ATTELAGE : CONSEILS QUE LE VÉTÉRINAIRE DOIT
POUVOIR DONNER A TOUT MENEUR
par Dr Guy SOUFFLEUX (mars 2004 - 9 avril 2006)
La demande de conseils de la part du meneur peut se faire une fois que l'attelage est constitué ou avant tout achat. Dans ce cas les questions peuvent porter sur le choix du cheval et celui de la voiture. Lorsque l'attelage est constitué, le meneur peut être demandeur de conseils sur l'alimentation, l'entraînement, qui seront fonction du type et de l'intensité de l'activité : concours d'attelage, TREC (Technique de Randonnée Équestre de Compétition), randonnée, de niveau régional ou national, de conseils sur la prévention des risques de traumatismes du cheval provoqués par la voiture : ajustement du harnais, adaptation de la voiture à la morphologie du cheval, de conseils sur les "Ecoles d'attelage" pour apprendre à mener ou se perfectionner (voir annexe).
6 ) L'ENTRAÎNEMENT DU CHEVAL D'ATTELAGE
L'entraînement du cheval va développer ses aptitudes à produire de l'énergie, va modifier la nature des fibres musculaires en fonction du travail demandé (sprint ou endurance), va adapter les systèmes cardiovasculaire et respiratoire. En attelage, on cherche à améliorer l'endurance, et les capacités d'effort à l'arrachement
ÉNERGIE
L'entraînement a des effets
marqués sur le métabolisme aérobie. Il améliore la vascularisation
musculaire pour y apporter davantage d'oxygène, le nombre de mitochondries dans
lesquelles seront dégradés les acides gras est augmenté dans chaque fibre
musculaire, les concentrations en myoglobine , hémoglobine et carnitine sont
augmentées. Rappelons que la carnitine permet de faire pénétrer les acides
gras à longue chaîne dans les mitochondries où ils produiront une grande
quantité d'énergie. (12)
Le pouvoir tampon du cytoplasme des
fibres musculaires augmente, ce qui permet à ces fibres de supporter de très
grandes concentrations d'acide lactique ou lactates sans dommage, substances qui
apparaissent lorsque le métabolisme anaérobie est sollicité (côtes ou
raidillon, chemin boueux). Ce phénomène élève le seuil d'acide lactique au
delà duquel la glycolyse anaérobie qui le génère commence à être freinée.
Cependant l'apport de solutions de
bicarbonate de sodium (solution tampon) n'augmente pas artificiellement le
pouvoir tampon des fibres. Celui-ci est surtout du à la présence de créatine,
histidine, ATP, carnosine. La capacité tampon de la carnosine augmente de 60%
en 7 semaines d'entraînement. La carnosine stimule l'activité ATPasique de la
myosine, et tamponne l'acidité du muscle qui se contracte en anaérobiose. Sa
synthèse est énergétique :
ATP + B Alanine --> Carnosine + AMP
L'entraînement améliore les capacités aérobies musculaires et augmente la capacité de l'organisme à absorber sa production de lactate en stimulant la conversion du pyruvate en Acétyl CoA. Ainsi la V4 (vitesse du cheval pour laquelle la concentration sanguine en lactate atteint 4 mmoles/l) sera augmentée avec l'entraînement. La V4 est aussi le seuil d'anaérobiose.
L'entraînement augmente le VO2 max (volume d'oxygène consommé au maximum) (1). Le VO2 est proportionnelle à l'intensité du travail qui dépend de la vitesse, du poids de la charge à tirer, de la pente, du coefficient de tirage de la surface de roulement. Si le VO2 nécessaire dépasse le VO2 max, le cheval cale, les naseaux grands ouverts pour reprendre son souffle. Il peut parfois dépasser cet exercice supra-maximal en recrutant toute sa filière anaérobie, génératrice d'acide lactique.
A une vitesse donnée, le cheval
dont on laisse la liberté de choix, se met sur l'allure qui lui coûte le moins
d'énergie. A une allure donnée, et selon cette pratique de moindre
consommation d'énergie, le cheval adapte sa vitesse. Ainsi le poney ou le
cheval de trait trottent à 12 km/h, le cheval de selle trotte à 15 km/h.
Après 20 ans le cheval de selle trotte à 12 km/h.
