train, c'est possible dès maintenant !

Une fois son repas terminé, Raymond s'occupe des déchets de sa petite famille. Le tri sélectif est de règle et adopter un bon comportement peut permettre de substantielles économies, étant donné que les déchets collectés sont pesés. Plus on a de déchets et plus on paye. C'est le principe du pollueur payeur appliqué à de nombreux autres domaines. Raymond se souvient qu'en 2000, un Français jetait plus de 400 kg d'ordures par an. Aujourd'hui quand quelqu'un dépasse les 150 kg, il paie très cher la collecte. Les Dubois jettent tous les ans environ 300 kg de déchets, pour quatre personnes. Dans de nombreux villages de campagne, la collecte est effectuée par des charrettes tirées par des percherons. Dans certaines villes, on les retrouve aussi, mais on voit surtout des camions fonctionnant à l'hydrogène et des tramways spécialement aménagés.

Tous les déchets organiques de Raymond vont être compostés. Les plastiques vont être mis de côté et seront déposés dans un conteneur près de la gare de Héric. Les emballages en papier et carton seront gardés pour alimenter le feu de la cheminée l'hiver. Les emballages en amidon de maïs sont compostés avec les déchets organiques. Toutes les bouteilles de verre sont consignées et effectuent plus de 50 rotations avant d'être fondues pour donner de nouvelles bouteilles de verre. Une rotation correspond à un cycle d’utilisation de la bouteille. Pour le cas du lait une rotation correspond une succession d’étape : nettoyage et remplissage de la bouteille, stockage chez un commerçant, vente à un consommateur, retour de la bouteille vide au magasin puis à la laiterie.
Les appareils ménagers qui arrivent en fin de vie sont renvoyés à l'usine qui les a construit pour recycler au maximum les pièces les moins usées.
Raymond a passé seulement quinze minutes à gérer les déchets d'hier et de ce matin pour toute sa famille. Il se rappelle qu'étant plus jeune, il y avait tous les jours un monticule de papier ventant les mérites de produits de grande consommation. Depuis 2009, le gouvernement a limité considérablement le champ d'action de la publicité car il considère qu'elle est le plus gros frein à la lutte pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre. La publicité est un facteur de consommation et donc un facteur supplémentaire de la pollution. Aujourd'hui la publicité n'est plus qu'une information qu'il faut aller chercher dans des endroits réservés à cet effet. Ces endroits sont indiqués avec le nom de Centre d'Information Publicitaire. Il y en a un dans chaque bureau de poste et dans certaines salles de mairie. Les cafés sont devenus volontiers des lieux où on s'informe des dernières nouveautés et promotions. Une cloison est généralement réservée à cet usage et les cafetiers gagnent quelques euros grâce au commerce de leurs espaces publicitaires. Le seul espace où la publicité est plus largement tolérée est internet car il s'agit d'informations qui économisent la matière (le papier et l'encre) et qui touche moins les gens. La télévision privée est largement couverte par les spots publicitaires, par contre les chaînes de la télévision publique comportent beaucoup moins de publicité. La télévision publique a un rôle éducatif et culturel et n’entend pas encourager la consommation de produits amenés à être des déchets un jour ou l’autre. Des spots éducatifs sur les gestes qui permettent la conservation de la planète sont diffusés régulièrement et remplacent une grande partie de la publicité.

Pour écrire ceci, je me suis inspiré du combat de casseur de pub. Je crois que les solutions que je propose sont toujours les bonnes pour raccourcir les circuits de production/distribution et faire en sorte de limiter le gaspillage du à la publicité.

A l'aide les artistes !
Si un artiste pouvait m'aider à illustrer cette idée. Il serait intéressant de montrer l'intérieur d'un bistrot avec la fameuse cloison où les gens viendraient s'informer des promos. Pourquoi pas une bande dessinée de quelques planches montrant quelqu'un qui cherche à faire connaître un produit, qui trouve curieux de ne pas voir de panneaux de publicité à l'extérieur et qui apprend comment les gens de ce pays vertueux s'informent et consomment ?

Raymond sort de la maison et va voir son voisin et ami Julien Le Métayer. Ils avaient prévu de se voir cet après-midi pour monter quelques panneaux solaires. La camionnette qui doit les amener n'est pas encore arrivée. Raymond et Julien vont prendre un café tranquillement.

