ALIMENTATION simplifiée DU CHEVAL

Conférence prononcée lors d'un stage de l'association Mayenne Attelage le 2 avril 2002
Dernière mise à jour de cette page : 18 novembre 2005

Le cheval pète, la vache éructe, et l'homme.... tente de contrôler ses échappements pour paraître civilisé !

Le cheval domestiqué est le plus souvent nourrit par l'homme qui lui fournit un pré ou qui lui apporte tous ses aliments à l'écurie. Cette alimentation à la mangeoire est sensée lui apporter tous les éléments nutritifs nécessaires à son bien-être... mais le cheval y perd sa liberté de choix.

Le cheval dispose d'une pâture et mange quand il veut. Selon la saison et la production de la prairie, le cheval se trouvera à son poids de forme, ou maigrira, ou engraissera. Ces fluctuations pourront être mesurée par le périmètre thoracique qui permettra également de chiffrer le poids de forme. Le poids de forme est le poids pour lequel le cheval réalise ses meilleures performances.
Le cheval consomme 1,5 à 2 kg de MS / 100 kg de poids vif, soit 55 kg d'herbe pour un cheval de 500 kg.
Il évacue 10 à 12 kg de crottin à 30% de MS (matière sèche) soit près de 750g de crottin sec pour 100 kg de poids vif. Ceci correspond à une efficacité alimentaire de moins de 50% pour un herbivore.

ALIMENTATION CONTRÔLÉE

C'est celle qui est distribuée au cheval pour couvrir ses besoins d'entretien, de production, de travail.

LA DIGESTION

La digestion c'est : une activité digestive et un temps de transit. Ainsi un temps de transit court ne permettra qu'une activité digestive partielle (action atténuée des sucs digestifs, absorption minorée des nutriments), donc un mauvais rendement d'utilisation de l'aliment.

Chez le cheval, les granulés restent 5 à 6 heures dans l'estomac avant d'en sortir sous forme d'une bouillie.

Le temps de rétention moyen (TRM) varie avec :
- la composition de la ration. Le taux de parois diminue le TRM (fourrage diminue le TRM car il présente un encombrement élevé qui nécessite une vidange plus rapide de l'estomac))
- la forme de présentation du fourrage. La granulation augmente le TRM. Ainsi le foin long passe plus vite que le foin sous forme de granulés.

	Foin Haché de 10cm	Foin Broyé et Aggloméré
TRM estomac/intestin	3.6	2
TRM caecum	4.9	1.6
TRM côlon	33.7	46.8
TOTAL :	42.2	50.4 chez le poney (Haflinger)

Les particules grossières de digesta sont retenues au niveau du caecum et de la jonction colon ventral et colon dorsal gauche. La phase liquide et les petites particules de digesta sont retenues au niveau du côlon dorsal droit (granulés ).

Digestion du cheval : elle est monogastrique enzymatique au début (bouche, estomac, intestin) puis polygastrique microbienne (caecum, colon)

Digestion du bovin : elle est polygastrique microbienne

- La position de la cuve à fermentation végétale dans l'organisation du tube digestif : colon et caecum du cheval près de l'anus, rumen de la vache près de la bouche, explique pourquoi l'évacuation des gaz de fermentation se fait sous forme de pets chez le cheval, et sous forme de rots chez le bovin.

- Les fermentations pathologiques donneront des météorisations du rumen avec attitude asphyxique chez la vache, des météorisations du colon et du caecum avec coliques chez le cheval.

- La valeur énergétique des céréales sera supérieure chez le cheval par rapport au bovin chez qui les microbes du rumen consommeront une partie de l'amidon pour leur propre compte.
Ainsi pour l'avoine, la valeur UFC est 0,88 et la valeur UFV est 0,86
pour le maïs, la valeur UFC est 1,14 et la valeur UFV est 1,11
UFC = Unité Fourragère Cheval UFV = Unité Fourragère Viande bovine

- La valeur énergétique des fourrages sera inférieure chez le cheval car la dégradation de la cellulose ne se fera qu'en fin de digestion dans le caecum et le colon, avec une assimilation moindre.