L'entraînement déplace cette relation allure-vitesse en améliorant le coût
énergétique de l'exercice. Ainsi le cheval d'attelage en sortie d'hivernage en
février trotte à 12 km/h, alors qu'il trotte à 15 km/h après 4 semaines à
deux sorties par semaine.
FIBRES MUSCULAIRES
Le nombre de cellules musculaires ne varie pas avec l'entraînement, ainsi que la proportion de fibres de type I (lente, peu fatigable, force limitée) et II (rapide, fatigable, force importante) qui est déterminée génétiquement. Par contre les fibres de type II s'hypertrophient en se chargeant d'enzymes, de mitochondries, de myofibrilles. Les fibres de type II B anaérobies se transforment ainsi en fibres II A aérobies
SYSTÈME CARDIO-RESPIRATOIRE
L'appareil circulatoire sert à transporter l'oxygène du poumon vers les muscles, à éliminer les métabolites apparus pendant l'effort et à dissiper la chaleur produite.
Le besoin en Oxygène étant
élevé lors de l'exercice, il y a deux moyens de le satisfaire:
- soit augmenter la quantité de sang circulant vers les muscles en la diminuant
dans d'autres secteurs, et en libérant le pool de globules rouges contenus dans
la rate (jusqu'à 50% des globules circulants).
La rate libère les globules rouges
sous l'influence des catécholamines qui sont secrétées fonction de
l'intensité et de la durée de l'exercice. L'hématocrite augmente selon la
vitesse du cheval jusqu'au taux de 60-65%. De ce fait l'EPO a un faible intrêt
chez le cheval correctement entraîné. La quantité de globules rouges stockés
dans la rate dépend de la race et de l'âge du cheval.
- soit augmenter le débit sanguin en augmentant la FC (Fréquence Cardiaque).
En début d'exercice, la FC au
repos de 30 à 40 battements par minute, passe rapidement à 110 (rythme
suprasinusal) par arrêt d'intervention du système parasympathique qui freine
en permanence le rythme cardiaque. Puis l'augmentation de la FC est plus
graduelle, sous le contrôle du système sympathique avec décharges de
catécholamines ajustées au besoin en oxygène, jusqu'à une FC qui peut
atteindre 240 battements par minute.
Pour les galopeurs, la FC est une
fonction linéaire de la vitesse de déplacement (énergie cinétique du cheval)
jusqu'à 10 m/s FC = 13 V + 87
Pour un coût énergétique minimum
de la respiration, la fréquence respiratoire se cale sur la fréquence des
battues du cheval au galop. Chaque extension du bassin et des postérieurs
provoque une dépression dans l'abdomen, qui est transmise au diaphragme et
facilite l'inspiration. De même chaque flexion du bassin lors de l'engagement
des postérieurs renvoie les intestins et l'estomac contre le diaphragme, ce qui
favorise l'expiration.
La FC maximale n'est pas modifiée par l'entraînement. C'est une
constante de l'espèce qui diminue avec l'âge . Ainsi chez l'homme nous avons :
FC max = 220 - âge en années. Mais la vitesse pour laquelle la FC max est
atteinte augmente avec l'entraînement et semble être corrélée avec le VO2
max (1).
Au delà de 120 bat/mn, la FC augmente de façon linéaire avec
l'intensité de l'effort jusqu'à la FC max qui peut atteindre 240 bat/mn chez
certains chevaux.
Avec l'entraînement, le volume cardiaque augmente, sans grand
développement de l'épaisseur des parois, juste de façon à maintenir le
rapport entre l'épaisseur des parois et le diamètre des cavités à un niveau
constant. Ainsi la tension développée par les fibres du myocarde reste
constante. Alors au repos la FC basale devient plus basse sinon le débit
sanguin resterait à un niveau élevé du fait de l'augmentation du volume
systolique (15). Pour une vitesse ou un effort identique, la FC du cheval
entraîné sera inférieure à celle du cheval "vierge", mais sa FC
max restera inchangée. Cela veut donc dire que le cheval entraîné pourra
disposer d'une réserve de puissance dans laquelle il pourra puiser lors
d'efforts brutaux.