Julien exerce le même métier que Raymond, agriculteur. Ceci est très intéressant quand l'un des deux veut partir en vacances, car l'autre surveille l'exploitation de celui qui part. Julien en plus d’être agriculteur est un ancien cycliste professionnel. Il a terminé sa carrière avec une quinzième place au Tour de France 2027. Souvent il relate ses exploits avec ses amis. Le Tour de France est l’événement sportif le plus suivi par les Français en 2035 et le cyclisme est redevenu plus populaire que le football il y a une vingtaine d’années. On pense que parce que les gens pratiquent beaucoup plus le vélo dans leurs trajets quotidiens, ils s’identifient mieux aux héros du cyclisme. Le Tour de France a bien changé depuis 2007. Il y a beaucoup plus de concurrents et la course se déroule avec trois départs de pelotons de 120 cyclistes. Les départs entre les pelotons à chaque étape sont espacés de soixante minutes. La caravane qui suit le peloton a beaucoup changé. Elle n’est plus composée de 20 camions, 45 voitures publicitaires, 15 motards et 2 hélicoptères. Le pétrole est beaucoup trop cher pour faire avancer autant de monde derrière les cyclistes. Aujourd’hui on se contente de 6 motos légères (deux dans chaque peloton) qui filment la course et d’une dizaine de voitures à air comprimé très performantes pour assurer la sécurité et le ravitaillement des cyclistes. Nous n’avons plus les belles images aériennes d’autrefois sauf lorsque le Tour est survolé par un dirigeable. Malgré cela le Tour reste l’événement sportif le plus mythique qui est existé.

Le vélo couché est 30% plus efficace qu'un vélo classique. Pourquoi ne pas l'imposer lors du Tour de France ?

Concernant le Tour de France, je pense aujourd'hui qu'il faut le révolutionner. Il n'est pas normal que les vélos couchés, plus efficaces que les vélos classiques, soient interdits de compétition de cette renommée. On perd là une énorme occasion de démocratiser un moyen de transport non polluant et très efficace. Il serait facile de former deux pelotons : un qui utiliserait le vélo classique (les escargots) et un autre qui utiliserait le vélo couché (les moustiques). 
Un vélo couché coûte aujourd'hui plus de 1500 euros parce que c'est un produit rare et fabriqué en petite série. Si ces vélos étaient aussi répandus que les VTT ou les vélos classiques, ils seraient abordables financièrement et de nombreux trajets effectués en voiture seraient évités grâce à ce mode de transport réellement efficace.

La camionnette à air comprimé arrive vers trois heures de l'après-midi avec les panneaux photovoltaïques. Ces panneaux portent la mention "capteur d'énergie solaire fabriqué par l'énergie solaire". Cette mention commence à se généraliser car l'énergie utilisée pour produire la chaleur nécessaire à la fonte du silice provient de centrales solaires installées dans le désert algérien et dans quelques endroits du Sud de la France. Pendant 15 ans, les panneaux photovoltaïques ont été produits grâce à la chaleur dégagée par la fission de l'uranium. La moitié des premiers panneaux photovoltaïques a été envoyée dans le désert algérien pour construire les premières centrales solaires. 

Ces centrales d'une puissance de 10 000 Mégawatt suffisaient pour produire la chaleur nécessaire à la fusion des métaux et du silice. On a alors construit des voies ferrées reliant ces points chauds aux grands ports du pays. Le développement actuel de l'Algérie est impressionnant, l'énergie solaire ainsi domestiquée a permis de transporter de l'eau douce provenant d'usine de dessalement d'eau de mer, au coeur du désert. En collaboration avec la France, les Algériens ont d'abord planté des arbres pour créer une couverture végétale favorable aux lichens et aux mousses.

 Ainsi on a aidé à la création d’une petite couche d’humus. Depuis quelques années, les premières parcelles de terres cultivables sont exploitées. Parallèlement au développement des centrales solaires algériennes, la France a démantelé une quarantaine de ses réacteurs nucléaires. Les dernières qui restent alimentent les grandes villes qui ne peuvent produire toute leur énergie à partir des énergies renouvelables. Les grands sites industriels sont également alimentés par l’énergie nucléaire, comme par exemple les chantiers navals de Saint Nazaire ou les hauts fourneaux du Rhône qui produisent les rails de la SNCF. Le nucléaire reste un très bon complément des énergies renouvelables et on économise le combustible pour que les générations futures en aient suffisamment pour couvrir leurs besoins.