- Il en sera de même de la valeur azotée des aliments qui sera moindre chez le cheval. En effet, la synthèse microbienne de protéines à partir des apports d'azote soluble (ammoniaque, urée) se fera en fin de digestion dans le caecum et le colon, zone qui absorbe peu les protéines. Ainsi la matière azotée digestible cheval MADC sera < 10% MAD fourrage vert lue sur les tables,
< 15% MAD foin,
< 30% MAD ensilage

Une bonne partie de l'azote soluble ingéré passera dans le sang au niveau de l'intestin pour être transformé par le foie en urée (voie ornithine - citrulline - arginine) puis éliminé par le rein. Ceci peut conduire à la fourbure sur un cheval au foie fatigué mangeant de l'herbe tendre en excès.

L'existence de shunt artério veineux, entre le système vasculaire profond longeant la phalange et le système vasculaire superficiel très fin contenu dans les lames du podophyle pour nourrir la corne, régule la pression sanguine lorsque le cheval prend appuis au cours de la marche.

        Lors de l'appui, sous la pression, le sang contenu dans le pied est chassé vers le haut par les gros vaisseaux profonds car les anastomoses (shunts) artério-veineuses sont ouvertes, ce qui évite une surpression dans les capillaires nourricier du sabot.
Puis l'appui se porte en pince pour obtenir l'impulsion locomotrice. Cela libère le coussinet dont la vascularisation se trouve alors en dépression et aspire le sang des capillaires car les anastomoses artério-veineuses sont refermées.
        Nous avons donc un mouvement de pompe aspirante et refoulante à chaque pied.
        Ces anastomoses artério-veineuses joueraient un rôle dans la thermo régulation du pied du cheval en stationnement dans la neige ou sur la glace. En effet, leur ouverture privilégierait la circulation rapide du sang, en court-circuitant le réseau capillaire externe, donc permettrait à la phalange de baigner dans un sang chaud corporel. La partie externe se refroidirait, et de ce fait le besoin tissulaire en oxygène diminuerait, il n'y aurait pas d'anoxie du à l'arrêt de la circulation sanguine périphérique.

        Une suralimentation glucidique ou protéique provoque une multiplication des bactéries intestinales produisant de l'acide lactique de l'histamine et des endotoxines également présentes lors d'infections. Ces produits vont avoir une concentration relative plus importante dans les capillaires du pied, du fait de l'importance de ce réseau, et de l'état de stase gravitationnelle dans le pied du cheval immobile. Leur action va conduire à une constriction puis une vasodilatation capillaire s'accompagnant d'une élévation de la température du pied pouvant être supérieure à 30°C pendant 16 à 24h. On observe que le maintien du pied pendant plus de 14h à 30°C suffit à déclencher la fourbure .
        Le phénomène initiateur de la fourbure serait une perturbation du contrôle hypothalamique du fonctionnement des anastomoses artério-veineuses les laissant ouvertes, ce qui limiterait la circulation capillaire superficielle et induirait une ischémie (interruption de la circulation sanguine) des secteurs correspondants. La résistance vasculaire étant diminuée du fait de ce court-circuit des capillaires, le pouls digital devient alors bondissant. Dans un deuxième temps les phénomènes inflammatoires liés à l'histamine et les réactions au choc endotoxinique provoqueraient une stase sanguine qui aggraverait et étendrait l'anoxie cellulaire.
        La localisation des anastomoses artério-veineuses en grand nombre dans la lame dermique séparant la muraille de la phalange, explique le décollement de la phalange par mort du tissu la solidarisant au sabot. De plus, les enzymes métalloprotéinases 2 et 9 entrent en action suite à la disparition des inhibiteurs enzymatiques spécifiques qui contrôlent leur action. Ces métalloprotéinases servent à couper les liaisons entre la corne du sabot et le tissu lamellaire pour permettre le glissement physiologique du sabot lors de la croissance de la corne.

Ce décollement étant très douloureux, le cheval porte son appui sur les talons, ce qui tend le tendon perforant au maximum et provoque la bascule de la 3e phalange.
La circulation sanguine se maintient dans la partie postérieure du pied, et assure une croissance normale à la partie correspondante du sabot. Par contre la corne pousse moins rapidement en pince, ce qui donne au sabot une forme caractéristique, lorsque la fourbure devient chronique.

