ATTELAGE : CONSEILS  QUE  LE  VÉTÉRINAIRE  DOIT  POUVOIR  DONNER  A  TOUT  MENEUR
              

                                                                                                                                                               par Dr Guy  SOUFFLEUX     (9 avril 2006)

   La demande de conseils de la part du meneur peut se faire une fois que l'attelage est constitué ou avant tout achat. Dans ce cas les questions peuvent porter sur le choix du cheval et celui de la voiture. Lorsque l'attelage est constitué, le meneur peut être demandeur de conseils sur l'alimentation, l'entraînement, qui seront fonction du type et de l'intensité de l'activité : concours d'attelage, TREC (Technique de Randonnée Équestre de Compétition), randonnée, de niveau régional ou national, de conseils sur la prévention des risques de traumatismes du cheval provoqués par la voiture : ajustement du harnais, adaptation de la voiture à la morphologie du cheval, de conseils sur les "Ecoles d'attelage" pour apprendre à mener ou se perfectionner (voir annexe).

 7 ) SUIVI  BIOLOGIQUE  DU  CHEVAL  D'ATTELAGE

Il vise à mesurer l'état de forme du cheval au cours de l'entraînement, puis à détecter précocement des lésions tissulaires ou des altérations fonctionnelles, avant qu'elle n'atteignent  des niveaux mettant en jeu la carrière sportive ou la vie du cheval (8). On surveille ainsi l'activité musculaire du cheval, et sa capacité à métaboliser et éliminer par le foie et les reins les produits entrant dans le métabolisme énergétique.

 * EN  RANDONNÉE

      Plusieurs études ont été conduites pour essayer de savoir quels paramètres biochimiques devaient être analysés pour connaître l'état de forme puis l'état de fatigue ou l'état de récupération tissulaire du cheval après une randonnée (9, 13). Il s'agit de l'Equirando de Malestroit dans le Morbihan en 1999 : 140 km en 4 jours pour une dénivellation cumulée de 820 m, d'une randonnée en Côtes d'Armor en 2000 : 177 km en 7 jours pour une dénivellation de 1550 m, de la Trans-Mayenne en 2001 :  103 km en 3,5 jours pour une dénivellation de 900m.


        Il en ressort que la calcémie et la phosphorémie ne subissent pas de variations significatives, donc ne sont pas intéressantes à surveiller. Il est plus pertinent de suivre l'évolution des paramètres en relation avec les systèmes énergétiques et musculaires.

- Hématocrite
  L'élévation de l'hématocrite signe une adaptation à l'effort pour améliorer l'oxygénation des tissus. Cela signe aussi une légère hémoconcentration par déshydratation. Cependant chez le cheval, cette élévation est normale lors de stress ou d'effort. Elle provient dans ce cas d'un déstockage plus important de globules rouges contenus dans la rate qui retient 30 % de la masse des globules rouges.

- Créatinine
  Elle permet d'apporter l'énergie nécessaire aux muscles, suivant la réaction :
              CREA-P + ADP  --->  CREA + ATP     en présence de CK  (Créatine phospho-kinase )
   La valeur de base de la créatine augmente en fonction de la masse musculaire, de l'âge et de l'état d'entraînement du cheval. L'élimination de la créatinine se fait par filtration passive du rein. Son augmentation sérique témoigne d'une activité musculaire intense, avec retour à un taux normal en 48h, ou d'un défaut de filtration glomérulaire par déshydratation, ou d'une atteinte rénale.

- Créatine Phospho kinase = CK
  Cette enzyme se trouve en grande quantité dans les fibres musculaires et le coeur. Son niveau sanguin augmente du fait d'une augmentation de la perméabilité membranaire lors d'effort important (parfois déchirure de myofibrilles), de défaut d'entraînement, ou de surmenage (acidose lactique, hypoglycémie) Elle augmente fortement à l'effort et proportionnellement à celui-ci. Elle atteint son maximum trois à quatre heures après l'effort et retrouve sa valeur de base en un à trois jours. A l'issue de la randonnée des Côtes d'Armor, beaucoup plus dure en dénivelés et en durée (1550m de dénivelé en 177 km, contre 900m de dénivelé en 103 km pour la Trans-Mayenne),  la CK atteignait 517 et 539 UI/l alors qu'après la Trans-Mayenne elle atteint 395 et 448 UI/l. et retrouve un niveau normal en 48h. Il n'y a pas d'effets cumulatifs du fait de l'élimination rapide de cette enzyme, aussi le taux atteint ne reflète que la difficulté des deux dernières étapes.