Julien veut installer ses panneaux solaires dans un coin de son jardin derrière la maison. Cela prend deux heures aux deux amis pour monter l'ensemble photovoltaïque. Le plus compliqué est de réaliser les branchements électriques. Il y a un modulateur qui équilibre l'intensité du courant car celle-ci est fonction de l'intensité du rayonnement reçu par les panneaux. Le modulateur est en relation avec un système de stockage de l'électricité qui peut être une batterie plomb / acide, un couple compresseur d'air / alternateur ou un couple électrolyseur / pile à combustible. Lorsque l'intensité du rayonnement reçu est supérieure à l'intensité nominale, adaptée aux appareils électriques de la maison, le modulateur oriente l'excédent d'électricité vers le système de stockage. Lorsque le rayonnement reçu est insuffisant, c'est le système de stockage qui fournit ce qu'il manque pour atteindre l'intensité nominale. Ainsi on peut compter sur l'électricité du soleil une bonne partie de la journée.

Raymond et Julien vérifient maintenant le bon fonctionnement de l'installation dans la maison. Julien branche son ordinateur sur la prise 48 volts et l'allume. En 10 secondes, celui-ci est disponible. Depuis 2012, la tension standard des appareils électriques est le 48 volts. Auparavant, elle était de 220 volts. Cette norme tend à disparaître pour permettre le développement des sources d’énergie renouvelable décentralisées, comme les panneaux photovoltaïques. Ils arrivent difficilement à fournir une tension domestique de 220 volts. En outre cette tension était inadapté pour les petits appareils électroménagers usuels, elle ne se justifiait que parce que l’électricité était produite parfois à plus de mille kilomètres de son lieu de consommation, et qu’elle avait emprunté des lignes à très hautes tensions de 400 000 volts. Le 48 volts en continu est bien plus adapté aux usages domestiques et aussi beaucoup moins dangereux. Pour une puissance équivalente à l’ancien courant alternatif, les électriciens ont choisi d’adopter le 48 volts car il permettait d’économiser du cuivre. La section des fils électriques doit faire 1.5 mm², ce qui reste faible. Parallèlement à l’adoption de cette nouvelle norme, les appareils électriques sont devenus particulièrement économes et efficaces. Ils compensent ainsi les pertes de chaleur liées à l’effet joule lorsque le courant vient de loin. S’ajoute à cela les économies de pertes dans les moteurs alternatifs et dans les transformateurs qui alimentaient tous nos petits appareils électriques. Les économies d’énergies sont alors gigantesques. Dans les pays peu développé, l’utilisation du courant continu, plus efficace, a semblé plus rationnelle que la construction d’infrastructures nationales fonctionnant au courant alternatif.

Je tire cette réflexion du livre Facteur 4 dont un résumé figure sur le site.

Isabelle et ses enfants reviennent à la maison.

Raymond s'aperçoit qu'une de ses vaches souffre le martyr, il appelle le vétérinaire.
Les médecins, les vétérinaires, les pompiers et les gendarmes sont les derniers à qui l'Etat autorise l'usage de voiture consommant du pétrole. Les voitures sont montés avec des moteurs à petite consommation. Le vétérinaire arrive avec sa voiture légère adaptée aux routes de campagne. Il salue Raymond et l’accompagne dans l’étable. La vache attend sans bouger dans le fond du bâtiment. Le vétérinaire l’ausculte et comprend qu’elle a dû ingurgiter un corps étrangers. A l’aide d’un tuyau en plastique, le vétérinaire lui fait avaler un aimant. Dans quelques jours, l’aimant tombera avec le corps étrangers s’il est métallique. Raymond tiendra au courant le vétérinaire par internet. Le vétérinaire quitte Raymond et sa petite famille qui rentre à la maison.

Raymond comme à son habitude regarde sa boîte à e-mail par internet. Un ami leur envoie des nouvelles de ses vacances en Algérie, il vient de visiter la plus grande centrale solaire du monde et il décrit tout le chemin qu'il a parcouru pour arriver jusque là.

Même si je parle de l'Algérie, je n'oublie pas l'ensemble du nord de l'Afrique de culture franco-phone. Si je parle de ce pays, c'est que je pense que si nous voulons éviter de gros problèmes d'immigration en France facteurs de nationalisme barbare, il faut aider à sortir ces pays du sous-développement. Face au problème du climat ou de la déplétion des ressources fossiles, il ne faut pas se limiter à balayer devant notre porte, il faut aussi balayer devant la porte de nos pauvres voisins pour qu'ils évitent de copier notre mal-développement agricole et industriel.