Les BESOINS ALIMENTAIRES :

- Entretien 5 UFC pour un cheval de 600 kg
- Croissance pour le jeune cheval
- Reproduction, gestation, lactation
- Travail léger = randonnée sans charge 0,5 à 1 UFC / heure
intense = passage d'obstacles de marathon, vitesse élevée 3 UFC / heure

Parcours moitié chemin, moitié route de 35 km en 4h 15 (soit 8 km/h), dénivelé cumulé de 500m, voiture de 450 kg
- le cheval de 600 kg passe d'un besoin d'entretien de 5 UFC à un besoin de 10,5 UFC avec le travail, or la pâture n'apporte que 7 UFC
- le poney en paire de 500 kg passe de 4 UFC à 7,5 UFC , la pâture apporte 6,5 UFC

LA PESÉE

Il faut peser le récipient plein de granulés et le remplir toujours de la même façon. Il vaut mieux utiliser un récipient plus haut que large, cela minore les erreurs.
10% d'erreur en poids se traduit par une erreur de 0,5 à 0,8 UFC par jour. Or 0,5 UFC de plus par jour pendant un mois conduit à un gain de poids de 15 kg pour le cheval. Sachant que le poids de forme est compris dans une fourchette de 5 kg autour du poids idéal, cette erreur de pesée se traduit vite par une méforme chez le cheval de course !!

MADC / UFC < 90 chez le cheval de club
> 100 chez le poulain de 6 mois
= 105 chez le cheval de course

Calcul de la valeur UFC à partir de la matière organique en utilisant la formule suivante :

LC = lignocellulose ou ADF (Acid Détergent Fiber)
MAT = matière azotée totale AMID = amidon

VARIABILITÉ DES NORMES

Ces variations proviennent du statut du cheval : cheval en activité, cheval athlète, de son tempérament ...

	cheval ordinaire	cheval athlète
graisses	3 %	5 à 8 % de la ration, jusqu'à 13 %
Protéines brutes	14%	12% de la ration
Protéines digestibles	125 g/kg	100 g/kg de matière sèche
Fibres totales	17%	12%
Minéraux	6%	8%
Calcium / Phosphore	1.5	2 à 3
ration Fourrage / Concentré	50 / 50	30 / 70

avant 1 an la ration doit apporter de la lysine à raison de 0,8 % de la matière sèche, soit 7 g / jour / 50 kg. Le foal doit recevoir 30 ppm de cuivre en conservant Zn / Cu = 3 . Ne pas lui donner de fer à la naissance car il n'a pas les moyens de le fixer, ce qui conduit à un risque toxique.
Apporter de la vitamine C et du calcium pour le poulain mou ( C Calcium pour soigner la bouleture )
Se souvenir qu'il y a des compétitions, des bagarres entre les pouliches de 6 à 12 mois, aussi elles mangent moins durant cette période.

Les apports de nourriture doivent être réguliers et ils doivent prendre en compte des transitions alimentaires de plus de 15 jours lors de l'introduction d'un nouvel aliment.

Régularité
Cela évite des situations de surcharges alimentaires à l'origine de désordres digestifs allant de la diarrhée à la colique, et à la fourbure.
En effet, les facultés digestives du cheval s'adaptent à la qualité et à la quantité de l'aliment. Il faut donc une alimentation constante, même si elle ne suit pas les fluctuations des besoins générés par un travail irrégulier. Pour connaître le niveau énergétique de la ration alimentaire propre à couvrir les dépenses énergétiques, il faut additionner ces dépenses sur une semaine, puis ramener cela à un jour moyen en divisant par 7. Les excédents alimentaires des jours non travaillés seront mis en réserve sous forme de glycogène ou de lipides, qui seront réutilisés les jours d'activités.
Il faut une alimentation régulière pour un travail en dents de scie, et non une alimentation en dents de scie parallèle à l'activité du cheval.

Transitions alimentaires
Il faut quinze jours pour adapter une flore intestinale à un nouvel aliment : nouveau concentré, passage du foin à l'herbe, sinon le cheval risque d'avoir des coliques ou de faire de la fourbure. La colique est la première cause de mortalité des chevaux.