- Aspartate amino Transférase = AST
  Cette enzyme, présente dans le foie et les muscles, est libérée dans le sang en grande quantité lors de souffrance tissulaire, ou en quantité moindre, du fait d'une augmentation de la perméabilité membranaire. Elle atteint son niveau maximum autour de 48h après l'effort, proportionnellement à celui-ci, et retrouve son niveau basal en une semaine. Comme son élimination est lente, par effet cumulatif le taux atteint après une randonnée de 5 jours sera plus grand que celui faisant suite à une randonnée de 3 jours.

- Urée
  Elle est le mode d'élimination de l'ammoniaque provenant du catabolisme protéique. Sa synthèse est assurée par le foie. Elle augmente de 57% pour le cheval et de 30% pour le poney à la fin de la randonnée, et retrouve un taux normal en 48h. Cela est en rapport avec l'hémoconcentration et la diminution de filtration glomérulaire rénale associée (3). Cette augmentation provient aussi d'un catabolisme protéique accru pour assurer un apport énergétique par la néoglucogenèse.

- Protéines Totales
  Elles augmentent de 13% chez le cheval, du fait d'une hémoconcentration (sudation), et surtout de l'augmentation du catabolisme protéique. En effet les albumines augmentent de 16% et les globulines de 11%. Le même phénomène se produit chez le poney, à un niveau moins élevé.

- Bilirubine Totale
    Elle provient de la dégradation de l'hème de l'hémoglobine, de la myoglobine, ou des cytochromes. Elle s'élimine sous forme de bilirubine conjuguée par le foie, réaction consommatrice de glucose et d'ATP. L'augmentation de la bilirubine totale peut provenir d'une hémolyse intrasplénique des globules qui y sont stockés, lors d'épuisement en glucose : les globules rouges ont une forte concentration en hémoglobine qui génère une forte pression oncotique. Pour que le globule n'éclate pas, la pression osmotique qui s'y ajoute est très faible, du fait de l'existence d'une pompe à Na+ / K+, mais consommatrice de glucose . L'épuisement en glucose, entraîne donc une augmentation de la pression osmotique dans le globule rouge, ce qui accélère son vieillissement, le déforme et l'empêche de passer dans les trop étroits cordons spléniques de cellules réticulées. Il se lyse sur ce filtre et est éliminé par les phagocytes situés le long des parois des sinus veineux spléniques, avec formation de bilirubine. Des auteurs ont ainsi remarqué que la bilirubinémie commençait à augmenter lors d'une diète de plus de 12h (9), et une nuit de jeûne réduisait de moitié les réserves glycogéniques du foie (20). De plus un facteur secrété par la rate dans des conditions de stress, diminuerait la résistance des hématies (20).

     Elle augmente de 300 à 400% chez le cheval et le poney, et retrouve son niveau basal en 48h. Dans ce cas, cela doit faire suite plus à un défaut de glycuroconjugaison qu'à une hémolyse intra splénique. Le défaut de glycuroconjugaison correspondrait à une moindre baisse de la disponibilité en glucose que l'hémolyse.

- Magnésium
  Le magnésium sérique diminue de 23% pendant les deux semaines d'entraînement du cheval, et de 20% chez le cheval et le poney pendant la randonnée.  Il retrouve un niveau normal au bout d'une semaine de repos. Cette chute de la magnésémie correspond à la mise en circulation des acides gras (source d'énergie pour le cheval) qui se fait par capture du magnésium par les adipocytes. La  sueur qui contient 2,5 fois plus de magnésium que le plasma est aussi responsable de cette diminution de la magnésémie.