Voici le mail qu’il a reçu :

Bonjour Raymond, Isabelle, Nicolas et Charlotte.

Je vous écris de Adrar, dans le sud-ouest de l’Algérie. Nous entamerons notre retour vers la France dans trois jours. Nous comptons vous revoir dans une semaine.
C’est la deuxième fois que nous allons fouler le sol de l’Algérie, la première fois remonte à 2010. Depuis ce temps là, l’Algérie a beaucoup changé. Elle est devenu l’oasis fertile du Magreb qui montre l’exemple à ses voisins. Pour que vous compreniez mieux mes propos, je vais vous raconter tout mon voyage. Voyage au cours duquel je n’ai pas arrêté de prendre des notes sur mon mini ordinateur portable.

22 décembre 2034, nous partons Sabrina et moi de Nantes pour rejoindre l’Algérie où nous passerons notre lune de miel. Nous partons avec nos deux vélos et de quoi camper dans le désert. Le train que nous prenons est un express qui nous emmène à Paris Montparnasse. Nous irons ensuite en vélo à la Gare de Lyon où un autre express nous conduira jusqu’à Marseille.

23 décembre 2034, nous sommes à Marseille, nous allons y rester un peu car il faut attendre le prochain bateau. Notre voyage ferroviaire a duré dix heures depuis Nantes. Nous avons pu nous reposer et nous avons rencontré des voyageurs sympathiques qui allaient parfois beaucoup plus loin que nous. La traversée de Paris a été très agréable avec nos vélos. Les embouteillages sont un vieux souvenir et les bicyclettes sont les reines de Paris. Les voitures à air comprimé sont obligées de stationner à la périphérie de la ville dans des parkings où elles peuvent se recharger. Les travailleurs doivent ensuite prendre leurs vélos pour rejoindre leurs entreprises. Quelque chose m’a tout de même frappé, Paris verdit. On voit un peu partout que la mairie a planté des arbustes parfois aux dépends de la chaussée ! La capitale va respirer encore mieux dans quelques années. Parallèlement au reboisement de la ville, nous avons pu constater les progrès en matière d’économie d’énergie. Il y a moins de gaspillage sur l'éclairage publique. Ils utilisent des caméras nocturnes pour sécuriser les rues les plus sombres. De nombreux trottoirs sont équipés de lampadaires associés à des détecteurs de mouvement. La nuit Paris ressemble à une ville scintillante avec tous ces piétons qui avancent dans le noir accompagnés par la lumière.

25 décembre 2034, Joyeux noël ! Le temps est magnifique sur Marseille, nous nous sommes baignés aux termes marins. Figure-toi que l’eau des termes est à plus de 30°C même en hiver ! Les panneaux solaires fournissent énormément d’énergie dans le sud. Nous attendons des surprises en Algérie. Beaucoup d’habitants de la région de Marseille sont des expatriés de l'Algérie. Depuis le rapprochement de la France et de l’Algérie, nombreux sont les Algériens de Marseille qui ont le projet de revenir dans ce paradis qu’est l’Algérie d’aujourd’hui. Les Marseillais parlent énormément de l’Algérie et remercient le ciel que notre gouvernement ait eu cette politique de développement de l’Algérie. Nous avons appris que le prochain bateau traversant la mer méditerranée partira demain.