La majorité des souffles et arythmies cardiaques détectés sur le cheval au repos sont physiologiques et sans répercussions sur les capacités sportives du cheval. Ces anomalies deviennent non physiologiques lorsqu'elles s'accompagnent d'une intolérance à l'effort. En particulier les arythmies physiologiques sont associées à un tonus vagal élevé (qui ralentit fortement le coeur), et disparaissent à l'exercice. (2)
Au début d'entraînement on observe une augmentation de l'hématocrite basal, puis une diminution chez certains chevaux d'endurance dont le volume plasmatique augmente pour anticiper les phénomènes de sudation.
La mesure des gaz du sang nous montre que le cheval
en effort intense présente une hypercapnie (trop de gaz carbonique) associée
à une hypoxie modérée (pas assez d'oxygène). Le volume d'air ventilé par
minute peut être multiplié par 30 dans ce cas. L'entraînement augmente
l'hypoxie et l'hypercapnie d'effort à cause d'une meilleur utilisation de
l'oxygène.
La fonction pulmonaire n'est pas améliorable par
l'entraînement : pas de respiration buccale, grande longueur de la trachée,
trop grande rigidité thoracique.
Ainsi le cheval entraîné
est limité par son poumon, alors que le cheval non entraîné est limité par
le métabolisme de ses muscles.
ADAPTATION DE L'ENTRAÎNEMENT DU CHEVAL D'ATTELAGE
Des études de Fréquence Cardiaque et de lactatémie de chevaux attelés montrent que le travail effectué en entraînement est la plupart du temps sans commune mesure avec celui qui est demandé au concours, particulièrement pendant la phase E. Avec un entraînement constitué de trottine sur chemins roulants ou sur route, la majorité des chevaux ont une lactatémie inférieure à 2 mmoles/l et des FC moyennes inférieures à 165 bat/min, ce qui correspond aux valeurs atteintes lors des phases A et C du concours. Par contre, aucun effort n'est demandé à des lactatémies très supérieures à 4 mmoles/l qui seront malheureusement atteintes le jour du concours pendant la phase E ! (18)
** Un entraînement spécifique au cheval d'attelage de concours visera à :
- développer la puissance musculaire qui provient de la mise en jeu du plus
grand nombre possible d'unités motrices,
- travailler le souffle
- développer la voie énergétique aérobie pour préparer les phases A et C du
marathon, le dressage et la maniabilité
- développer la voie énergétique anaérobie pour la phase E du marathon
** Un entraînement spécifique au cheval d'attelage de randonnée visera à :
- développer la puissance musculaire
- travailler le souffle
- développer la voie énergétique aérobie
La puissance musculaire s'acquerra sur des parcours en charge, au pas, sur des terrains à fort coefficient de tirage : côte, sol meuble. Le pas permettra en plus de calmer le cheval pour bien le caler dans sa tête et lui faire oublier les appréhensions qu'il a pu avoir lorsqu'il se trouvait en situation de fort tirage. Ce travail est surtout intéressant en début de saison d'entraînement pour que l'organisme s'habitue à solliciter toutes les unités motrices des muscles concernés.
Travailler le souffle par des exercices conduisant à une fréquence cardiaque élevée ( FC> 200 pendant plus de 2 mn ). Pour cela il faut trouver une côte de plus de 400m de long, à 6%, que l'on grimpe au petit trot à 11 km/h, et que l'on redescend au pas ou au petit trot. Le pas ou le petit trot permettent à la fibre musculaire de se restaurer ( élimination des déchets, reconstitution des réserves énergétiques ), tant que la FC reste supérieure à 120 pour bien irriguer les muscles. Cet exercice doit être fait 3 à 5 fois au cours de la séance.
La capacité aérobie sera augmentée en faisant travailler le cheval à des FC de 150 à 180 bat/min pour atteindre des lactatémies comprises entre 2 et 4 mmoles/l. Il faut utiliser un parcours sans dénivelé brutal, à faire à 18 km/h pour les chevaux (15 km/h pour les poneys ou chevaux de trait) pendant 20 mn. C'est un travail d'endurance à faire en continu.
La résistance anaérobie sera obtenue sur des dénivelés à plus de 6% et de plus de 400m de long que l'on grimpe au petit trot et que l'on redescend au pas, ceci étant fait quatre à cinq fois. A chaque montée la FC dépasse 200 bat/min. Un sol tirant permettra un travail équivalent.