  

SYNTHÈSE

     Les modifications des paramètres biologiques en rapport avec un travail musculaire sont toujours du même ordre pour les trois randonnées étudiées.


     C'est un travail d'endurance avec des efforts de traction plus intenses lors de passages sur des chemins tirants ou lors d'ascension de côtes.

· L'organisme fournit ce travail en consommant beaucoup d'énergie, ce qui se manifeste :
- par une diminution du glucose disponible pendant l'effort, d'où un vieillissement accéléré des globules rouges par augmentation de leur pression osmotique (pompe à Na+), une diminution de la glycuroconjugaison hépatique,  ceci concourant à augmenter le taux de bilirubine totale, mesurable dés la fin de l'épreuve et proportionnel à sa difficulté.
-  par une stimulation de la néoglucogenèse avec augmentation de l'albumine, et surtout de l'urée.
-  par une lipomobilisation consommatrice de magnésium

·  L'organisme se fatigue : l'acide lactique et la diminution du glucose favorisent une augmentation de la perméabilité cellulaire des fibres musculaires, ce qui se manifeste par une augmentation importante des taux de créatine phospho kinase et d'aspartate amino transférase.

· L'organisme réagit : les augmentations d'hématocrite proviennent autant de la déshydratation par sudation que d'une mobilisation accrue du pool de globules rouges spléniques. Ainsi une semaine après l'effort l'hématocrite reste supérieur à ce qu'il était avant. La créatine peut refléter l'état d'entraînement du cheval : elle augmente régulièrement au cours de celui-ci. Chez le cheval entraîné elle augmente peu autour d'un niveau basal plus élevé.

 * EN  CONCOURS  D'ATTELAGE

     Un concours d'attelage national ou international se déroule sur 3 jours . Pour le premier jour  l'épreuve de dressage et l'échauffement qui la précède, correspondent à une randonnée de une heure au trot sur terrain plat. Le deuxième jour, l'épreuve de marathon se fait en terrain varié, sur une distance de 10 à 25 km, à un rythme soutenu que supportent très bien le cheval bien entraîné. Dans les obstacles un effort court mais violent est demandé. C'est là que l'on observe des Fréquences Cardiaques proches de 200 batt/mn et que la lactatémie s'élève lorsque l'entraînement a été mal conduit. Le troisième jour est consacré à une épreuve de maniabilité entre des quilles et correspond aussi à une randonnée de une heure sur terrain plat.

     Les paramètres utilisables donneront peu de renseignements sur la dureté d'un concours sauf CK qui pourra mettre en évidence une lésion musculaire ou un état acidosique. Par contre les paramètres énergétiques et musculaires pourront permettre un suivi de l'entraînement du début de saison.

      Le cheval sera considéré comme prêt lorsque son utilisation énergétique sera améliorée, ce qui sera visualisé par :
      - une augmentation de son hématocrite de plus de 5%,
      -              "                de sa créatine de 10%,
      - une diminution de son urémie de 10%.
 Dans le même temps la résistance enzymatique de la fibre musculaire sera augmenté et la CK aura baissé de 10%.

*  MODALITES  D'UN  SUIVI  BIOLOGIQUE

 -   Dans tous les cas il faut faire un bilan du cheval pendant la phase de repos de l'hiver pour connaître surtout l'état de ses organes, et servir de base comparative pour les bilans suivants :
    Hématocrite, Créatinine, CK, AST, urée, protéines totales, albumine, bilirubine totale, magnésium

 -   Bilan de fin d'entraînement après 3 jours de repos, pour connaître l'état de forme du cheval :
      Hématocrite, créatinine, CK, urée

  -  Bilan de surentraînement 36h et 5 jours après une épreuve difficile ou en milieu de saison pour détecter un état de fatigue éventuel et la capacité de récupération du cheval :
     Hématocrite, Créatinine, CK, AST, urée, protéines totales, albumine, bilirubine totale, magnésium

Guy Souffleux 
 

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