26 décembre 2034, je suis sur le pont supérieur du Solarius et je vois disparaître la côte Marseillaise. Sabrina est passionnée par les bateaux et elle a déjà sympathisé avec le capitaine. Il nous a expliqué l’histoire de ce bateau et comment il est propulsé. Le Solarius a été construit en 2015 à Saint Nazaire. Il est le deuxième bateau au monde de cette longueur (154 mètres) entièrement dépendant du soleil et du vent. Il dispose de voilures tournantes et de panneaux solaires sur le pont et sur le haut de la coque. Il stocke l’énergie sous forme d’hydrogène et son autonomie en cas d’absence de soleil ou de vent est de 4 jours, pendant lesquels il peut soutenir une vitesse de croisière de 10 km/h. Autrement dit il faudrait que le terre s’arrête de tourner pour empêcher le Solarius d’arriver à destination. Il emporte 200 hommes d’équipage et 650 passagers relativement bien installés ainsi que 30 voitures. L’intérêt de ce type de bateau est qu’il est extrêmement rentable car il ne coûte rien en carburant mais seulement en salaire d’équipage, en amortissement et en entretien. Les billets d’accès au Solarius sont bien moins onéreux que les billets des paquebots fonctionnant au pétrole ou au charbon. Le capitaine nous a expliqué que le Solarius a été commandé par la SNCM pour faire la navette entre la Corse et le continent. A l’époque les gens pensaient que cela ne marcherait pas car la mode était aux navettes rapides. Cependant, l’énergie devenait de plus en plus chère et les prix des billets ont augmenté. Le Solarius a permis de diviser par quatre le prix des billets de l’époque. Le succès a été fulgurent malgré le faible emport d’automobiles. Beaucoup de gens se sont arrangés avec les transports terrestres pour ne plus emmener avec eux leur voiture. Les autres bateaux ont perdu des clients et sont devenus moins rentables. L’arrivée du Super Solarius en 2017 poussa la SNCM à vendre à des ferrailleurs ses Ferries et ses navettes rapides devenus coûteuses. Le Super Solarius peut emporter plus de 200 voitures et 1500 passagers. Son succès a entraîné la construction d’une multitude de copies qui ont remplacé dans toutes les mers du monde tous les ferries fonctionnant au pétrole devenu trop cher.

30 décembre 2034, nous sommes à Alger. Le Solarius a vogué à 10 km/h grâce à l’énergie du soleil. Nous avons profité pleinement du voyage, les hommes d’équipage pêchaient tous les jours des poissons que nous avions dans l’assiette le repas suivant. Le silence du Solarius permet de ne pas effrayer les poissons. Souvent, nous avons vu des dauphins jouer dans les vagues à l’avant du navire. Le capitaine nous a expliqué qu’avec les bateaux plus rapides, il est plus rare d’observer ces mammifères naturellement curieux mais aussi relativement lents. Notre arrivée à Alger s’est faite en soirée et nous avons peu vu la ville. Nous la verrons mieux demain.

31 décembre 2034, Alger est magnifique, c’est une oasis de verdure avec des lignes de tram et des habitations typiquement méditerranéennes. Nous avons visité le joyau de la ville, l’usine de dessalement d’eau de mer. Cette usine a été construite en 2011 juste après les accords de Nice qui ont permis le développement des relations franco-algériennes. La première aide que la France a offert à l’Algérie a été cette usine qui produit de l’eau potable à partir de l’eau de mer et du soleil. L’eau était un problème à cette époque et ce cadeau de la France a été salué par tous les Algériens. La ville d’Alger grâce à cette eau a pu planter des arbres qui aujourd’hui ombrage les rues très agréablement lorsque l’été est caniculaire.

3 janvier 2035, nous avons fêté la nouvelle année à Alger. Les habitants sont très chaleureux et ils nous remercient de notre aide pour développer leur pays. Ils comprennent aussi notre préoccupation de l’avenir de la planète et pensent que ce que nous faisons est juste et bon. Ces derniers jours, nous avons été hébergés par des autochtones et nous profitons des plaisirs de la plage. L’eau est fraîche mais tout à fait supportable comparée à l’eau de Saint Brévin les pins à cette saison. Nous avons pris nos billets de train pour aller dans le sud du pays, à Adrar. Nous allons visiter la plus grande centrale solaire du monde.