Le travail au galop pour l'entraînement se pratique par
de nombreux meneurs. Il inclut des séances de phases de galop à une cadence
très lente sur des durées de 10 à 20 minutes, ce qui réalise un travail
d'endurance avec une lactatémie inférieure à 2 mmoles/l et une FC inférieure
à 140 bat/min, et des phases de galop plus intense à cadence élevée pour
développer la capacité aérobie en atteignant des lactatémies comprises entre
2 et 4 mmoles/l.
ASPECT PRATIQUE DE L'ENTRAÎNEMENT
Il sera progressif dans la nature du travail demandé,
commençant par développer la musculature du cheval, puis stimulant l'activité
musculaire aérobie, puis la résistance anaérobie.
SÉANCE DE REMISE A L'ENTRAÎNEMENT (février)
1) Échauffement : 1 km au pas, puis 1 km au trot
Lors du mouvement, 75% de l'énergie développée apparaît sous forme de
chaleur et doit être dissipée. Elle est d'abord stockée dans tout le corps
jusqu'à un niveau où les pertes compensent la production ( pertes par
rayonnement, par conduction, par convection ).
Ce stockage initial de la chaleur est bénéfique à l'exercice
musculaire, car la chaleur diminue la viscosité des tissus, du sang, améliore
l'élasticité des tendons, ce qui réduit les risques de rupture ou
d'élongation. Elle augmente l'activité enzymatique musculaire, base de la
transformation de l'énergie en mouvement, et la vitesse de conduction nerveuse.
L'échauffement est donc indispensable avant tout effort. (15)
2) Travail de force :
Il est facile en février de trouver des chemins boueux à
fort tirage à parcourir au pas. De longues côtes, le cheval tirant une voiture
chargée, permettent d'arriver au même résultat : mettre en jeu toutes les
unités motrices des muscles sollicités par des mouvements amples, en
éliminant la notion de vitesse.
3) Travail aérobie :
Faire un parcours assez plat de 5 à 6 km au trot, à 15 km/h
pour le cheval (12 km/h pour le poney) pour que la lactatémie reste inférieure
à 2 mmoles/l. C'est un début de travail d'endurance.
SÉANCES D'ENTRAÎNEMENT DE PRESAISON (février - mars)
1) Échauffement
2) Travail de Force
3) Travail de la capacité aérobie :
Faire un parcours assez plat de 5 à 6 km au trot, à
18 km/h pour obtenir une lactatémie entre 2 et 4 mmoles/l. C'est pour
approfondir le travail d'endurance.
SÉANCES D'ENTRAÎNEMENT DE DÉBUT DE SAISON (mars - avril)
1) Échauffement
2) Travail de la capacité aérobie
3) Travail de résistance anaérobie :
Monter une côte d'au moins 400m, à plus de 6%
au trot, et redescendre au petit trot ou au pas. L'idéal est un versant de
cette nature que l'on monte en ligne droite et que l'on redescend en faisant une
large boucle. Cet exercice sera fait deux fois la première séance puis on
augmente d'une fois par séance jusqu'à cinq. Cela améliorera le souffle du
cheval et l'habituera à travailler avec un taux d'acide lactique plus élevé
dans le sang (l'acide lactique est un des facteurs qui conduit à la sensation
de fatigue)
SÉANCES D'ENTRAÎNEMENT EN SAISON
1) Échauffement
2) Travail aérobie :
préparation au dressage et à la maniabilité, régularité
dans les allures
3) En alternance :
- Travail de la capacité
aérobie
- Travail de résistance
anaérobie
- Travail au galop :
à faire sous forme de nombreux "bout vite" de 300 à 400m avec
contournement d'obstacles naturels, et récupérations actives de mêmes
distances au trot.
CONCLUSION
L'entraînement du cheval
d'attelage de compétition ou de randonnée doit tenir compte des
particularités de ces disciplines qui nécessitent un travail d'endurance et de
force. Il faudra donc successivement développer la musculature,
travailler la force puis le souffle puis la vitesse. Cependant, dans les
obstacles de la phase E du marathon, il a été montré que des trajectoires
hachées, avec des phases de galops, augmentaient la lactatémie et la FC du
cheval par rapport à une trajectoire et une allure régulière, sans
diminuer le temps passé dans l'obstacle.
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