Sur les étiquettes des aliments, il est question de MAT. Quel rapport avec les MADC ?

      On peut mesurer au laboratoire le taux d'azote total de chaque aliment, et par convention on a décidé que la matière azotée totale de l'aliment est : MAT = 6,25 x Taux d'azote total. Cette MAT ne correspond pas à la matière azotée utile pour le cheval. En particulier l'urée et l'ammoniac sont des sources azotées perdues par le cheval. C'est pourquoi on parle de matière azotée digestible MAD qui est environ égale à 0,45 MAT suivant l'aliment. Chez le cheval, du fait de la digestion microbienne en fin de tube digestif, donc moins efficace en quantité et mauvaise assimilation, on a défini les matières azotées digestibles chez le cheval MADC.
       Pour un aliment ou une céréale 100g MAD = 95g MADC
       Pour un fourrage vert                100g MAD = 90g MADC
       Pour du foin                              100g MAD = 85g MADC

L'orge ne peut voir sa valeur énergétique augmentée qu'en captant de l'énergie solaire pendant sa germination. Comme dans le même temps cette croissance dégage de la chaleur, l'orge ne s'enrichit pas en énergie. Par contre la germination rend l'amidon encore plus digestible et des vitamines sont synthétisées (vit C). Cependant cela doit se faire avec beaucoup de soin et d'hygiène car le cheval ne supporte pas les moisissures.
Puisque l'orge a une valeur énergétique plus élevée que l'avoine, pourquoi utilise t-on autant l'avoine pour nourrir les chevaux ?

C'est le cas en France, mais au proche Orient on utilise l'orge et aux USA le maïs avec des résultats sportifs comparables. Cependant l'avoine est très appétente, tendre à la dent, assez bien pourvue en cellulose (rôle de lest) et assez riche en lipides. Elle a en plus des propriétés toniques, stimulant les chevaux froids. L'avoine noire serait plus chauffante que l'avoine blanche.

Ces différentes présentations n'en changent pas la digestibilité apparente, mais sont intéressantes lorsque la mastication est insuffisante chez le vieux cheval, ou le cheval glouton. Cependant l'aplatissage prédispose au rancissement des lipides et de ce fait le stockage d'avoine aplatie ne devra pas dépasser 2 jours l'été et 3 jours l'hiver.
La cuisson de l'avoine lui fait perdre son effet stimulant.

    - L'aplatissage pour les grains tendres (avoine)
    - Le concassage pour les grains durs (maïs, orge)
    - Le trempage pour les grains durs. Il suffit d'une nuit de trempage pour ramollir les grains.
    - La germination pour les grains durs, mais il faut être stricte sur l'hygiène
    - La cuisson de tous les grains. Cette cuisson peut être ménagère, c'est le mash et le barbotage, elle peut être industrielle, c'est le floconnage, l'expansion-extrusion. Ceci accélère la digestion dans l'intestin grêle et augmente le rendement énergétique des grains de 15 à 20%.

Le mash est une préparation diététique à effet surtout laxatif du fait de ses composants (son de blé, graine de lin). Il sera donc distribué aux juments un peu avant et un peu après le poulinage pour soulager l'intestin, aux chevaux faisant des crottins durs, aux chevaux consommant beaucoup de paille, pour éviter des coliques de surcharge, aux chevaux soumis à une forte alimentation en rapport avec un travail intense, à raison de 1 à 3 fois par semaine.

     Préparation : 0,5 à 1 kg d'avoine concassé
                          100g de graines de lin broyées
                          0,5 kg de son de blé
                          1 cuillerée à café de sel
    Homogénéiser le mélange et verser de l'eau bouillante jusqu'au tiers de la hauteur du seau, et laisser macérer pendant une heure. Ensuite ajouter de l'eau froide à mi-hauteur et distribuer tiède au cheval.

      Autre préparation : 2 à 3 litres d'orge
                                    1 à 1,5 litres de son de blé
                                     une poignée de graine de lin
      L'orge et les graines de lin sont bouillies dans 5 à 6 litres d'eau pendant 3 heures. puis le son est incorporé et mélangé pendant le refroidissement. On laisse reposer pendant 6 heures.