5 janvier 2035, nous sommes à Adrar et nous vous écrivons. Il faut qu’on vous parle du voyage en train car ce que nous avons vu est extraordinaire. Nous pensions voir du désert sur une bonne partie du parcours et nous n’avons vu que des arbres ! On nous a expliqué que l’eau des usines de dessalement du Nord du pays était transportée grâce au pipe-line et au train dans le sud du pays. En effet on voit à peu près tous les kilomètres de gros réservoirs d’eau qui alimentent des canaux d’irrigation. Les trains ne circulent que le jour car ils sont alimentés par les centrales solaires. On a visité la grande centrale solaire de Adrar. Lors de la visite nous avons appris qu’il existe trois manières d’exploiter directement l’énergie lumineuse du soleil. La première manière, vous la connaissez, il s’agit du solaire photovoltaïque. Cette technique est plus intéressante dans les pays du nord car la chaleur du désert algérien diminue le rendement des photopiles. La seconde façon d’exploiter la lumière du soleil est de produire de l’eau chaude qui peut servir dans les usages domestiques. Pour cela on fait circuler de l’eau dans des panneaux noirs isolés de l’extérieur, ce système est simple et très efficace. Enfin, la troisième méthode d’exploitation directe de l’énergie solaire est le four avec concentration du rayonnement. Des miroirs judicieusement placés concentrent la lumière en un point. On place à cet endroit ce que l’on veut chauffer et la température peut atteindre les 3000°C. Ceci est énorme et permet de fournir une grosse quantité d’électricité qui sert à fondre les matériaux utiles à la fabrication d’autres capteurs solaires. L’Algérie a domestiqué le soleil et en tire toutes ses ressources. Grâce au soleil le désert recule et devient source de richesses. Notre époque est vraiment formidable !

Bisous à vous deux et à bientôt.
Michael et Sabrina

La poste a également envoyé à Raymond un mail lui indiquant qu'ils ont reçu aujourd'hui un pli de l'administration. Ce pli lui sera apporté dans quatre jour. S'il est pressé, il lui suffit de se déplacer au bureau de poste. Depuis 2010, la poste a subit une petite révolution. Elle s’est numérisée pour limiter au maximum ses émissions de gaz à effet de serre. Le facteur ne passe qu’une seule fois par semaine, il fait tous les jours environ 50 km (du lundi au vendredi) avec sa bicyclette et son courrier. La poste dispose de quelques voitures à air comprimé réservées au transport des colis. Dans certaines régions accidentées, le cheval est la seule monture du facteur, ce qui est moins fatiguant que le vélo. Partout en France, les lettres arrivent à leurs destinations en empruntant le train. Elles passent beaucoup de temps à attendre le départ de la prochaine rame dans les centres de tri qui se trouvent généralement à proximité des gares. Dès qu’elles arrivent à la gare de destination, le bureau postal envoie un mail électronique au destinataire final. Lorsque celui-ci reçoit son mail, il sait qu’il attend un courrier. Il peut alors attendre le prochain passage du facteur, ou passer au bureau postal pour le récupérer.

Pendant le repas, les Dubois discutent de leur journée.

Isabelle a discuté ce midi avec un collègue dont le fils travaille aux chantiers de Saint Nazaire. Depuis de nombreuses années le savoir-faire des chantiers de l’Atlantique est reconnu dans le monde entier. Auparavant, on y construisait des paquebots de croisière fonctionnant au pétrole et au gaz. Aujourd’hui les chantiers construisent des bateaux fonctionnant avec le vent et le soleil. Ces bateaux sont des géants des mers pour l’époque actuelle, mais leurs tailles restent faibles par rapport aux paquebots qui rayonnaient dans le port il y a seulement 30 ans. Le jeune garçon dont parle Isabelle travaille sur une goélette de 60 mètres de long, elle dispose de voile en tissu comme il y a deux cents ans et va nécessiter 20 hommes d’équipage pour manœuvrer. Contrairement à la majorité des bateaux qui sortent des chantiers de Saint Nazaire, cette goélette est très peu équipée en panneaux photovoltaïques. Elle est conçue pour transporter des passagers sur l'atlantique nord et devrait atteindre une vitesse de croisière de 25 km/h lorsque le vent est favorable. Il lui faudra moins de quinze jours pour atteindre New York en partant de Brest. Dans le meilleur des cas le voyage ne dure que dix jours. Brest est devenu la grosse plate-forme française de départ vers les Amériques. C’est le port le plus proche de New York. Brest est relié par les voies ferroviaires à l’ensemble du pays, et on peut même dire à l’Europe entière.

Les Dubois discutent des dernières nouvelles du jour.

Les États-Unis demandent de l’aide à l’Europe car la crise énergétique a fortement touchée l’économie américaine. De nombreux Américains sont au chômage. Certaines régions font penser à de gigantesques dépotoirs où s’amoncellent les voitures, les avions et les camions dépendants du pétrole. Le manque d’eau se fait cruellement sentir dans de nombreuses régions. La bonne nouvelle en provenance des États-Unis est que le nombre d’obèses a encore diminué, étant donné qu’il y a moins de nourriture.

C'est pas de ma faute si j'ai des problèmes de santé, c'est la faute à Makedo ! 

Et surtout davantage de sport car 60% des déplacements se font en vélo ! Ce type de photo deviendra pratiquement impossible en 2035, faute de sujets...

La France est devenue depuis 2007 un véritable modèle pour les pays du monde. Elle est devenue le modèle du développement durable et du bien être. Les Dubois se souviennent du premier président de Générations Futures. Ils passaient beaucoup de temps à convaincre ses homologues étrangers de l’accompagner dans sa lutte contre le dérèglement climatique. Il montrait l’exemple en allant dans les pays qui l’accueillaient avec les moyens de transport les moins polluants. Il prenait rarement l’avion, et celui qui l’emmenait parfois était conçu pour économiser le kérosène au maximum. Il décollait grâce au pétrole, et une fois arrivé à 15000 mètres d’altitudes, son avion déployait sa voilure solaire qui fournissait suffisamment d’énergie pour maintenir les 400 km/h. Ainsi il traversait les océans en brûlant le minimum de pétrole. Les présidents qui l’ont succédé ont suivi sa méthode et souvent la course à la présidentielle consistait à prouver qu’on était capable de parcourir la France en vélo en prêchant la bonne parole. Générations Futures est le parti dominant en France depuis 2012 et de nombreux pays ont adopté sa politique.

Tout cela commence à être du passé pour moi. J'ai perdu bien des illusions sur la démocratie. Mais ce paragraphe vaut le coup d'oeil, imaginez un présidentiable obligé de se taper un tout de France en vélo couché pour montrer le bon exemple. Je connais bien des hommes ou femmes politiques qui seraient totalement largués. Et évidemment à l'époque ou j'ai écrit ses lignes je pensais que je pourrais être le premier... 

Depuis quelques années, une ombre pèse sur l’avenir de l’humanité. Cette ombre est la Chine communiste. Le nouveau dirigeant du parti se comporte comme un tyran. De nombreux intellectuels ont été emprisonnés ou contraints à l’exil. Le tyran chinois se déclare prêt à l’usage de la bombe atomique pour conserver un accès au pétrole du Moyen-Orient. La France et ses alliés européens sont en train d’infiltrer la Chine avec des soldats parfaitement entraînés pour l’espionnage. Ces soldats se fondent dans la population, ils maîtrisent la langue et sont aidés par une partie de la population. Dans quelques mois, le tyran sera enlevé et jugé en Europe pour crime contre l'humanité. Il risque un emprisonnement à vie associé à une longue peine de travaux forcés.

La Chine se transforme peu à peu sur notre modèle et je ne crois plus à cette menace chinoise. Quand viendra la crise, elle sera autant confrontée que nous au problème de pénurie d'énergies.

Les prisons et la justice ont bien changé en 2035, elles ont l’obligation de punir et d’éduquer les condamnés. La peine est souvent en rapport avec la faute commise. Pour certains domaines, la sanction consiste en une obligation de réparation à vie. Par exemple lorsqu’un automobiliste renverse un piéton et le paralyse à vie, il est condamné à lui verser une forte amende et il a surtout l’obligation de l’aider deux jours par semaine dans ses activités domestiques jusqu’à la fin de ses jours. Lorsque la victime n’accepte pas de revoir le responsable de son calvaire, celui-ci a l’obligation d’aider une autre personne ayant eu le même type d’accident. Ce type de peine a rendu beaucoup plus de gens responsables de tous leurs actes et à limiter massivement la prise de toute drogue qui pouvait altérer le comportement et la vigilance. Auparavant on distinguait les dommages involontaires des dommages volontaires, on était très clément avec les accidents involontaires. Aujourd’hui, quelque soit le rôle de la volonté, on regarde le droit de la victime. La vigilance et la diligence des gens entre eux sont beaucoup plus fortes que par le passé. Les criminels, qui causent des dégâts par leur seule volonté, sont punis avec des peines de travaux d’intérêt général. Parmi ces peines, on trouvent par ordre de difficulté : l’entretien du réseau de chemin de fer (désherbage manuel, remplacement des voies…), l’entretien des forêts (surtout dans le sud de la France pour éviter les feux de forêts), la plantation d’arbres dans le désert ou sur des terres de grandes cultures, la manutention du bois de chauffage, le désossement des carcasses de voitures, le tri des déchets dans des centres de collecte et, le plus dur la récupération de matière dans les décharges de l’époque industrielle. Ces travaux sont « payés modestement », ce qui laisse à chaque condamné un petit capital qu’il pourra utiliser en sortant de prison. Ainsi le condamné garde l'espoir d'une réinsertion possible dans la société. Si un prisonnier s’échappe au cours d’une sortie de travail, il sait qu’il perd tout son capital et que la durée de sa peine est doublée. La prison est un univers régi entièrement par le bâton et la carotte. C’est une microsociété qui éduque les gens pour leur permettre de mieux se comporter en sortant. Le condamné qui travaille dans des centres de tri de déchets fait un boulot difficile, et il espère qu’avec l’ancienneté s’il ne fait pas de bêtises, il pourra changer de travail et passer à l’entretien des forêts qui est beaucoup plus agréable. Par contre quand un condamné refuse d’améliorer son comportement, on l’affecte à des travaux plus pénibles. La dernière sanction est l’enfermement dans une cellule où les conditions de vie sont particulièrement difficiles. Dans certaines prisons, le prisonnier est obligé de pédaler sur un vélo pour produire l’électricité qui alimente le four de sa cellule, ou pour pomper l’eau qui arrivera dans le robinet. On leur fourni seulement les aliments et ils se font leur cuisine avec les modestes moyens mis à leur disposition. S’ils refusent, ils mangent froid et sont assoiffés. Exceptés les malades mentaux, aucun prisonnier ne va jusqu’à mourir de soif en prison et grâce à ce système l’univers de la prison est suffisamment repoussant pour brider toute tentative de violer la loi à l’extérieur. Mais cette révolution du milieu carcéral n'a été possible que dans une société plus juste qui avait un autre but que la consommation excessive de matières premières comme cela l'était autrefois. On ne peut pas donner les bons repères en prison lorsque la société n'a qu'un seul but : se détruire par tous les moyens possibles. Tout ceci s'est fait progressivement grâce à la nouvelle voie montrée par le parti Générations Futures.

Là, j'avoue que j'ai pas bougé. Je trouve ce paragraphe génial ! et vous ?   
(Je souhaite réagir à votre façon de voir les prisons dans l'avenir en 2035 : cliquez ici )

Après le repas, la famille décide de préparer ses vacances de Pâques. Ils veulent partir dans la région des landes. Raymond propose à sa famille d’y aller en train et en vélo. Les enfants ne sont pas d’accord, ils en ont marre de pédaler. Ils préfèrent la voiture à air comprimé avec une halte à mi chemin pour recharger les réservoirs. Isabelle penchent également du côté des enfants. Raymond s’incline et accepte l’idée de la voiture. Charlotte demande où ils vont dormir. Isabelle connaît des amis près du bassin d’Arcachon et Raymond connaît un camping sympathique à Biscarosse. Les enfants préfèrent le camping. Les préparatifs des vacances se poursuivent avec l’établissement d’une liste des affaires à ne pas oublier. Raymond évoque la propreté des plages plusieurs fois mazoutées ces dernières décennies. Le temps a fait son oeuvre et les plages sont aujourd’hui très belles. Le seul problème qui s’annonce pour les générations futures est que le niveau de la mer monte et que dans certains endroits on y est très sensible. La lutte contre les changements climatiques sera la seule raison d'être des sociétés futures.

Avant d'aller se coucher les enfants préparent leurs affaires pour aller à l'école et aussi pour pratiquer leurs activités sportives. Nicolas et Charlotte préparent leur kimono de karaté. Leur professeur va leur enseigner l’art de la main vide et de la tête pleine.

Les enfants se couchent vers 21h30 et les parents ne tardent pas car les batteries vont bientôt rendre l'âme, l'éolienne ne suffit plus et il faut garder de l'énergie pour le lendemain matin. Les matins sans énergie sont froids et pas très agréables.

2035 pourrait être une année agréable mais nous ne suivons pas cette voie malheureusement.

Eric Souffleux en juillet 2004

Voilà, j'ai décrit un peu l'utopie de 2035. Vu les chemins que nous empruntons en ce moment, ceci restera qu'une utopie mais peut être que vous prenez enfin conscience de certains problèmes et de certaines solutions. Peut être voulez-vous devenir militant de la cause de ce site ? Alors je n'ai peut être pas perdu mon temps à écrire ces lignes.

Eric Souffleux en décembre 2004

 

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Dernière mise à jour : 6 février 2006
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